
Médecin interdit d'exercice : peut-il invoquer des difficultés financières pour suspendre sa peine ?
Un praticien suspendu par l'Ordre des médecins et dans l'obligation de se former, peut-il invoquer des difficultés financières pour suspendre sa peine alors que la médecine est son unique source de revenus. Un arrêt du Conseil d’Etat en date du 27 janvier 2025 a tranché.

De nationalité roumaine, le Dr A.., médecin qualifié spécialiste en gynécologie-obstétrique en 2009, exerce son activité en France depuis 2011, principalement dans le cadre de remplacements ponctuels au sein de différents centres hospitaliers pour assurer des astreintes en obstétrique et des consultations d’urgence en gynécologie.
En août 2023, la pratique médicale de ce médecin a été mise en cause alors qu’il avait été recruté comme intérimaire au centre hospitalier du Puy-en-Velay. La mise en danger du pronostic vital d’une parturiente et de celle d’un nourrisson a ainsi été signalée et retenue contre ce praticien, notamment par la directrice de l’ARS d’Auvergne Rhône-Alpes. Il a ainsi été suspendu, en urgence, en application de l’article R.4124-3-5 du Code de la santé publique. L’Ordre a alors été saisi pour qu’il soit procédé à une expertise des compétences professionnelles de ce médecin. Après plusieurs mois de procédure, c’est finalement le Conseil national de l’Ordre qui prononcera une mesure de suspension d’exercice pour une durée de seize mois assortie d’obligations de formation auxquelles l’intéressé devrait se soumettre avant de pouvoir être autorisé à reprendre son activité.
A la suite de cette condamnation, ce médecin a saisi en urgence le Conseil d’Etat pour demander la suspension immédiate de cette condamnation. Pour sa défense, il a notamment soutenu que cette décision d’interdiction d’exercice le privait de sa seule source de revenus et l’empêchait de satisfaire aux besoins de la vie courante et à l’éducation et l’entretien de ses deux jeunes filles de 8 et 10 ans alors que l’abandon de son cabinet pour seize mois lui ferait perdre sa patientèle libérale. Ce praticien considérait également que le rapport d’expertise était incomplet en ce qu’il n’évaluait pas ses compétences théoriques et pratiques.
Des arguments balayés par le juge des référés du Conseil d’Etat, dans une décision du 27 janvier 2025. Pour cette juridiction et suite aux conclusions des experts, « le niveau du Dr A… n’est même pas celui d’un interne de fin de 2ème année de spécialité, qu’on ne peut attendre qu’il y ait un accident grave engageant la vie d’une patiente ou de son nouveau-né pour s’inquiéter, qu’on ne peut passer sous silence ses insuffisances en termes de connaissances théoriques et pratiques de la spécialité et le risque pris auprès des patientes dont il a la charge lors d’astreintes opérationnelles depuis de nombreuses années et qu’une formation intensive d’au minimum un an est nécessaire avant de pouvoir réexercer dans des hôpitaux publics ou privés ».
Et le Conseil d’Etat d’ajouter, en guise de conclusion, que si ce médecin fait face à des difficultés financières à la suite de cette interdiction d’exercice, les exigences de sauvegarde de la sécurité des patientes et de la qualité des soins qui leur sont dispensés sont prioritaires et prévalent sur ces difficultés financières.
La sélection de la rédaction