Incubation, facteurs de risque, symptômes : des experts dressent le bilan des connaissances sur le SARS-CoV-2

20/10/2020 Par Corinne Tutin
Infectiologie
Incubation, excrétion virale, formes asymptomatiques, facteurs de risque, conséquences immunologiques …, sont désormais bien établies. Un bilan des connaissances a été effectué par deux grands experts du sujet, les Prs Daniel Lévy Bruhl (épidémiologiste à Santé Publique France) et Eric Caumes (Chef du service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière de Paris), lors des récentes Journées Nationales de Médecine Générale (JNMG), qui se sont déroulées à Paris-La Défense les 1er et 2 octobre dernier.

Beaucoup de mystères persistent concernant le Sars-CoV-2. Certains paramètres épidémiologiques et ont toutefois été identifiés, a expliqué le Dr Daniel Lévy-Bruhl, épidémiologiste à Santé Publique France. On sait ainsi que « la durée de la période d’incubation est comprise entre 2 à 14 jours, avec une moyenne de 5 jours, que le taux des formes asymptomatiques est de 30 %, et le risque de décès de 0,5 % parmi les sujets infectés. La contagiosité en rapport avec l’excrétion virale débute 2 jours, en moyenne, avant les premiers signes. Les cultures virales se négativent 8 à 10 jours après la guérison clinique tandis que la RT-PCR reste positive entre 15 et 25 jours, selon les études. Enfin, la réalité d’une transmission par aérosol au-delà d’une transmission par gouttelettes à 1 à 2 m est établie mais sa contribution difficile à quantifier ». Les anticorps de classe IgG sont, par ailleurs, détectables dans 95 à 98 % des cas, en général après 2 semaines, et à 90 % neutralisants. Leur titre restera sable 3-4 mois mais peut ensuite décliner rapidement. « Les cas de réinfection secondaire sont très rares, et aucun événement de transmission secondaire n’a été détecté à partir d’eux », a fait remarquer le Dr Lévy-Bruhl.

D’autres travaux ont montré que la charge virale est similaire entre sujets symptomatiques et asymptomatiques, adultes et enfants alors que la contagiosité diffère vraisemblablement. Une étude pédiatrique a réfuté l’existence d’une protection croisée après contact avec des coronavirus saisonniers. Pour autant, les enfants sont deux fois moins sensibles à l’infection, et lorsqu’ils sont touchés, moins symptomatiques. La transmission semble rare à partir des jeunes enfants, et limitée à partir des écoles, ainsi qu’il a été observé dans les pays d’Europe du Nord où elles sont restées ouvertes. Les principaux facteurs de risque sont, outre l’âge, l’HTA, l’obésité et le diabète, dans une moindre mesure les antécédents de maladie cardiovasculaire ou d’AVC, alors que l’asthme, à la différence de ce que l’on observe pour la grippe, intervient peu. L’influence... que pourrait avoir la grippe est mal appréciée. Dans l’hémisphère sud, elle a peu circulé durant l’hiver austral et il pourrait y avoir compétition entre les 2 virus, Mais, une publication a souligné que la sévérité de la Covid-19 augmenterait en cas de co-infection. « D’où l’importance d’avoir une bonne couverture vaccinale anti-grippale chez les sujets à risque », a rappelé le Dr Lévy-Bruhl. Malheureusement, « le virus semble avoir de beaux jours devant lui, car le pourcentage de Français ayant des anticorps était de seulement 4,93 %, entre le 11 et le 17 mai 2020 ». L’anosmie au premier plan dans les formes asymptomatiques Le Pr Éric Caumes, qui dirige le service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, considère « qu’il y a toutes chances que le Sars-Cov-2 rejoigne la bande des quatre » (coronavirus circulant déjà en France et qui sont à l’origine de rhumes). L’étude chez les 1064 marins (d’âge médian 29 ans), infectés sur le « Charles de Gaulle » (taux d’attaque de 67,9 %), suggère que les signes cliniques dans les formes peu symptomatiques diffèrent des manifestations décrites chez les patients hospitalisés. Sur ce porte-avions, le premier signe d’infection était, en effet, non la fièvre (44,8 % des cas), mais l’anosmie (57,4 %), puis les céphalées (56,7 %), l’agueusie (46,4 %), l’asthénie (46,3 %), et les myalgies (45,2 %). De l’oxygène n’a dû être administré que dans 2,6 % des cas, (chez les sujets plus âgés ou avec une obésité), et aucun décès secondaire au Covid-19 n’a été déploré. « Sur le Diamond-Princess, où la moyenne d’âge était de 69 ans, le pourcentage de décès a été de 1,3 % », a rappelé le Pr Caumes.

« La bascule vers une forme grave, avec orage cytokinique se produit vers J10, J12 et si tout va bien à ce moment on peut donc rassurer », a ajouté le Pr Caumes. La mortalité dans les formes sévères de Covid-19 est passée de 50 % au début à 25-30 % actuellement grâce à la corticothérapie, l’héparinothérapie, l’oxygénothérapie à haut débit, la CPAP. « Mais, le problème est que la durée de séjour en réanimation reste, en moyenne, de 14 jours, ce qui bloque le système de santé ». Méfiance de la population vis-à-vis du vaccin Comme le Dr Lévy-Brühl, le Pr Caumes a plaidé pour une vaccination renforcée des malades vulnérables contre grippe et pneumocoque. Un vaccin spécifique pourrait contribuer à limiter l’infection Covid-19. Mais, une étude internationale conduite par l’Ipsos sur 20 000 citoyens de 27 pays a montré que seulement 59 % des Français se feraient vacciner contre le Sars-CoV-2 et 74 % dans le monde, les premières raisons évoquées pour refuser le vaccin étant une peur des effets indésirables (60 % en France, et 56 % dans le monde), un doute sur l’efficacité (respectivement 33 % et 29 %), moins souvent une opposition aux vaccins (24 % en France, 17 % dans le monde). « Il serait important de savoir quelle est l’attitude sur ce point des personnes à risque de formes graves de Covid-19 », a souligné le Pr Caumes.

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