
Egora décrypte la proposition de loi Garot
Les discussions autour de la proposition de loi Garot, visant à lutter contre les déserts médicaux, ont commencé le 2 avril dernier à l’Assemblée nationale. Son article phare, qui instaure la régulation de l’installation des médecins, a été adoptée en première lecture. Mais en quoi consiste cette mesure et pourquoi suscite-t-elle la colère chez les médecins et les étudiants en médecine ? Egora vous explique en vidéo.

Le 2 avril dernier, les députés ont adopté en première lecture le premier article de la proposition de loi Garot instaurant la régulation de l’installation des médecins. Concrètement, pour qu’un médecin puisse s’installer, il aurait besoin d’une autorisation délivrée par une agence régionale de santé. Cette autorisation serait automatique dans le cas où le praticien voudrait s’établir dans une zone sous-dotée. Mais pour ouvrir son cabinet dans une zone où l’offre de soin est suffisante, soit 13% du territoire aujourd’hui, il devrait attendre qu’un confrère de la même spécialité cesse son activité.
Ces zones seraient définies sur la base d’un nouvel "indicateur territorial" instauré par la loi, qui prendrait en compte le nombre de médecins déjà en activité, mais aussi "le temps médical disponible par patient". Il serait actualisé chaque année pour chaque spécialité.
Cette mesure ne concernerait que 435 généralistes par an, d’après une étude publiée dans Egora avec l’aide du Dr Michaël Rochoy. Mais elle est "nécessaire" selon Guillaume Garot, le député socialiste à l’origine de la proposition de loi. Comme argument, il cite notamment les dentistes, les kinés, les pharmaciens ou les infirmières, qui sont déjà concernés par une régulation à l’installation.
Le premier ministre François Bayrou, s’est également dit favorable à une forme de régulation, et elle serait soutenue par 86% des Français, d’après un sondage Ipsos pour la Fédération hospitalière de France.
Mais du côté des médecins et des étudiants, ça ne passe pas du tout. Pour les organisations syndicales, cette mesure est "contre-productive", voire dangereuse pour notre système de santé. Selon elles, elle ne ferait que "détourner les jeunes médecins de l’installation au profit d’autres exercices, ou d’une fuite vers l’étranger". Certains pourraient même être tentés de se réorienter. D’ailleurs les syndicats d’externes, d’internes et de jeunes médecins ont décidé de lancer un mouvement de grève à partir du 28 avril prochain pour une durée indéterminée.
Et ce n’est pas le seul article que contient la PPL Garot. Le deuxième supprime la majoration du tarif de consultation pour les patients qui n’ont pas de médecins traitants, soit près de 6 millions de Français aujourd’hui.
L’article 3 vise quant à lui à ouvrir "dans chaque département" une première année de médecine, pharmacie, odontologie et maïeutique. Cette "territorialisation" des études est soutenue par le ministre chargé de la Santé et de l’Accès aux soins Yannick Neuder qui a même évoqué l’idée qu’il y ait "trois années de médecine" accessibles dans chaque département. Mais pour les Doyens et les universités, cette proposition n’est "pas réaliste". Ils affirment que les territoires ne disposent pas tous des infrastructures suffisantes, ni des moyens humains suffisants.
Enfin, le quatrième article fait, lui aussi, grincer des dents : il prévoit le retour de l’obligation de participation à la permanence des soins ambulatoires (PDSA) des médecins généralistes, libéraux et salariés. Depuis 2002, ces gardes de nuit et de week-ends s’effectuent sur la base du volontariat, mais pour Guillaume Garot, cela "ne permet pas de répondre à la demande de soins exprimée par la population". Il évoque même un "désengagement des médecins libéraux".
Une affirmation contredite par l’Ordre des médecins, qui a récemment publié son enquête annuelle sur la PDSA : elle montre que 39,56% des généralistes ont participé à la permanence des soins en 2024, un chiffre en très légère hausse par rapport à 2023. Elle indique également que 97% du territoire est déjà couvert.
Les discussions sur la PPL Garot doivent reprendre à l’Assemblée la semaine du 5 mai.
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