Le chemsex est le fait d'utiliser des substances psychoactives pour initier, faciliter, prolonger ou améliorer la durée des rapports sexuels. Moins souvent, l’usage des psychostimulants en contexte sexuel est fait en intraveineuse : on parle alors de slam. Les psychotropes utilisés sont des molécules conventionnelles ou des produits de synthèse récents comme les cathinones (méphédrone, 3-MMC) ou le GHB/GBL (gammahydroxybutyrate/gamma-butyrolactone). On estime que 3 à 5 % de la population hétérosexuelle a un recours systématique à des substances psychoactives lors de leurs relations sexuelles, mais la pratique concerne essentiellement les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH). Malgré les biais déclaratifs, ils seraient environ 10 % à avoir un tel usage, et même 25-30 % parmi les usagers d’applis de rencontres géolocalisées. « Si chaque époque a ses drogues, le chemsex correspond assez bien à la nôtre », a expliqué Mathias Chaillot, journaliste et auteur de plusieurs enquêtes sur le sujet, qui a précisé les raisons de son essor : « C'est une drogue de la performance ». De plus, les cathinones sont peu coûteuses, faciles à acheter sur internet et viennent remplacer autres drogues et alcool. En outre, le développement des prophylaxies médicamenteuses a « permis de lever le couvercle » sur « près de trente ans d’une sexualité angoissée par le spectre du VIH ». Les rencontres se font ainsi dans un cadre où la sexualité est moins angoissée et le regard moins jugeant. Cette pratique expose cependant à de multiples risques. Risque infectieux d’abord, soit du fait de l’injection, soit du fait d’une conduite sexuelle à risque sous psychoactif (même si certaines études montrent le recours fréquent à une prophylaxie VIH). Risque neurologique ensuite, les pertes de connaissances, ou G-hole, souvent liées à une surdose de GHB, voire les comas sont fréquents. Et risques psychiques enfin, avec un syndrome productif fréquent, puis des troubles dépressifs et des idées suicidaires liés à la redescente brutale... Sans oublier que la perte de contrôle de ces consommations serait fréquente et associée à des risques de dépendance et de problèmes psychosociaux (isolement, perte d’emploi, incapacité à avoir des relations ou éprouver du plaisir sans drogues...). Ecoute, prise en charge, orientation « Avec le chemsex, on est face à un triple tabou : addiction, sexualité, homosexualité. Cela rend compliqué le fait d’en parler à ses proches ou d'aller en parler à des professionnels », a résumé Mathias Chaillot. Ces derniers doivent donc « alerter sans stigmatiser, avec bienveillance, écoute et sans nier la dimension du plaisir et la dimension sociale liées à cette pratique », l’activité sexuelle constituant un vecteur d'intégration dans la communauté homosexuelle. Arrêter le chemsex peut signifier s’éloigner des cercles qu’on fréquente, et se couper d’un lien social important. Etant donné la fréquence des événements de vie négatifs et la stigmatisation qu’ils ont connus, avec souvent une homophobie intériorisée et une sérophobie, les usagers HSH sont souvent plus vulnérables psychiquement que la population générale. Cette complexité nécessite... un accompagnement transdisciplinaire : médecin traitant, addictologue formé en santé sexuelle, infectiologue, sexologue ou psychologue, association communautaire... Il faut explorer la place que prend la pratique dans la vie de l’individu : activité récréative ou bascule dans la dépendance (psychologique et physique) ? Y a-t-il multiplication ou allongement de la durée des plans sexuels, augmentation des quantités consommées au cours voire en dehors des plans, diminution ou disparition du plaisir ? Si des troubles de l’usage sont repérés, la motivation au changement est évaluée. Prévention des risques
Le sevrage peut nécessiter des médicaments symptomatiques, mais passe d’abord par des thérapies intégratives (TCC, approches communautaires). Si le produit utilisé est le GBL/GHB, le sevrage nécessite une diminution progressive des doses ou une hospitalisation étant donné les complications neurologiques graves liées à un arrêt brutal. Pour ceux qui souhaitent poursuivre la pratique, on propose plutôt une réflexion sur le rythme d’utilisation des psychostimulants, et un changement de drogues pour éviter les conséquences dépressogènes des cathinones. La réduction des risques (distribution suffisante de matériel de prévention nécessaire adapté à la fréquence et la nature des pratiques, sécurisation des injections, prophylaxie VIH ...) est primordiale, avec bilan infectieux complet et régulier et vaccination contre les hépatites A et B. Les associations communautaires aident à la réduction des risques notamment autour des plans longs regroupant de multiples partenaires : présence d’un ‘chimiste’ régulant la prise de substances de chaque personne, utilisation de kits de couleurs différentes pour chaque participant.... La santé sexuelle est aussi un élément important. « Parmi les plus jeunes, beaucoup ont découvert la sexualité via le chemsex et ont une vision de la sexualité écrêtée, sans drague, ni fin. Pour beaucoup de ceux qui en dépendent, arrêter les produits signifie aussi réaffronter ses problèmes. Il faut donc souvent un suivi en sexologie, pour réapprendre à avoir une sexualité globale ». Afin d’outiller les professionnels pour le repérage, la prévention et la prise en charge de ces problématiques, un groupe d’experts missionnés par le ministère des solidarités et de la santé lui a récemment remis un rapport dressant un état des lieux de la pratique, des risques associés et une série de recommandations visant à s’intégrer à la feuille de route santé sexuelle 2021-2024.
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