
Un médecin peut-il interdire à son patient de conduire ?
Il est indispensable, pour un médecin, d’informer son patient sur les risques de la conduite automobile, lorsque son état de santé et certaines pathologies affectent sa mobilité ou sa vigilance.

Dans une récente enquête (1) publiée par le groupe MACSF le 6 février dernier, 80% des soignants interrogés se déclarent favorables à l’information des patients conducteurs sur les dangers encourus en cas de troubles neurologiques, cognitifs, psychiques, émotionnels ou chroniques, mais aussi en présence d’une altération des réflexes et capacités motrices, ou encore en cas de prescription médicamenteuse altérant leur vigilance ou de fatigue ou d’un manque de sommeil. Une prise de conscience aujourd’hui plus importante alors que les médecins sont souvent en première ligne pour déceler des pathologies susceptibles d’avoir un effet sur l’aptitude à la conduite.
Comme le précise le Dr Garnier, Président du conseil médical de l’association Prévention routière (2), un médecin, en présence d’un AVC récent ou d’une pathologie incompatible avec la conduite, « n’a pas le droit de laisser partir son patient sans rien dire, en espérant que tout se passe bien pour lui et pour ceux qu’il croisera sur sa route ». Des pathologies, dont la liste figure à l’annexe 1 de l’arrêté du 28 mars 2022, et qui vont notamment concerner des pathologies cardio-vasculaires, ophtalmologiques, ORL et pneumologiques, neurologiques, psychiatriques… qu’un médecin doit pouvoir évaluer au regard de certaines interférences avec la conduite.
Informer et alerter
Il doit ainsi en informer son patient même s’il ne peut lui imposer l’arrêt de la conduite ni même opérer un signalement auprès des autorités compétentes, ce qui contreviendrait aux règles fondamentales du secret médical. Il doit sensibiliser son patient aux risques encourus, pour lui et pour les tiers, s’il continue à conduire, du fait de sa maladie ou de la prise de médicaments, en lui rappelant que l’arrêté ministériel du 28 mars 2022 fait peser sur le seul patient la responsabilité de déclarer sa situation et de se soumettre à un examen par un médecin agréé. Comme le rappelle l’Ordre, « si la personne omet de se soumettre au contrôle médical imposé par son état de santé, elle s’expose à une suspension du permis de conduire. Par ailleurs, en cas d’accident dû à une pathologie considérée comme incompatible avec le fait de conduire, si elle est responsable, elle risque de ne pas être couverte par son assurance ».
Des sanctions judiciaires peuvent aussi être prononcées : jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et 4500 euros d’amende. Toutes ces informations doivent être délivrées au patient et consignées dans son dossier médical, afin de se prémunir en cas de plainte ultérieure. Un courrier adressé en lettre recommandée avec demande d’avis de réception pourra aussi être envisagé si son patient ne veut rien entendre.
Avec son autorisation, le médecin pourra aussi évoquer la situation avec sa famille ou ses proches pour qu’ils l’aident à le convaincre d’arrêter de conduire. Une situation souvent délicate à gérer au quotidien alors que les professionnels de santé sont majoritairement attachés au respect du secret médical et donc opposés à une dérogation en raison du risque de perte de confiance, d’abus et de l’impact négatif sur la prise en charge des patients. Toutefois, comme l’indique l’étude de la MACSF, « les soignants sont très majoritairement favorables à la mise en place d’une visite médicale obligatoire pour vérifier l’aptitude à la conduite, tous les 5 ans pour les seniors conducteurs, tous les 15 ans pour tous les conducteurs ».
Références :
- Le professionnel de santé et son patient conducteur, étude conduite entre le 2 et le 19 décembre 2024 auprès d’un échantillon de 280 sociétaires de la MACSF
- La santé au volant / Bulletin Ordre des médecins n°93 septembre-octobre 2024
La sélection de la rédaction