Article initialement publié sur La Revue du Praticien
Actuellement, en France, l’HbA1c est utilisée pour le suivi de l’équilibre glycémique. Cette surveillance est indispensable car une augmentation de 1 % de l’HbA1c augmente de 15 à 30 % les risques de complications de type micro- et macroangiopathiques. Chaque diminution de 1 % de l’HbA1c diminue la mortalité liée au diabète et les complications cardiovasculaires de 20 à 40 %. D’où l’importance de pouvoir se fier aux valeurs de l’HbA1c.
Le dosage de l’HbA1c a de nombreux avantages, expliquant sa large utilisation : les conditions pré-analytiques sont simples, son taux n’est influencé ni par l’apport nutritionnel ni par l’activité physique, et l’analyse est rapide.
La fraction A1c de l’hémoglobine subit une glycation, qui est une fixation lente et irréversible du glucose sur les chaînes β de l’hémoglobine A. La formation d’hémoglobine glyquée ou HbA1c est donc directement proportionnelle au taux de glucose circulant dans le sang au contact des érythrocytes.
Cependant, les valeurs peuvent être prises en défaut dans certains situations physiologiques, même si ces variations sont modérées. L’HbA1c augmente avec l’âge (augmentation de 0,1 % tous les 10 ans) et varie selon l’origine ethnique du patient (différence de 0,1 à 0,4 % chez les Caucasiens par rapport aux populations non caucasiennes pour les mêmes niveaux de glucose). De plus, la vitesse même du processus de glycation est propre à chaque individu : il existe ainsi des « glycateurs rapides » et des « glycateurs lents » qui, même s’ils ont la même glycémie moyenne, auront des taux différents d’HbA1c. Ces variations sont modérées et n’interfèrent que peu dans l’interprétation des résultats d’HbA1c.
Par ailleurs, les résultats de l’HbA1c sont conditionnés par une durée de vie normale des hématies et une synthèse normale d’hémoglobine. Ainsi, les anomalies du renouvellement des hématies, les hémoglobinopathies, mais aussi certaines pathologies chroniques ou traitements peuvent conduire à une interprétation erronée du taux d’HbA1c.
Le taux d’HbA1c est corrélé à une valeur moyenne de la glycémie (tableau 1). En cas de valeurs trop basses ou trop élevées de l’HbA1c selon la glycémie mesurée, il est nécessaire de rechercher les causes possibles de ces discordances (tableau 2).
Les facteurs influençant la durée de vie des hématies
L’HbA1c reflète la glycémie moyenne des 120 derniers jours, qui est la durée de vie moyenne des hématies. Cependant, le dernier mois compte pour 50 % de sa valeur tandis que les érythrocytes les plus âgés (90 à 120 jours) n’en représentent que 10 %. Toutes les situations modifiant la durée de vie des hématies affectent la durée de contact entre l’hémoglobine et le glucose et peuvent donc entraîner des interprétations erronées de la valeur de l’HbA1c.
Situations conduisant à une sous-estimation de l’HbA1c
Une hémolyse (auto-immune, mécanique, toxique ou médicamenteuse), une hémorragie, un traitement par saignée (hémochromatose) ou toute correction d’une anémie récente par du fer, de l’érythropoïétine ou de la vitamine B12 s’accompagne d’une stimulation de l’érythropoïèse.
Des transfusions répétées, un traitement par hémodialyse ou une séquestration splénique accrue (splénomégalie, cirrhose) aboutit à une diminution de la durée de vie des globules et à une stimulation de l’érythropoïèse si une anémie s’installe.
Ces deux situations sont responsables d’une augmentation de la proportion de jeunes globules rouges présents dans le sang, contribuant à des valeurs d’HbA1c anormalement basses.
De même, toute pathologie responsable d’une augmentation de la destruction des érythrocytes (drépanocytose, thalassémie, sphérocytose et elliptocytose héréditaires, etc.) est une cause de sous-estimation du taux d’HbA1c.
Situations conduisant à une surestimation de l’HbA1c
Inversement, une carence en fer, en vitamine B12, en acide folique ou en érythropoïétine (EPO) peut conduire à une surestimation du taux d’HbA1c par diminution de la régénération des jeunes hématies. Cependant, la présence concomitante d’une anémie doit conduire à une interprétation prudente.
L’insuffisance splénique, voire l’asplénisme responsable d’un déficit d’élimination des hématies, provoque une augmentation de l’âge moyen des globules rouges, et donc une surestimation du taux d’HbA1c.
Les hémoglobinopathies
On peut suspecter des pathologies de l’hémoglobine, ou hémoglobinopathies, en cas de découverte d’une microcytose isolée sans carence martiale, une polyglobulie à la NFS, mais aussi lors de la présence d’un variant lors du dosage d’HbA1c, de discordances entre les résultats attendus d’HbA1c et de la glycémie ou de signes clinico-biologiques d’hémolyse. La confirmation du variant nécessite la réalisation d’une électrophorèse de l’hémoglobine.
Aujourd’hui, en France, la majorité des laboratoires est équipée de techniques capables de séparer la majorité des variants de l’Hb lors du dosage des HbA1c (Hb C, Hb S-C, Hb E). En cas de mise en évidence de variants homozygotes de l’hémoglobine, ou hétérozygotes composites (présence des deux mutations hétérozygotes simultanément), les résultats peuvent être ininterprétables et non rendus par le laboratoire. La présence de mutations à l’état hétérozygote ne pose pas de problèmes d’interprétation de l’HbA1c.
Autres situations limitant l’interprétation des HbA1c
Chez les patients atteints d’insuffisance rénale, l’HbA1c est d’interprétation délicate. En effet, la diminution du taux de prolifération et de différenciation des précurseurs érythropoïétiques et la réponse inefficace à l’érythropoïétine endogène entraînent une surestimation de l’HbA1c. Néanmoins, cette valeur doit être pondérée par l’anémie que l’on peut observer dans l’insuffisance rénale et par les traitements compensateurs (fer, EPO).
D’autres situations peuvent entraîner une surestimation des taux d’HbA1c : les hypertriglycéridémies sévères (> 1 750 mg/dL), les hyperbilirubinémies sévères (> 20 mg/dL), une augmentation de l’urée ou encore la consommation chronique d’alcool, la prise chronique de salicylates et d’opioïdes.
Inversement, des molécules telles que les pénicillines, les anti-inflammatoires et la quinine sont associées à des taux d’HbA1c faussement abaissés. D’autres médicaments comme la dapsone (utilisée comme antilépreux et immunomodulateur), certains antirétroviraux (ribavirine et interféron) et la vitamine E provoquent une diminution de l’HbA1c. La vitamine C induirait également une diminution de l’HbA1c mais son effet est controversé.
Enfin, on peut observer des HbA1c basses chez les patients atteints d’insuffisance hépatique, probablement liées à un hypersplénisme dû à une hypertension portale.
Cas particulier de la grossesse
La grossesse est un autre exemple physiologique de perturbation du dosage de l’HbA1c : son niveau baisse lors du second trimestre pour réaugmenter lors du troisième trimestre. Ces variations sont dues à l’hémodilution, aux perturbations hormonales entraînant des fluctuations glycémiques plus rapides, au renouvellement accru des érythrocytes, à la carence en fer et à l’augmentation de la fraction d’hémoglobine fœtale.
Quelles alternatives ?
En cas de doute sur la valeur de l’HbA1c ou lorsqu’elle est ininterprétable – ce qui est le cas avec les variants homozygote de l’hémoglobine ou hétérozygote composite –, le dosage des fructosamines est possible. Reflet glycémique sur les 2 à 3 semaines précédentes, cette technique est peu standardisée : il n’existe pas de réels seuils décisionnels, il n’y a pas de données sur la corrélation avec les complications chroniques du diabète, elle peut être prise en défaut en cas de diminution du taux de protéines.
En cas de variant hétérozygote, il est préconisé de faire des dosages simultanés de l’HbA1c et des fructosamines. En cas de concordance des résultats, il est alors possible de suivre le patient par l’HbA1c. Mais le patient doit faire les dosages dans le même laboratoire. En cas de discordance, le suivi par fructosamines est préconisé.
Dans ces cas complexes, le laboratoire doit conseiller le clinicien sur l’interprétation des résultats et sur le meilleur dosage à proposer au patient. Le suivi de la glycémie en continu est aussi une alternative.
Ainsi, le dosage de l’HbA1c, analyse largement répandue pour le suivi des patients diabétiques, peut parfois être pris en défaut : la connaissance du contexte clinico-biologique et thérapeutique est essentielle pour assurer une prise en charge optimisée du suivi diabétique via l’HbA1c.
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