90 jours de carence pour les médecins c'est bientôt fini, mais à quel prix ?
Demandée depuis des années par les syndicats de médecins et la Carmf, la suppression des 90 jours de carence pour pouvoir toucher des indemnités journalières devrait devenir réalité dans le cadre d'un amendement au PLFSS 2021 déposé par le gouvernement. Si la mesure était très attendue, sa mise en œuvre semble vouloir se faire précipitamment et avec peu de concertation des acteurs concernés. "Nos premières propositions faites au gouvernement pour prendre en charge les jours de carence datent d'il y a quatre ans. Nous n'avons jamais eu de réponse. Cette décision est une merveilleuse nouvelle. Ça n'est pas tout à fait ce que nous voulions sur le plan pratique mais nous n'allons pas bouder notre plaisir", a commenté le Dr Thierry Lardenois, président de la Carmf. Le gouvernement a en effet déposé un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale qui vise à faire bénéficier tous les professionnels libéraux d'indemnités journalières (IJ) en cas d'arrêt maladie, sans avoir à attendre 90 jours de carence, comme c'est le cas actuellement. Cette mesure entrerait en vigueur le 1er juillet 2021.
"La mise en place d’un dispositif pérenne d’indemnisation des arrêts de travail s’est révélée indispensable pendant la crise sanitaire, où l’État a décidé d’accorder de manière tout à fait exceptionnelle des indemnités journalières dérogatoires pour les professionnels libéraux, financées par l’assurance maladie. (…) Le présent amendement vise à créer un dispositif d’indemnités journalières unique en cas d’arrêt maladie commun et obligatoire pour l’ensemble des professionnels libéraux affiliés à la CNAVPL (Caisse nationale d'assurance vieillesse des profession libérales, ndlr), pendant les 90 premiers jours. Ce dispositif sera piloté, dans un objectif d’équilibre financier et de prise en compte des particularités des professionnels libéraux, par le conseil d’administration de la CNAVPL tandis que la gestion opérationnelle, à savoir le recouvrement des cotisations, la liquidation des prestations et le contrôle des arrêts par les médecins conseils, sera assurée par le réseau des URSSAF et par la CNAM", précise l'amendement. Nouvelle cotisation Selon le texte, c'est donc la CNAVPL qui aura la gestion du dispositif. Pour rappel, la CNAVPL fédère dix caisses de retraite de différents corps de métiers de professionnels libéraux (à l'exception des avocats). La Carmf en fait donc partie, de même que la caisse des chirurgiens-dentistes et sages-femmes (CARCDSF) ou encore celle des infirmiers, masseur-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes (CARPIMKO). (Lire encadré). En pratique, une nouvelle cotisation devra être instaurée par...
décret. Elle devrait être établie sur le modèle de celle des artisans commerçants, soit 0,85 % du revenu fiscal sur une assiette maximale de 5 fois le plafond de la Sécurité sociale (206.000 euros de revenus par an). Une indemnité journalière unique pour tous les professionnels libéraux devrait être mise en place et devrait être fixée à 56,35 euros. Cette somme serait payée au troisième jour de l'arrêt en cas d'hospitalisation ou au septième jour en cas d'arrêt maladie. "Gros défaut de communication" Pour Monique Durand, présidente de la CNAPVL, qui va être chargée de mettre en place ce régime avant le mois de juillet 2021, cet amendement est "déroutant". "Il y a eu un gros défaut de communication. Les syndicats auraient pu nous tenir informés. Depuis le début du projet de réforme des retraites, on a donné le pouvoir aux syndicats. Sauf qu'après, ce sont les caisses qui seront les faiseurs de la mise en place. Il faudrait que l'on puisse être dans la concertation et que l'on arrête de nous faire découvrir les textes une fois qu'ils sont sortis", s'agace Monique Durand qui reproche la forme mais aussi le fond du texte. "Je suis sceptique. Est-ce que toutes les caisses avaient envie du même taux et des mêmes besoins", s'interroge la présidente, pharmacienne de profession.
"Pour moi certains pharmaciens n'ont pas besoin de cela parce que les équipes continuent à assurer. Je ne dis pas que ce n'est pas bien, mais il aurait fallu en discuter. Beaucoup de professionnels libéraux ont déjà mis en place des assurances facultatives et vont se retrouver à payer une nouvelle cotisation qui va faire double emploi", ajoute Monique Durand qui ne comprend pas cette précipitation. "Certes il y a eu des soucis pendant le Covid, cela a illustré qu'il y avait des problèmes et des besoins, mais il aurait fallu faire des études d'impact. On fera le boulot, mais je suis déconcertée par la méthode. Est-ce qu'il n'aurait pas fallu faire les choses à la carte ? Je ne sais pas. Je suis assez déconcertée", juge la présidente de la CNAPVL. "Les choses avancent" Une formule à la carte est aussi l'option qu'aurait envisagé Thierry Lardenois pour les médecins. Aujourd'hui, les IJ touchées par les médecins à partir du 91ème jour sont classées sur...
trois niveaux. "Les IJ sont échelonnées en fonction des revenus, 65 euros, 90 euros et 130 euros. Ces IJ correspondent aux besoins différents des professionnels dans le cadre d'un même métier. Il est évident qu'un médecin généraliste comme moi n'aura pas les mêmes charges et les mêmes revenus qu'un chirurgien orthopédiste parisien", explique le président de la Carmf. "Il nous paraissait donc logique que chacun touche des indemnités en fonction de ses revenus. Là on va se trouver avec des IJ uniques qui seront inférieures au plus bas niveau de la Carmf, pour le même montant de cotisation", commente le Dr Lardenois. "Mais ce qui compte c'est que les choses avancent. Je ne vais pas dire que je ne suis pas content de ce que je réclamais hier. Mais si j'étais professeur, je dirais que la copie est bonne mais peut mieux faire", plaisante Thierry Lardenois. C'est Michel Picon, président de l'Union nationale des professions libérales (UNAPL) qui semble être à l'origine de la copie. Ce regroupement de 68 syndicats de professionnels libéraux, qui rassemble près d'un million de personnes, a interrogé ses membres en septembre dernier sur la nécessité de mettre en place des IJ dès les premiers jours de l'arrêt. La réponse a été unanime. 95% des répondants s'y sont déclarés favorables. "La crise du Covid a été un accélérateur de cette prise de conscience. Nous nous sommes rapprochés du gouvernement qui n'était pas étonné", a indiqué Michel Picon. "Un régime, pour être accessible à tous doit être mutualisé sur le plus grand nombre de professionnels possible, d'où la nécessité du caractère obligatoire", explique le président de l'UNAPL, "très satisfait d'avoir été entendu par le gouvernement".
"Cette très vieille demande est de nature à améliorer l'attractivité du métier de médecin libéral vis-à-vis des jeunes génération", s'est réjoui le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. "Le délai de carence était tellement caricatural et déconnecté de la réalité. Il s'agit d'une mesure de solidarité indispensable qui prend d'autant plus tout son sens avec l'actualité", a-t-il estimé. Le médecin libéral attend toutefois d'en savoir plus sur les taux de cotisation. "Nous en discuterons également lors des prochaines négociations conventionnelles fin 2021", prévient-il. "Y-aura-t-il une indemnisation complémentaire de la part de la Carmf ? Pour les médecins qui ont des charges lourdes, 56 euros est bien en dessous de ce qu'il faudrait. Tout reste à construire. Il s'agit là d'un premier pas qui demande à être complété", juge le Dr Ortiz. "Filet de sécurité" Même analyse du côté de MG France qui rappelle également l'ancienneté de cette revendication. Le Dr Jacques Battisoni s'interroge toutefois sur le montant de 56 euros par jour "qui n'a rien à voir avec les revenus d'un médecin". "En cas d'arrêt maladie, les charges continuent", plaide le président de MG France. "Souscrire à une assurance complémentaire sera donc toujours indispensable", estime le généraliste. Michel Picon ne nie pas le faible montant d'indemnisation. "Nous allons permettre à des gens d'avoir une couverture sociale qui ne va pas les enrichir. Il ne s'agit pas de dire que nous n'aurons plus besoin d'assurance complémentaire. L'idée est d'assurer un filet de sécurité, le plus accessible au plus grand nombre et aux plus démunis d'entre nous". Les débats à l'Assemblée nationale sur le PLFSS ont démarré ce mardi 20 octobre. Reste à adopter l'amendement…
- chirurgiens-dentistes et sages-femmes (CARCDSF),
- médecins (CARMF),
- infirmiers, masseur-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et - orthoptistes (CARPIMKO),
- vétérinaires (CARPV),
- agents généraux d’assurance (CAVAMAC),
- experts-comptables et commissaires aux comptes (CAVEC),
- officiers ministériels, officiers publics et des compagnies judiciaires (CAVOM),
- pharmaciens (CAVP),
- architectes, agréés en architecture, ingénieurs, techniciens, géomètres, experts, conseils, consultants, etc. (CIPAV),
- notaires (CPRN).
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