François Bayrou

Consultations avancées de médecins dans les déserts, délégations aux pharmaciens... Le Gouvernement présente son plan "de la dernière chance"

En déplacement ce vendredi dans le Cantal, François Bayrou a présenté un "pacte de lutte contre les déserts médicaux", qui doit permettre de dégager rapidement 50 millions de consultations par an dans les zones sous-denses. Le Premier ministre a prévenu : si ces mesures ne suffisent pas, il faudra en venir à la régulation. 

25/04/2025 Par Aveline Marques
Déserts médicaux
François Bayrou

“Les déserts médicaux sont le symptôme le plus grave, le plus aigu et le plus insupportable de la fracture que nous avons laissé se créer sur notre territoire”, a lancé François Bayrou. En déplacement ce vendredi 25 avril dans le Cantal, le Premier ministre a présenté un “pacte d’actions” en quatre axes qui vise à “mettre fin sans attendre, sans discours mais par des actes au scandale des déserts médicaux”

Issu des concertations avec les représentants des médecins, des étudiants, des élus locaux et des groupes parlementaires menées durant tout le mois d’avril, ce plan est celui de “la dernière chance pour notre système de santé”, a insisté le chef du Gouvernement. Les mesures qu’il contient doivent permettre de réorienter 80 millions de consultations par an dans les zones les plus prioritaires. 

"Les médecins ont une obligation de fraternité", a déclaré François Bayrou

  • Solidarité obligatoire de tous les médecins, qui devront consulter jusqu'à 2 jours par mois dans un désert

C’est la mesure phare de ce pacte : instaurer un principe "de responsabilité et de solidarité de l’ensemble de la communauté médicale” dans les territoires. “Chaque médecin généraliste ou spécialiste qui exerce dans un territoire bien pourvu devra consacrer un ou deux jours par mois à des consultations dans les zones qui sont le plus en difficulté”, a annoncé François Bayrou. “De par leur formation, de par les services qu’ils peuvent rendre, de par leur appartenance au système de solidarité fondé au temps du Conseil national de la résistance, les médecins ont une obligation de fraternité dont je sais l’immense majorité d’entre eux sont pleinement conscients”, a insisté le Premier ministre.

Une cartographie des "zones rouges" sous un mois

Les ARS, en lien avec les élus locaux et les préfets, auront pour mission d’identifier d’ici à la fin du mois de mai les zones prioritaires, appelées "zones rouges", dans lesquelles l’accès aux soins est très dégradé, voire inexistant. Cette cartographie, à l’échelle des bassins de vie, prendra en compte plusieurs données, a précisé la ministre de la Santé, Catherine Vautrin : la densité de généralistes, la part des généralistes âgés de plus de 60 ans et susceptibles de partir sous peu à la retraite, le nombre de patients en ALD, de patients âgés et l’évolution démographique.

Les médecins des zones limitrophes devront s’organiser et se relayer pour “assurer une continuité d’exercice en médecine de premier recours dans ces zones [sous-dotées], avec des plannings définis à l’avance sur le modèle de la permanence de soins”, précise le dossier de presse. Fait important : les praticiens auront dans le même temps la possibilité de se faire remplacer dans leur cabinet principal. Le Gouvernement fait le pari de la confiance. “Les préfets et les ARS n’interviendraient qu’en l’absence de réponse locale”, indique François Bayrou.

Cette mesure nécessaire pour les “5-6 ans à venir” sera inscrite dans la loi. Elle aura un caractère obligatoire, précise une source gouvernementale. Les médecins qui participeront bénéficieront d’une “compensation”, tandis que ceux qui refuseraient pourraient se voir financièrement pénalisés. Il n’est, en revanche, pas question de majorer les tarifs de ces consultations, pour ne pas défavoriser les assurés de ces territoires.

La contribution demandée à chaque médecin variera en fonction des besoins locaux et des spécialités : elle n’excédera pas 2 jours par mois, mais pourrait être limitée à “quelques jours par an”. Selon les territoires, elle pourra prendre la forme de consultations avancées dans des locaux existants ou de téléconsultations, précise la même source gouvernementale.  

 

  • Former plus de médecins et soignants, au plus près des territoires

“Si nous voulons des médecins dans tout le territoire, il nous [faut] des médecins venus de tout le territoire”, résume François Bayrou, rappelant que “50% des généralistes exercent à moins de 100 km de leur lieu de naissance et 50% d’entre eux exercent à moins de 40 km de leur lieu d’internat”.

Si la réforme de 2020 a permis de mieux mailler le territoire, l’exécutif veut aller plus loin en ouvrant dès septembre 2026 une première année d’accès aux études de santé dans chaque département de France métropolitaine et d’outre-mer ; à l’heure actuelle, 24 départements n’en sont pas pourvus.

Cette première année sera adaptée à chaque territoire et prendra la forme selon les cas d’une antenne universitaire (parfois en distanciel via le dispositif des campus connectés) ou d’un “parcours adapté” au sein des formations existantes.

100% des étudiants devront faire des stages en ville

Jugeant le système Pass/LAS trop complexe et trop hétérogène, le Gouvernement affiche son intention de démarrer des travaux “à court terme” pour évoluer vers un modèle national d'accès unique aux études de santé.

Par ailleurs, l’exécutif souhaite que 100% des étudiants en médecins réalisent au moins un stage en dehors des CHU et en territoire sous-dense au cours de leur formation en deuxième et en troisième cycles. Cela suppose un encadrement universitaire renforcé et un soutien logistique (développement d’internats ruraux, aide à la mobilité...).

Le nombre d’étudiants en santé formés augmentera de 20% d’ici à 2030 : le numerus apertus sera transformé pour prioriser les besoins de santé du territoire dans la définition du nombre minimal de places à ouvrir en première année d’étude de santé.

Le Gouvernement veut également faciliter le retour des 15 000 Français partis suivre des études de santé (dont 5000 étudiants en médecine) dans un autre pays européen, ce que François Bayrou a qualifié d’”hémorragie”. Pour le ministre chargé de la Santé, Yannick Neuder, qui a porté cette mesure en tant que député, la réintégration des étudiants de 4e, 5e ou 6e année, après une vérification de leurs compétences, permettrait de “gagner du temps” de formation. 

Le Gouvernement a, par ailleurs, réaffirmé sa volonté de mieux accueillir les Padhue, en réformant et simplifiant les épreuves de vérification des connaissances (EVC). 

Enfin, les passerelles vers les études médicales seront développées, avec des intégrations en deuxième cycle possibles pour les autres professionnels de santé, “après évaluation”. 

15 000 assistants médicaux à l'horizon 2028

  • Dégager du temps médical et poursuivre les transferts de compétences

“Les médecins nous ont dit à quel point ils sont surchargés de tâches administratives, de certificats à rédiger, de paperasse”, a déclaré François Bayrou, promettant de supprimer “les certificats inutiles”, notamment ceux concernant la pratique sportive.

Pour le Premier ministre, il faut “accélérer et amplifier le déploiement des assistants médicaux tout en leur déléguant davantage de compétences”. Le Gouvernement vise un objectif de 15 000 assistants médicaux à l’horizon 2028, contre 8000 à l’heure actuelle.

Le pacte vise en outre “à confier de nouveaux actes à d’autres professionnels de santé”, en particulier aux pharmaciens d’officine qui sont “bien répartis sur tout le territoire”, a souligné le Premier ministre. Considérant que la prise en charge par les pharmaciens des angines et des infections urinaires est une réussite, le Gouvernement veut étendre le champ des pathologies pour lesquelles ils pourront délivrer des médicaments sans prescription médicale, sur la base de protocoles validés par la HAS : rhinite allergique, sinusite aiguë, plaie simple, piqure d’insecte...

Attendue depuis plus d’un an, l’expérimentation de l’accès direct aux kinés “démarrera en juin 2025” dans 20 départements. Quant à l’arrêté permettant la primo-prescription des IPA, il sera “signé dans les prochains jours”, a promis Yannick Neuder.

Le dossier de presse du Gouvernement évoque d’autres actes confiés aux paramédicaux : pour les orthophonistes, les aspirations endotrachéales ; pour les audioprothésistes, le retrait de bouchons ; pour les pédicures-podologues, le retrait des verrues à l’azote... Par ailleurs, les compétences des sages-femmes en matière de prise en charge des fausses couches spontanées vont être élargies.

Enfin, le plafond de 20% d’activité en téléconsultation pour les médecins retraités sera supprimé et l’activité de médecine esthétique sera encadrée avec un “plafonnement des activités esthétiques non dédiées au soin à hauteur de 10% du chiffre d’affaires” pour un médecin généraliste conventionné. 

 

  • Favoriser l’accueil des médecins et étudiants sur les territoires

“Les dispositifs sont devenus si nombreux que les professionnels de santé eux-mêmes ont du mal à s’y retrouver”, a constaté le Premier ministre. Un guichet unique d’aide à l’installation sera mis en place au niveau régional, voire décliné au niveau “infra-régional”. Le dispositif des zones de revitalisation rurale fera l'objet d'une mission d'évaluation.

ARS, élus locaux et préfets travailleront également ensemble pour faciliter l’accueil des étudiants et l’installation des professionnels sur les territoires. Cela passe par le logement, avec notamment le développement des internats ruraux, par des aides à la mobilité ou encore des places en crèche. 

Méthode commando

  • Quand et comment seront mises en place ces mesures ?

Il n’y aura pas de vecteur législatif unique, a indiqué l’exécutif. “Trop de grandes lois ont été annoncées et même votées, et ont promis un changement radical sans que rien ne change”, a déploré François Bayrou, adepte de la “méthode commando pour aboutir dans des délais brefs à des résultats tangibles”.

Le Gouvernement compte utiliser les “vecteurs législatifs actuels” que sont les propositions de loi Garot (examinée le 6 mai à l’Assemblée nationale) et Mouiller (le 12 mai au Sénat) pour faire adopter certaines des mesures de ce pacte par amendements. La proposition de loi infirmière sera également mise à profit.

Par ailleurs, la proposition de loi Neuder votée par les députés avant la dissolution et qui prévoit notamment le rapatriement des Français partis étudier la médecine à l’étranger sera examinée au Sénat le 19 mai, a indiqué le ministre chargé de la Santé. 

Source : dossier de presse

 

  • Quels résultats attendus ?

Ces mesures représentent un potentiel de 50 millions de consultations supplémentaires, par an, dans les zones les plus en difficultés, avance l'exécutif. 

Le Gouvernement compte les 15 millions de consultations qui seront assurées par les futurs docteurs juniors de médecine générale, incités financièrement à aller dans ces zones. Il espère que 30 millions de consultations seront “réorientées” vers les territoires les plus sous-dotés grâce au principe de solidarité territoriale des médecins.

Par ailleurs, 3.5 millions d’euros seront réaffectées aux soins grâce aux assistants médicaux, et 6 millions par la suppression des certificats inutiles. 

Le gouvernement espère "calmer la grogne" des médecins et des étudiants

  • “Dernière chance” avant la régulation de l’installation

“Ce plan a été travaillé avec les représentants des professionnels, il a été concerté avec les parlementaires, il est une réponse à l'incompréhension et au mouvement de colère qui ont pu être générés par la menace sur la fin de la liberté d'installation”, met en avant une source gouvernementale. L’exécutif espère ainsi “calmer la grogne” des étudiants et des médecins libéraux, qui feront grève et manifesteront contre la proposition de loi Garot la semaine prochaine. 

Ce pacte “est un message de confiance”, “on souhaite que les médecins se mobilisent”, insiste cette même source gouvernementale. Si François Bayrou s’était montré favorable, devant le Conseil économique, social et environnemental, à la régulation de l’installation des médecins, il semble avoir changé d’avis. “Le Premier ministre a écouté, a consulté, a entendu le mouvement de contestation”, assure ce représentant. “C'est donc une piste qu'on ne souhaite pas poursuivre car elle a plein d'effets indésirables et par ailleurs, elle ne réglerait pas le problème.” 

“La voie de la régulation autoritaire ne sera pas celle que nous retiendrons dans l’étape que nous ouvrons aujourd’hui”, a confirmé le chef de l’exécutif dans son discours. Tout en mettant en garde les médecins : “Si ce plan d’urgence immédiat ne réussit pas, le jour viendra où les principes de ce système fondé sur le choix libre des médecins devront changer”

13 débatteurs en ligne13 en ligne
Photo de profil de François Pl
455 points
Débatteur Renommé
il y a 4 jours
Et... en attendant : a-t-on revu et corrigé la sélection musclée et dissuasive de "Parcoursup" et des "concours d'admission" dont le but réel est de masquer la pénurie de places disponibles pour les é
Photo de profil de Albert Dezetter
939 points
Débatteur Renommé
Médecins (CNOM)
il y a 12 jours
Deux jours par mois, si nous comprenons bien, le médecin d'une ville devra se déplacer depuis son cabinet pour se rendre par des chemins vicinaux dans l'arrière cuisine du dernier café d'un chef-lieu
Photo de profil de Francois Cordier
1,9 k points
Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 11 jours
" Fait important : les praticiens auront dans le même temps la possibilité de se faire remplacer dans leur cabinet principal. " Magnifique ! l'exilé pourrait avoir le droit d'être obligé
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