Après un état des lieux très détaillé de la composition des MSP sur l’ensemble du territoire fin janvier, l’Assurance maladie et la quarantaine de syndicats représentatifs de professionnels de santé ont exploré, ce 18 février, les possibles évolutions de l’ACI-MSP, près de quatre ans après la signature du premier ACI. Objectif : en revoir les modalités et l’adapter aux orientations prises par "Ma santé 2022" et plus récemment lors du Ségur de la santé. Dans le document de l’Assurance maladie qu'Egora-Le Panorama du médecin a pu consulter, le constat majeur est celui de l’adaptabilité des MSP à la crise sanitaire, à travers notamment la réorganisation "des modalités d’accueil des patients", la "rédaction de procédures spécifiques pour l’accueil des patients Covid" ou de "protocoles pour le suivi des patients ‘fragiles’ non Covid", la "mise en place d’une cellule de crise", l’"accueil des patients n’ayant pas déclaré l’un des médecins de la MSP pendant la période de crise sanitaire" ou la création de centres Covid au sein même des structures. Les MSP en temps de crise sanitaire La Cnam cite notamment en exemple des actions mises en place par une MSP de la région Grand-Est qui a organisé des réunions d’équipe bi-hebdomadaires (en présentiel et à distance), créé des affiches des gestes barrières en français et en arabe, installé des écrans d’information dans les salles d’attente, et élaboré et réactualisé "dix fiches procédures, protocoles, recommandations, messages prévention". Elle a également installé "en urgence" un dispositif de téléconsultation, mis en place une double régulation et une zone de tri à l’accueil de la MSP, et créé une base de données pour répertorier tous les patients "de manière à faciliter les mesures de suivi ultérieures et de faire remonter les informations aux autorités sanitaires". Rappelant qu’en lien avec les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), les MSP "ont toute leur place pour apporter des réponses concrètes et de proximité aux patients dans le cadre d’une crise sanitaire grave", la Cnam propose de valoriser leur participation en créant un nouvel indicateur dans l’axe "Travail en équipe", notamment à travers deux volets : un plan de préparation (à travers des protocoles organisationnels, part fixe versée tous les ans) et de mise en œuvre (rémunération déclenchée en cas de crise sanitaire grave et part variable en fonction de la patientèle). "Mais une question demeure : quel sera le contenu de cette mission-socle qui consisterait à décrire une éventuelle adaptation de la MSP en cas de crise sanitaire grave, commente le Dr Jacques Battistoni, président de MG France, à la sortie de la réunion. On voudrait, de notre côté, nous appuyer sur des retours d’expériences des maisons de santé ou sur l’expertise de l’Irdes* dont les enquêtes permettent de dégager des pistes. Peut-être qu’on pourrait adapter la fiche de poste du coordinateur à ces situations ou redéfinir le rôle d’une cellule de crise ? En tout cas, on voudrait quelque chose de simple, de pratique, qui soit le moins bureaucratique possible... » Soins non-programmés : "valoriser ceux qui rendent service au groupe" L’"accessibilité des MSP" étant un indicateur socle et un pré-requis conditionnant le déclenchement de la rémunération, les MSP doivent proposer des horaires d’ouverture (minimum huit heures par jour) et une organisation des professionnels pour recevoir, chaque jour ouvré, toute demande de soins non-programmés. L’Assurance maladie propose de scinder cet indicateur pour mettre en exergue le volet "soins non programmés" qui devra s’articuler, à terme, avec le dispositif du service d’accès aux soins (SAS).
"Thomas Fatôme [directeur général de la Cnam, NDLR] m’a confirmé qu’on pourrait peut-être allouer plus de points au deuxième indicateur qui décrirait des organisations, au service d’un territoire, visant à mieux prendre en charge les soins non programmés, par exemple à travers une consultation dédiée", poursuit Jacques Battistoni, ajoutant que des organisations sont déjà en place dans certaines maisons de santé. "Par exemple, dans une MSP qui compte 4 généralistes, on pourrait imaginer une organisation où l’un ferait, une fois par semaine, une consultation dédiée, accessible aux professionnels de santé du territoire qui souhaiteraient lui envoyer leurs patients. Si la MSP met en place une consultation dédiée, ouverte aux autres professionnels, on pourrait imaginer faire passer cet indicateur à 600 points par exemple. L’idée est de valoriser ceux qui rendent service au groupe, et plus largement au territoire », ajoute le médecin généraliste. L’assistant médical du médecin ou de la Sisa ? Mesure phare du plan "Ma Santé 2020", avec un objectif de 4 000 postes créés d’ici l’an prochain, l’assistant médical remplira un certain nombre de missions pour permettre au médecin de libérer du temps médical, notamment en prenant à sa charge des tâches administratives et organisationnelles ou en intervenant en pré-consultation.
Lors de cette séance de négociation, l’Assurance maladie propose d’"agréger" les patientèles des médecins de la MSP qui souhaitent avoir un assistant médical et de "moyenner" les objectifs d’augmentation de patientèle. En d’autres mots : mutualiser tant la patientèle que l’engagement, au sein de ces structures. "Avec l’arrivée d’un assistant médical, on a le financement et sa contrepartie : une augmentation de la patientèle, qui même si l’assistant médical est partagé au sein d’un cabinet de groupe, est opposable à chaque généraliste, individuellement, explique Jacques Battistoni. En revanche, dans une MSP, on pourrait faire la somme des patientèles et donc l’engagement s’appliquerait à la somme." Ce qui représente, pour lui, un avantage qui permet de lisser la charge, alors qu’en cabinet de groupe, des ajustements compliqués sont parfois nécessaires… "Nous avons demandé que ce qui s’applique aux MSP puisse s’appliquer au cabinet de groupe. Pour l’heure, la Cnam estime que la notion de ‘patientèle commune’ est davantage dans les MSP qu’en cabinet de groupe… Nous demandons à voir ! " Si le président de MG France insiste sur le fait que le but de ces négociations n’est pas de "remettre en cause les assistants médicaux", il exprime quelques doutes quant à la place des assistants médicaux dans les maisons de santé. "Honnêtement, je ne suis pas convaincu qu’ils puissent être rémunérés par la MSP. Si c’est la Sisa** qui prend en charge l’assistant médical, il n’est plus rattaché au médecin mais au groupe. On n’est plus dans la même fonction ou dans le même métier…" Une "confusion" que partagent également d’autres représentants syndicaux, glisse le médecin généraliste : "L’idée de l’Assurance maladie, c’est que ça devienne un groupement d’employeurs. Certes cela peut aider à décharger les médecins… mais la Sisa est-elle la bonne solution ? " Des "IPA salariées" en MSP ? "IPA salariées des MSP". Si le document présente ainsi son axe 4 de la négociation ACI-MSP – ce qui semble "très ambiguë", estime Jacques Battistoni – l’Assurance maladie détaille plutôt la valorisation de l’activité des infirmières en pratique avancée prévues notamment par l’avenant 7 à la convention nationale des infirmières :
> un forfait d’éligibilité de 20,27 € pour le premier entretien et l’anamnèse réalisés par l’IPA pour vérifier l’éligibilité du patient à ce type de prise en charge ;
> un forfait initial de 58,86 € lors du premier contact annuel lié à la prise en charge du patient pour des soins en pratique avancée et valorise toutes les interventions de l’IPA réalisées au cours du premier trimestre de prise en charge ;
> un forfait de suivi de 32,70 € lors du contact du patient chaque trimestre de soins suivant le premier trimestre de prise en charge et comprend toutes les interventions faites sur le trimestre de soins concerné. Au maximum, 3 forfaits de suivi sont facturables dans l’année de soins à la suite du forfait initial ;
> une majoration de 3,90 € peut être associée à ces forfaits (MIP) pour les patients dont la prise en charge est plus complexe en raison de leur âge (enfants de moins de 7 ans et patients âgés de 80 ans et plus). À cela s’ajoute une aide complémentaire pour les IPA en activité exclusive, soit 27 000 euros sur deux ans (17 000 euros la 1e année et 10 000 euros la 2e). Un versement conditionné au suivi d’un nombre minimum de patients sur l’année : 50 la 1e année et 150 la 2e (300 patients maximum). C’est ce forfait que l’Assurance maladie propose d’intégrer "pour le salariat des IPA par la MSP". Mais "tout ça est encore flou, il faut le travailler. D’abord, une IPA, pourquoi et pour quoi faire ?, demande le Dr Jacques Battistoni. Le suivi des pathologies chroniques stabilisées des médecins traitants ? Le suivi de parcours ou la coordination ville-hôpital ? Le profil n’est pas encore fixé. " Estimant qu’une relation de confiance est nécessaire pour que les médecins acceptent de confier leurs patients à une IPA, il récuse toute idée de concurrence ou de subordination : "Le travail doit se faire en commun, c’est la seule solution." Parmi les autres pistes d’évolution de l’ACI-MSP à l’étude : un indicateur sur l’implication des patients dans la MSP ou encore, la démarche qualité. La prochaine séance aura lieu le 1er avril prochain. *Irdes : Institut de recherche et de documentation en économie de la santé
**Sisa : société interprofessionnelle de soins ambulatoires
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