Des généralistes français payés à prix d'or à Londres

09/08/2017 Par Aveline Marques

A compter de ce vendredi 11 août, une vingtaine de médecins généralistes installés en France assureront ponctuellement des gardes dans la capitale anglaise, à destination des nombreux frenchies expatriés qui peinent à se soigner sur place. Un projet "militant", pensé "par des médecins pour des médecins", qui vise à "valoriser" l'exercice médical dans tous les sens du terme. Pour ces french doctors, les conditions de rémunération et d'exercice seront, en effet, particulièrement attractives.

C'est la 6e plus grosse patientèle française, et sans doute l'une de celles qui possède le plus fort pouvoir d'achat. Plus de 350 000 Français résident à Londres. Par habitude ou par manque de confiance, ils sont nombreux à préférer faire la navette pour consulter leur médecin en France, plutôt que de se rendre chez le généraliste qui leur a été attribué en fonction de leur quartier par le service de santé public, le National Health Service (NHS). Mais en cas de soins non programmés en dehors des heures d'ouverture des cabinets, ils n'ont pas d'autres choix que de se rendre aux urgences saturées de l'hôpital le plus proche. Impossible de faire venir un médecin à domicile à 2 heures du matin. Une lacune que deux médecins français, qui souhaitent pour l'instant garder l'anonymat, comptent bien combler avec "Private GP chez vous", une structure type SOS médecins inédite à Londres*.   Généralistes nomades   A compter du 11 août, une vingtaine de généralistes français assureront des gardes dans la capitale, les nuits en semaine (de 20h à 8h) et les week-ends dans un premier temps, en activité libérale. Le centre de régulation des appels sera installé à Harley Street, connue depuis le 19e siècle pour être "la rue des médecins"**. "Ce ne sont que médecins installés en France, qui vont compléter leur activité avec ça, ils ne vont pas aller vivre à Londres. Par exemple, un généraliste va travailler la semaine dans son cabinet, prendre l'Eurostar le vendredi soir pour assurer deux gardes le week-end, avant de repartir le dimanche soir, développe l'un des deux associés de Private GP chez vous, ophtalmologue parisien qui opère à Londres depuis une dizaine d'années et qui dirigera le centre aux côtés d'un médecin généraliste. Ce sera une bouffée d'oxygène pour les libéraux français. Ça leur permettra de sortir la tête de l'eau."   De 120 à 150 euros par consultation urgente   Pour ces généralistes nomades, la rémunération sera en effet très attractive : de 120 à 150 euros par consultation urgente, net de toute charges de fonctionnement, promettent les initiateurs du projet, qui vantent également la "qualité d'exercice": "les médecins seront véhiculés par un chauffeur dans Londres, on leur fournit tout le matériel à la prise de garde, ainsi que le logiciel. Les urgences vitales seront renvoyées vers les hôpitaux", précise le spécialiste. Tout est pensé pour "valoriser" le travail de médecins libéraux qui exercent dans des conditions "indignes" en France, estime-t-il. Les Français de Londres vont-ils accepter de payer plus du double du tarif d'une consultation SOS en France ? "Ici, si vous allez voir un médecin du privé, vous allez payer entre 80 et 90 pounds [de 90 à 100 euros] dans un quartier plutôt populaire et jusqu'à 150, 180, voire 200 pounds [170 à 227 €] dans Harley Street, quartier médical 'haut de gamme'. Et tout le monde trouve ça normal de payer pour sa santé. Les assurances, que les gens paient cher, les remboursent", rétorque l'opthalmologue, assurant que les expatriés à qui il a parlé de son projet "piaffent d'impatience". "Le système de santé anglais, vers lequel se dirige de plus en plus la France, est catastrophique. Il y a vraiment une médecine à deux vitesses, avec un fossé qui se creuse de plus en plus entre la médecine publique, au sein de laquelle les médecins -rémunérés au forfait- font de l'abattage, et la médecine privée, souligne le co-directeur du centre français. La culture médicale anglaise est assez différente, ajoute-t-il. Les médecins anglais ont moins l'habitude de palper, d'examiner les patients, de faire de la clinique. Ils sont assez puritains. Les patients nous le disent : on leur demande où ils ont mal, s'ils ont de la fièvre, le médecin clique sur son ordinateur et livre son diagnostic."   Test d'anglais   Private GP cible également une patientèle étrangère à fort pouvoir d'achat cherchant à bénéficier de "l'excellence de la médecine française". C'est l'une des raisons pour lesquelles les généralistes recrutés doivent avoir un niveau d'anglais suffisant pour faire la conversation ou rédiger une lettre. Ce n'est pas la seule : pour obtenir l'autorisation d'exercer au Royaume-Uni, la license to practice, les médecins français doivent passer un test d'anglais. Autre condition : s'inscrire à l'Ordre. "Avec l'Union européenne, la reconnaissance du diplôme est automatique, précise le co-directeur du centre. Les médecins qui auront obtenu leur licence to practice avant le Brexit pourront continuer à exercer." Pas de droit d'entrée à payer pour l'instant compte tenu du risque de faible activité au démarrage du service, "comme toute nouvelle installation". Mais à l'avenir, Private GP compte demander aux médecins français de payer quelques 5000 euros afin de financer les formations nécessaires (prévention de la maltraitance des enfants, etc.) à la certification du centre, que les deux associés de la société prennent en charge dans un premier temps.   Frais de voyages à la charge des médecins   En revanche, les frais de voyage et d'assurance sont à la charge des médecins. "Ils seront en activité libérale et pourront les déduire, sachant qu'ils devront déclarer ce qu'ils gagnent en Angleterre. A savoir aussi que les assurances couvrent souvent 60 jours d'exercice à l'étranger." Quant aux patients, qui seront débités avant la consultation, dès leur appel, ils devront remettre la facture à leur assurance pour obtenir un remboursement… ou pas. "Ce n'est pas notre problème. Nous, tout ce qu'on veut, c'est faire une médecine de qualité et à 25 euros la consultation, ça n'est pas possible, insiste l'ophtalmologue. La médecine a un coût."   *GP: general practitionner
**En septembre, les locaux accueilleront également une "clinique d'excellence" ouverte 7 jours/7 où exerceront plusieurs spécialistes français (généralistes, dermatologues, pédiatres, ophtalmologues, gynécologues, orthopédites, etc.)  

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