
Cours, congrès, recherche... Dans quelles conditions un médecin peut-il utiliser les photos d'un patient ?
Un médecin doit veiller à ce que l’identification des personnes ne soit pas possible lors de l’utilisation d’éléments tirés du dossier médical d’un patient, notamment des photographies.

Comme le rappellent l’article 9 du Code civil et l’article L.1110-4 du code de la santé publique, chacun a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. Ce droit concerne l’ensemble des informations venues à la connaissance d’un médecin, quels que soient leurs contenus ou leur support. Le droit à l’image s’impose, notamment aux professionnels de santé tentés d’utiliser des photographies de patients dans le cadre de leurs activités d’enseignement ou à l’occasion de présentations dans des congrès.
Comme le précise l’article R.4127-73 du code de la santé publique, "le médecin doit faire en sorte, lorsqu’il utilise son expérience ou ses documents à des fins de publication scientifique ou d’enseignement, que l’identification des personnes ne soit pas possible. A défaut, leur accord doit être obtenu".
Dans ses commentaires de cet article, l’Ordre national des médecins rappelle, à propos des photographies, qu’elles doivent être masquées, au risque d’exposer leur auteur à des poursuites pour violation du secret médical. A défaut de cette précaution élémentaire, l’accord du patient doit être recueilli. Le simple fait d’utiliser ces informations, et plus particulièrement ces photographies, dans le cadre d’une activité d’enseignement, n’exonère pas le médecin de son obligation d’obtenir l’accord préalable de son patient. C’est ce qui vient d’être rappelé par le tribunal administratif de Strasbourg, dans un jugement du 9 juillet 2024.
Atteinte à l'image et à la vie privée
Dans cette affaire, un praticien hospitalier spécialiste en médecine et chirurgie bucco-dentaire, également professeur dans une faculté de chirurgie dentaire, avait pris plusieurs clichés du visage et de la dentition d’une patiente dont il se servira par la suite pour illustrer un cas pratique présenté dans le cadre de son activité d’enseignement. Cette patiente ayant appris la diffusion de son image, sans avoir donné son accord, a mis en demeure la faculté de chirurgie dentaire de Strasbourg de cesser la diffusion de son image et sollicité la réparation du préjudice subi.
Après avoir été informée que ces photographies n’étaient plus diffusées, la patiente n’a pas obtenu de réponse favorable à sa demande d’indemnisation, l’obligeant à porter sa réclamation devant le tribunal administratif de Strasbourg, qui lui donnera raison en lui accordant 2 000 euros de dommages-intérêts. Cette condamnation était doublement justifiée : l’intéressée était bien identifiable sur les photographies et elle n’avait pas donné son accord pour les diffuser. La faute était ainsi caractérisée et la violation du droit au secret médical établie.
Pour la juridiction strasbourgeoise, la révélation non consentie du visage et des lésions impliquait une atteinte à l’image, mais aussi à la vie privée de cette patiente. Concernant l’évaluation de son préjudice, seul un préjudice moral de 2 000 euros a été retenu, pour tenir compte "du retentissement de la faute sur sa vie personnelle", l’intéressée n’ayant pu démontrer un préjudice matériel en lien avec une baisse de son activité professionnelle consécutive à la diffusion de ces photographies.
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