
Sevrage tabagique : halte aux idées reçues
Si la prescription des traitements de substitution nicotinique est aujourd’hui grandement facilitée par les autorités de santé, le vapotage a quelque peu rebattu les cartes du sevrage tabagique.

On connaît les risques du tabac, des goudrons en particulier, et son haut potentiel addictogène. La nicotine, elle, n’est pas toxique ; pour qu’elle le devienne, il faudrait que le corps entier soit recouvert de patchs ! On peut la proposer aux femmes enceintes, et les patchs peuvent être employés en post-infarctus immédiat, dès les soins intensifs. "La seule contre-indication est… le non-fumeur", insiste la Dre Marion Adler, médecin généraliste et tabacologue à Clamart. Fumer avec un patch est possible, le savoir enlève souvent un stress au candidat à l’arrêt.
Médecins, serez-vous prêts à aller exercer jusqu'à 2 jours par mois dans un désert ?

Foulquier Marie-Josée
Non
Si j'en ai la possibilité physique et organisationnelle, je ne suis pas opposée à aller aider des collègues ou des patients dans u... Lire plus
Nicotine inoffensive
On ne doit pas craindre de toxicité vasculaire de la nicotine : si la cigarette a un petit effet vasopresseur, ce n’est pas le cas du patch par lequel la nicotine diffuse lentement.
Autre fausse croyance, "le fait de fumer moins ne réduit pas le risque cardiovasculaire, précise le Dr Paul Vanderkam, médecin généraliste à orientation tabacologique (Lormont). Les produits de combustion et notamment le CO s’élèvent très rapidement, d’autant que l’on tire alors davantage sur cette cigarette ; à l’inverse, à l’arrêt, le bénéfice vasculaire est quasi immédiat, dès vingt-quatre heures". Idem pour le cannabis, ses produits de combustion étant nocifs pour soi et l’entourage.
Patch durant vingt-quatre ou seize heures ? Ils diffusent l’un ou l’autre pendant le temps où ils restent posés. On préfère le laisser 24 heures à un fumeur "nocturne", un nouveau patch mettant trente minutes à agir. Le patch de seize heures pourra être conseillé s’il est à l’origine de rêves dérangeants ou de cauchemars.
Au bon dosage
Le patch serait inefficace ? C’est qu’il est sous-dosé : l’addiction à la nicotine est la plus dure, et si 21 mg est la dose la plus forte pour un patch, on ne doit pas hésiter à augmenter le traitement de fond (en ajoutant d’autres patchs) et à associer systématiquement d’autres substituts. Si un patient fume encore, c’est qu’il n’a pas sa dose. S’il est nauséeux parce que surdosé, il n’aura plus envie de fumer.
Une réévaluation rapide de la dépendance est nécessaire même si la prescription court sur trois mois. À noter, la durée de prise en charge des substituts est désormais illimitée.
Les effets secondaires des substituts sont liés au surdosage : quand après trois semaines ou trois mois, ils apparaissent, c’est que la dépendance est moindre.
La nicotine des substituts n’entretient pas la dépendance, comme le craignent certains patients. "En raison de leur cinétique lente (versus la nicotine gazeuse, qui agit en 7 secondes), les récepteurs à la nicotine se ferment au fur et à mesure", indique le Dr Olivier Galera, médecin tabacologue (Toulouse).
Substitution multimodale
Une fois l’arrêt obtenu et en cas d’addiction aux gommes (5% des abstinents), on peut proposer de remettre des patchs pour remplacer les substituts oraux.
Il est parfois nécessaire de tester plusieurs formes orales avant de trouver celles qui conviennent en sachant qu’une cigarette roulée vaut deux cigarettes "industrielles". Un joint, trois à quatre cigarettes. Et qu’une séance de chicha peut équivaloir en termes de CO à trente voire cent cigarettes (l’eau ne filtre rien !).
Inutile et même contre-productif de penser en nombre de cigarettes, un fumeur prenant 1 à 10 fois la dose de nicotine suivant sa façon d’aspirer… mieux vaut titrer en fonction du ressenti – comme pour la douleur : est-il en manque ? Un paquet de cigarettes doit être en première intention compensé par un gros patch, et s’il est difficile de se passer de cigarette, c’est que le patient n’est pas suffisamment « substitué ».
Le sevrage est synonyme de prise de poids ? "Non, ce grignotage est synonyme de manque de nicotine (qui donne des fringales) et l’on ajoute alors un 'petit' patch de 7 mg que l’on garde jusqu’à ce que les signes de surdosage apparaissent", répond le Dr Galera. On réduit la dose des patchs après un mois sans tabac.
Et le vapotage ? "Ce n’est pas une passerelle vers le tabac puisque le tabagisme a diminué partout depuis la vape", rassure la Dre Adler. Clairement efficace pour le sevrage, la nicotine ici vaporisée peut être complétée par des substituts. Mieux vaut réduire la fréquence de prise avant de réduire le dosage en nicotine. La vape n’entretient pas la dépendance, puisque là encore la nicotine arrive plus lentement que pour une cigarette, en trente secondes à une minute. Enfin, la puff est équivalente à la vape.
Au sommaire de ce dossier :
- Violences conjugales : poser plus systématiquement la question en consultation
- Insuffisance cardiaque : des pistes pour optimiser le parcours de soins des patients
- Dépister et soigner la dépression du post-partum : le généraliste en première ligne
- Chutes sévères : le médecin doit aussi sensibiliser les "jeunes" seniors
- Troubles du neurodéveloppement : de nouvelles missions pour le médecin généraliste
- Troubles de la santé mentale des enfants : des règles thérapeutiques à maîtriser
Références :
D’après l’Atelier "Traitements de substitution ou vapotage : que choisir pour le sevrage tabagique ?", coorganisé avec la Mildeca, lors du 18e Congrès Médecine Générale France (CMGF, Paris, du 27 au 29 mars 2025)
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