
Entrée de l'hôpital américain de Paris, 2011 (Siren-Com, via Wikimedia Commons)
Suicide d'un anesthésiste réputé de l'hôpital américain de Paris : un juge d'instruction saisi
Une enquête de la cellule investigation de Radio France dévoile qu'un juge d'instruction a été saisi dans l'affaire du suicide du Dr Emmanuel Marret, un médecin anesthésiste-réanimateur de l’hôpital américain de Paris (situé à Neuilly-sur-Seine), survenu en 2020.

Entrée de l'hôpital américain de Paris, 2011 (Siren-Com, via Wikimedia Commons)
Le 16 février 2020, le Dr Emmanuel Marret, anesthésiste-réanimateur à l'hôpital américain de Paris situé à Neuilly-sur-Seine, se suicide à l’arrière de sa voiture, en lisière de la forêt de Montmorency (Val-d’Oise) en s'injectant une dose létale de médicament. La mort du praticien renommé de 48 ans provoque l'effroi du côté du corps médical, mais surtout de sa famille. "Il aimait la vie. C’était quelqu'un de solide, habitué au stress des interventions, absolument pas déprimé. Ses enfants représentaient tout pour lui. Ce geste, ce n’est pas lui. Cela ne lui correspond pas", confiait sa femme à franceinfo, quelques mois après les faits. "Dans l’une de nos dernières conversations, il me disait : 'Je n’en peux plus de toute cette pression. Je veux quitter cet hôpital. J’en ai ras-le-bol. Je fais mes gardes et on parle calmement de tout ça en vacances'". Il est passé à l'acte peu après sa dernière garde.
La cellule investigation de Radio France s'est procurée les auditions menées par la Brigade de répression de la délinquance aux personnes (BRDP) lors de l’enquête préliminaire classée sans suite. Sur seize médecins du service entendus par la police, treize dénoncent un "management toxique" mais aussi une "pression permanente" de la direction de l'hôpital américain de Paris, et des conditions de travail "dégradées". Certains de ces médecins n’hésitent pas à qualifier de "harcèlement moral" le comportement du chef du pôle d'anesthésie-réanimation. Questionné par les policiers, en juillet 2021, ce dernier a nié.
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Les enquêteurs découvrent également que le président du conseil médical (Medical Board) de l’hôpital américain de Paris a alerté sa direction sur le présumé management agressif de ce chef de pôle, un mois et demi avant le drame. Dans un mail du 24 décembre 2019 intitulé "VIGILANCE", ce représentant des médecins libéraux de l’hôpital écrit au directeur général de l’établissement : "Je souhaite vous alerter sur une dérive potentielle à venir en anesthésie. Nous devons être vigilants ! Le binôme [X] - [Y] [noms de deux médecins, dont le chef de pôle] commence à organiser un modèle clanique. Cette situation ne pourra pas durer longtemps car elle est délétère pour l’institution. Je suis loyal, transparent, légaliste, éthique, déontologique et corporate, mais il y a des limites à ne pas franchir ! Je souhaitais vous en informer pour prendre date. Vous devez être au courant !" Une semaine plus tard, il alertera une seconde fois dans un nouveau mail. A chaque fois, aucune suite n'est donnée à ses alertes.
La semaine de son suicide, Emmanuel Marret effectue cinq gardes en quatorze jours, soit près de 180 heures de travail. Les anesthésistes interrogés se plaignaient régulièrement de leur charge de travail. "Quand on s'en plaignait au staff, ils hurlaient. C’était une fin de non-recevoir", témoigne l'un d'entre eux, cité par Radio France.
Un incident avec un patient aurait également affecté Emmanuel Marret peu avant son suicide. Selon plusieurs témoins cités par Radio France, l’anesthésiste aurait non seulement subi une pression de la part de sa hiérarchie, mais aussi une remise en cause de ses compétences. Contactée par la cellule investigation du média au sujet des conditions du décès d’Emmanuel Marret, la direction de l'hôpital américain de Paris se défend d’avoir mal agi. "L'enquête pénale a été classée sans suite [...] Il a ainsi été considéré qu’aucune infraction pénale ne pouvait être reprochée, ni à l’établissement ni d’ailleurs à quiconque", explique l’hôpital.
Le suicide de cet anesthésiste est désormais au cœur des investigations d’une juge d’instruction à Nanterre. Le management au sein de l'hôpital américain et sa gouvernance seront questionnés. Cette désignation d’un juge fait suite au dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile par la veuve d'Emmanuel Marret pour "harcèlement moral" et "homicide involontaire", après un premier classement sans suite par le parquet de Nanterre fin 2021.
[Avec Francetvinfo.fr]
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