L’éco-anxiété, nouveau mal du siècle ? Alors que le réchauffement climatique, l’effondrement de la biodiversité et les diverses pollutions voient leurs effets -et leurs échos médiatiques- s’accentuer, nombreux sont ceux à éprouver un profond mal-être, peinant à donner un sens à leur vie dans un monde perçu au bord du gouffre. C’est en 1997 que ce phénomène est dénommé « éco-anxiété » par Véronique Lepaige, chercheuse en santé publique belgo-canadienne.
Vingt-six ans plus tard, ses contours demeurent encore mal définis. A l’inverse de ses manifestations, bien connues. Les éco-anxieux « rapportent des symptômes du champ des troubles anxieux : attaques de panique, angoisse, insomnies, pensées obsessionnelles, troubles alimentaires (anorexie, hyperphagie), émotions négatives (peur, tristesse, impuissance, désespoir, frustration, colère, paralysie) », observent deux psychiatres, le Pr Antoine Pelissolo et la Dre Célie Massini, dans un ouvrage publié en 2021, « Les émotions du dérèglement climatique »*.
2,5 millions d’éco-anxieux
Selon ces auteurs, ces symptômes sont « à l’origine d’une perturbation notable de la vie quotidienne chez certains individus ». Pour Pierre-Eric Sutter, psychologue-psychothérapeute et directeur de l’Observatoire de l’éco-anxiété (Obseca), celle-ci est « un état de mal-être, une détresse psychique » qui, à la différence des phobies, repose sur des faits solides. « Il suffit de lire les rapports du Giec [groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat] pour se rendre compte que le discours des éco-anxieux est très construit, très rationnel », ajoute-t-il.
Combien la France compte-t-elle d’éco-anxieux ? S’appuyant sur l’échelle de Hogg, forgée en 2021 par des chercheurs australiens et néo-zélandais, une récente étude de l’Obseca estime à environ 5% la proportion de Français de plus de 18 ans souffrant d’une éco-anxiété sévère. Soit 2,5 millions de personnes qui seraient « en situation de voir un psychothérapeute », estime Pierre-Eric Sutter.
Alors que les Etats-Unis disposent d’une Climate Psychology Alliance et d’une Climate Psychiatry Alliance, psychologues et psychothérapeutes français tentent à leur tour de faire émerger le sujet de la prise en charge. Plusieurs d’entre eux, qui se sont spécialisés dans l’éco-anxiété, ont mis en place un Réseau de professionnels de l’accompagnement face à l’urgence écologique (Rafue). Fin 2022, l’Obseca a lancé une Maison des éco-anxieux, association qui propose une mise en contact avec des psychologues.
Sortir du sentiment d’abattement
Cofondateur du Rafue, le Dr Jonathan Journiac, psychologue clinicien et psychothérapeute à Strasbourg, estime que « les souffrances de ces patients sont bien réelles. Dans ma pratique, je vois de plus en plus de personnes touchées, de plus en plus de gens qui osent venir. Leurs émotions sont multiples, allant de la colère à la tristesse. Elles peuvent engendrer un abattement généralisé chez ces personnes, qui se sentent seules, incomprises, impuissantes ».
Comment soulager ces souffrances alors que leurs causes, à savoir la destruction de l’environnement par l’homme, se font toujours plus visibles ? Tout dépend de la situation personnelle du patient. Jonathan Journiac dit « aller chercher dans les ressources de la personne pour y trouver ce qui va bien. Il faut identifier les moments où ça va mieux, essayer de les reproduire ». « Beaucoup de ces personnes sont à l’affût de toutes les informations, il peut y avoir un besoin de pause médiatique », ajoute-t-il. Pour certains, il peut s’agir de « renouer le contact avec la nature ». Pour d’autres, de s’impliquer dans des actions écologiques locales. Ou, à l’inverse, de prendre du recul avec le militantisme, chez ceux que ce combat submerge.
Et si l’éco-anxiété n’était qu’un signal avancé de dégâts bien plus graves ? La crise climatique fait en effet peser de nombreuses menaces sur la santé mentale. Exemple, les fortes chaleurs. Selon Antoine Pelissolo et Célie Massini, « des chercheurs américains ont montré qu’un réchauffement de 1 °C est associé à une progression du taux de suicide de 0,7% aux États-Unis et de 2,1% au Mexique (…). Si les températures continuent à s’élever au même rythme, d’ici à 2050 il pourrait y avoir entre 9 000 et 40 000 suicides supplémentaires dans ces deux pays, soit autant qu’après une période de récession économique ». Les catastrophes climatiques, toujours plus fréquentes, sont source de nombreux cas de syndrome de stress post-traumatique (SSPT) : un an après l’ouragan Katrina, qui a frappé la Louisiane en août 2005, 20,9% de la population en était atteinte. A quoi s’ajoutent les effets liés à la recrudescence de maladies infectieuses, aux pénuries d’eau et de nourriture, aux troubles économiques, aux conflits, aux migrations climatiques…
Au sommaire :
- Les généralistes, en première ligne face au réchauffement
- La pollution de l’air, un risque en construction
- Perturbateurs endocriniens : chez les femmes enceintes, les difficultés de la prévention
- Dans la santé, la transition écologique s’affiche enfin au grand jour
- Médicaments : le bon usage pour limiter l’impact environnemental
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