VIH : des avancées pour la prévention et l’observance des traitements

23/03/2021 Par Brigitte Blond
Infectiologie

La Conférence Internationale sur les Rétrovirus et les Infections Opportunistes (CROI) s’est déroulée, sous format entièrement virtuel, du 6 au 10 mars. Si la pandémie de Covid était souvent au premier plan, cette édition 2021 a permis de confirmer de nombreux espoirs thérapeutiques, à toutes les étapes de la maladie.   La presque totalité (90 %) des patients séropositifs au VIH en France prend un traitement d’entretien et contrôle ainsi sa charge virale, alors indétectable. La question est, dans ce contexte de traitement au long cours, de savoir quels sont les traitements les mieux tolérés, - puisque tous sont a priori efficaces -, les plus satisfaisants à terme pour les patients.   Nouvelles stratégies de traitement Les trithérapies traditionnelles pourraient être un jour abandonnées au profit d’injections à durée d’action prolongée ou de bithérapies, dans une optique de réduction des prises des antirétroviraux. L’essai ANRS Quatuor dont les résultats à 96 semaines ont été présentés lors de l’édition 2021 de la Conférence Internationale sur les Rétrovirus et les Infections Opportunistes (CROI, 6 au 10 mars) évaluait l’efficacité d’un traitement, une trithérapie, pris 4 jours sur 7. Les résultats à S48, puis à S96 mettent en évidence que les bénéfices en termes d’efficacité étaient maintenus à cette étape, pour 93 % des patients, en comparaison d’une trithérapie quotidienne. Il s’agit d’« une étude puissante, résume le Dr Roland Landman, service de maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital Bichat–Claude Bernard (Paris), dans la mesure où elle concernait 621 patients et le suivi était de 2 ans ». Les études sur les réservoirs, le sperme et l’inflammation ne montrent pas de différence selon la stratégie, allégée ou en continu. L’implémentation clinique est donc possible, qui permettrait de réduire le coût des antirétroviraux, élevé, de 40 %. La CROI a été par ailleurs l’occasion de confirmer les stratégies de long terme avec les traitements injectables à longue durée d’action, en l’occurrence une bithérapie associant le cabotégravir et la rilpivirine. Celle-ci reste efficace à S96 quel que soit l’âge (avant ou après 50 ans), sans variation de prise de poids, pour une posologie mensuelle et une posologie bimestrielle chez des adultes en suppression virologique vivant avec le VIH-1 (voir encadré1).

 

Efficacité des traitements de longue durée d’action
L’étude Atlas 2M visait à comparer l’efficacité et la tolérance d’un traitement à longue durée d’action composé de cabotégravir et de rilpivirine injectée soit tous les mois, soit tous les 2 mois, à des patients adultes VIH-1, à 48 et maintenant à 96 semaines. Les données présentées à la CROI 2021 ont renforcé le critère d'évaluation principal, en prouvant que l'efficacité de l'administration tous les 2 mois de cette bithérapie était non inférieure à la dose mensuelle, avec 2,1% (11/522) et 1,1% (6/523) des participants, respectivement, ayant une charge virale détectable (ARN ≥50 c/mL). L’efficacité était aussi maintenue concernant les taux de suppression virologique. A cette échéance, il y a eu respectivement 1,7% et 0,4% d’échecs virologiques confirmés (CVF), définis comme deux charges virales consécutives ≥ 200 c / ml. Et la tolérance a été similaire dans les 2 bras de l’étude.
En parallèle, ViiV Healthcare, a aussi présenté les données positives démontrant la preuve du concept de phase IIa d’une nouvelle molécule, un inhibiteur de maturation en cours de développement actuellement. L'étude a montré que ce traitement présentait une activité antirétrovirale dose -dépendante, les doses de 140 mg et 200 mg montrant la plus grande réduction de charge virale plasmatique. MA. 

  « Enfin, une nouvelle molécule, le lénacapavir, un inhibiteur de capside, montre des résultats de phase 2 d’efficacité impressionnants, notamment en termes de réduction de la charge virale, dans les cas de multirésistance aux antirétroviraux », se réjouit-il (voir encadré 3).   Fragilité des anciens ? Autres problématiques évoquées lors de la CROI, les comorbidités et la fragilité...

des personnes de plus de 70 ans vivant avec le VIH, mises en lumière par l’étude SeptaVIH financée par l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (Anrs). « La fragilité est un syndrome gériatrique, décrit le Dr Clotilde Allavena, infectiologue, service de maladies infectieuses et tropicales du CHU de Nantes, qui traduit une diminution des réserves physiologiques ». Un état qui peut être réversible grâce à des interventions spécifiques, à condition qu’il ait été identifié. SeptaVIH s’appuie sur l’observation de 510 patients, de 73 ans en médiane, hommes en majorité (à 80 %), avec une longue histoire de VIH (23 ans en moyenne), une charge virale indétectable pour 93 % et un taux de CD4 jugé satisfaisant (à 500) et trois comorbidités en moyenne. La bonne surprise est que 13,5 % “seulement“ sont effectivement fragiles, ce qui est proche de la population générale. « Toutefois, relève le Dr Allavena, deux tiers d’entre eux sont très fragiles, les facteurs associés à cette fragilité étant l’âge, le niveau d’éducation et le nombre de comorbidités, en tout cas aucun qui soit lié directement au VIH ». Enfin, selon les projections d’une cohorte américaine, un tiers des personnes vivant avec le VIH présenteront au moins deux comorbidités en 2030, 69 % pour les plus de 70 ans (58 % aujourd’hui), ce qui doit inciter à anticiper ces situations, évaluer le risque cardiovasculaire et métabolique, et particulièrement celui des femmes de plus de 50 ans.  

Biktarvy confirme son efficacité à long terme
De nouvelles données confirment l’efficacité et la bonne tolérance à long terme de la trithérapie Biktarvy (bictégravir 50 mg/emtricitabine 200 mg/ténofovir alafénamide 25 mg comprimés, BIC/FTC/TAF) chez les patients VIH-1 adultes naïfs de traitement. Ainsi, dans une phase d'extension en ouvert et deux études de phase 3, plus de 98% des participants ayant initié un traitement par BIC/FTC/TAF et qui ont continué à participer à l’étude ont obtenu et conservé une charge virale indétectable (jusqu’à quatre ans de suivi). Un haut niveau d’efficacité et une suppression virologique durable ont été également observés chez les participants qui ont remplacé leur trithérapie à base de dolutégravir par BIC/FTC/TAF pendant les 48 semaines. Et aucune résistance à l'un des composants de l'association BIC/FTC/TAF n'est apparue chez les participants. En outre, les résultats d'une analyse à 144 semaines des mêmes études de phase 3 ont mis en évidence que les patients VIH qui ont initié un traitement par BIC/FTC/TAF ont obtenu et conservé une charge virale indétectable, sans apparition de résistance, jusqu'à 144 semaines. Et une analyse de sous-groupe a montré que les participants présentant une résistance transmise, obtenaient et conservaient une charge virale indétectable avec Biktarvy, sans apparition de résistance pendant le traitement, jusqu'à 144 semaines. MA

  Prévention locale et générale « Le développement de nouveaux antirétroviraux se fait davantage pour la prévention, avec des formes et selon des modalités qui favorisent l’observance », constate le Pr Jean-Michel Molina, chef du service de maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Saint-Louis (Paris) : le cabotégravir a ainsi fait la démonstration de son efficacité préventive, très élevée, à raison d’une injection intramusculaire tous les 2 mois. Une protection qui n’est toutefois pas absolue, pour des raisons encore mal élucidées, de mutations de résistance, d’interruptions de traitement peut-être…

Prometteur, l’islatavir en implant avec lequel, même à la posologie la plus faible (60 mg/an), on retrouve des concentrations de produits élevées durables qui protègent… l’animal (le macaque) pour le moment. Le lénacapavir aussi pourrait être intéressant en préventif. Testé chez un modèle de macaque jusqu’ici, sa demi-vie apparait très longue quand elle est injectée en sous-cutané (2 fois par an (voir encadré 3). Une grande partie des nouvelles infections se produit en Afrique sub-saharienne et les femmes sont particulièrement touchées. Si les anneaux vaginaux à base de dapivirine, en silicone, pour un mois, viennent d’être recommandés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), un nouvel anneau a été dévoilé à la CROI, que l’on insère pour trois mois. Des données ont également été présentées de l’étude ANRS Prévenir, menée en partenariat avec l’association Aides, qui valide l’efficacité et la bonne tolérance en vie réelle de la prophylaxie pré-exposition (PrEP), à la demande au bout de trois années de suivi. Que la PreP (un comprimé de deux antirétroviraux : l’emtricitabine et le fumarate de ténofovir disoproxil) soit prise à la demande ou en continue, les nouveaux cas d’infection sont très rares. « En revanche, le nombre des infections sexuellement transmissibles autres que VIH croît, virales ou bactériennes, ce qui doit encourager à établir de nouvelles stratégies de prévention », souligne le Pr Molina.

 

Le lénacapavir, en curatif et peut-être en préventif
Le lénacapavir est un nouvel inhibiteur de capside du VIH-1 à longue durée d'action, destinées aux personnes vivant avec un VIH multirésistant, lourdement pré-traitées et disposant de peu d'options thérapeutiques. De nouvelles données de l’étude Capella ont montré que ce traitement, administré tous les six mois, et utilisé en association avec un traitement de fond optimisé, a permis le maintien de taux élevés d’indétectabilité virologique jusqu’à 26 semaines dans cette population de patients difficiles à traiter : 73% (n = 19/26) des participants qui ont atteint la semaine 26 depuis la première dose de lénacapavir en sous-cutané ont obtenu une charge virale indétectable (< 50 copies/mL).Gilead a aussi présenté les résultats d'une étude préclinique chez des primates avec le GS-CA1, un proche analogue du lénacapavir, pour la prophylaxie pré-exposition du VIH (PrEP). Il en ressort que tous les animaux (8/8) ont été infectés dans le groupe placebo, tandis que 2 animaux sur 8 et 5 sur 8 sont restés protégés dans les groupes recevant respectivement la faible et la forte dose de GS-CA1, soit une réduction du risque d'infection de 86 % (p = 0,0061) et 96 % (p = 0,0002). « Il est à noter que les infections survenues dans les groupes de traitement ne se sont produites qu'après un long sevrage médicamenteux » souligne le laboratoire. MA

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