La prévalence de la Nash dans les pays occidentaux est alarmante. En France, 3 à 6 millions de personnes seraient atteintes. Et l’affection se développe beaucoup plus vite que le diabète et l’obésité. C’est probablement la maladie du XXIe siècle. Mais l’opinion publique n’est pas sensibilisée à cette pathologie et les payeurs peu conscients du fardeau économique à venir.
La Nash (ou stéatohépatite non alcoolique) n’est reconnue que depuis 2012 comme une maladie à part entière. Pourtant, d’ici à 2020, les experts s’attendent à ce qu’elle devienne la première cause de transplantation hépatique, devant l’hépatite C (Wong et al, Gastroenterology 2015). Le journaliste sportif Pierre Ménès a reçu une double greffe hépatique et rénale en décembre dernier pour une Nash au stade de cirrhose. Jusqu'à 25 millions d'adultes aux États-Unis souffrent de cette pathologie, et la plupart ne le savent pas. "En France, selon des projections, de 3 à 6 millions d’adultes seraient potentiellement atteints de la Nash… dont 0,5 à 1 million de patients à un stade avancé", explique le Pr Sven Francque, chef du département de gastroentérologie et d’hépatologie de l’hôpital universitaire d’Anvers (Belgique). Urgence médicale majeure reconnue par les agences de régulation Européenne (EMA) et Américaine (FDA), la Nash est une maladie grave et silencieuse qui débute par une lésion hépatique, la stéatose (foie gras). Aucun symptôme n'apparaît généralement jusqu'à ce que les patients soient proches de l'insuffisance hépatique, luttant alors pour leur vie. Après la stéatose, la maladie évolue vers une inflammation chronique et une dégénérescence des cellules hépatiques (nécrose). A un stade de plus, survient une fibrose et une cirrhose qui peut évoluer vers une décompensation ou un cancer hépatique. A l’origine de la maladie, le mode de vie moderne avec le manque de temps, ou de moyens financiers pour avoir une alimentation saine et équilibrée et pour pratiquer une activité physique. D’ailleurs, la Nash s’accompagne de comorbidité comme le diabète ou l’obésité. Et la première cause de mortalité chez les patients est représentée par les maladies cardiovasculaires (38%). Si la prévalence de la Nash dans les pays occidentaux est alarmante, la maladie inquiète également les pays en voie de développement où les classes aisées s’exposent à des risques importants. La prévalence est de 12% dans l’ensemble de la population, de 19% chez les hispaniques, de 10% chez les caucasiens, de 14% chez les Afro-américains. Et la Nash est un phénomène de plus en plus inquiétant chez les jeunes : bien que la pathologie mette un certain temps à s’installer, il est de plus en plus fréquent d’observer une Nash (voire une cirrhose) chez des enfants ou jeunes adolescents. Aux Etats-Unis, la prévalence de la NAFLD (non alcoholic fatty liver disease), qui précède la Nash, chez les adolescents est passée de 3,3% dans les années 1988-94 à 8,8% dans les années 1999-2004 et à 10,1% dans les années 2005-2010 (Selvakumar, Hepatology 2016). Plus de 50% des enfants subissant une chirurgie bariatrique ont une NAFLD et plus de 34% des enfants avec une NAFLD ont une Nash (Stavra et al, Gastroenterology 2015). En France comme ailleurs, ces données incitent à tirer un signal d’alarme pour une prise de conscience générale du risque, d’autant que le phénomène n’est pas statique et les tendances constatées renforcent le sentiment d’urgence : la Nash se développe beaucoup plus vite que le diabète et l’obésité : plus 100% de patients Nash entre 1999 -2002 et 2009-2012 (de 2 millions à 4 millions de patients avec fibrose F3), alors que "seulement" plus 23% % de patients obèses et 43% de patients diabétiques (Kabbany, Gastroenterology 2017). La seule méthode de diagnostic aujourd’hui est la biopsie hépatique, examen invasif. Aucun traitement n’est approuvé à ce jour dans cette indication.
Genfit : un fonds de dotation pour sensibiliser sur la maladie et ses enjeux
C'est pour faire davantage connaître cette maladie que la biotech française Genfit, pionnière dans le développement d’un traitement, vient de lancer un fonds de dotation de 1,9 million d'euros, The Nash Education Program. Ce fonds pilotera des actions de sensibilisation autour de la Nash à destination, tant du public que des médecins. Les patients sont peu au courant des causes et conséquences et dans tous les cas, il est important de les déculpabiliser car ils pensent que l’alcool est en cause. Le mythe de la cirrhose, conséquence d'un penchant immodéré pour la bouteille, ne tient pas. "C'est une pathologie qui culpabilise les patients car les médecins, qui ne sont pas toujours bien informés, se disent : cette personne boit", explique Jean-François Mouney, président de Genfit, dont l'entreprise teste un médicament. La Nash concerne bien plus de spécialistes que les seuls hépatologues. Les recommandations communes EASL/EASD indiquent la nécessité d'une coopération inter-disciplinaire hépatologues-diabétologues pour la prise en charge de la file active de patients diabétiques ayant une Nash (Diabetologia, 2016). Il y a moins de 4 000 gastro-hépatologues en France : seuls, ils ne pourront pas relever le défi lié à la prévalence de la maladie. Mais, il y a 1 778 endocrinologues, 6 796 cardiologues et 102 140 médecins généralistes. Ensemble, ils pourront faire face aux nombreux malades. La formation des professionnels de santé a donc un rôle crucial à jouer, car la communauté médicale est encore insuffisamment préparée et formée à cette maladie multi-facettes. Il faut sensibiliser les médecins, alerter l'opinion publique. "Grâce à ce fonds de dotation, on veut trouver un diagnostic plus simple et moins invasif qu'une biopsie", explique le Pr Bertrand Cariou, directeur de l’Institut du Thorax au CHU de Nantes et membre du comité scientifique de The NASH Education Program. "On n'a pas le choix. Cette épidémie, déjà en hausse, risque d'exploser dans quinze à vingt ans. C'est une course contre la montre."
"Pour Genfit, l'enjeu est aussi d'importance", explique Jean-François Mouney, son président. Si l'essai clinique de phase III en cours est positif, l'élafibranor, sa molécule en développement dans la Nash, devrait être l'une des deux premières à atteindre le marché avec l'ocaliva de la biotech américaine Intercept. Derrière les deux pionniers, d’autres acteurs se profilent, comme Allergan (avec une molécule en développement), Gilead (trois molécules), BMS (deux molécules), Novo, qui pourrait y trouver une nouvelle application pour son antidiabétique semaglutide, et Novartis (deux molécules).
Pour 2017, la fondation a plusieurs projets, notamment le développement d’une base de données Patient Registry aux Etats-Unis avec pour objectifs de mieux comprendre les mécanismes de progression naturelle de la maladie, la réalisation de vidéos éducatives d’experts de renommée mondiale sur la maladie, et la mise en place, sur le long terme, d’un outil de mesure flexible et adapté permettant de comprendre l’évolution des besoins en matière d’information médicale et scientifique: le "Nash disease awareness". Ensuite, sont prévus un lancement d’appels à projets et des partenariats avec des associations de patients ou des industriels.
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