
Près de 300 victimes, un chirurgien radié tardivement : le procès du pédophile Le Scouarnec s'ouvre aujourd'hui
Accusé de viols et d'agressions sexuelles sur 299 victimes, la plupart mineures au moment des faits, l'ancien chirurgien est jugé à partir de ce lundi 24 février par la cour criminelle de Vannes (Morbihan).

[Le procès s'ouvre ce lundi 24 février et non 17 février comme indiqué initialement, article mis à jour le 24/02/24]
C'est un procès "hors normes" qui s'ouvre ce lundi 24 février à Vannes. Après quatre ans d'instruction, l'ancien chirurgien Joël Le Scouarnec a été renvoyé en septembre dernier devant la cour criminelle du Morbihan pour 111 viols aggravés et 189 agressions sexuelles aggravées sur 299 victimes, mineures pour la plupart. Des actes commis entre janvier 1989 et janvier 2014, mais qui n'ont été mis au jour qu'en 2020.
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Nathalie Hanseler Corréard
Oui
Retraitée depuis la Covid. Mon vécu : ayant fait des semaines de 70H (5,5 J/sem) près de BX avec 4 gardes par an, puis déménagé à ... Lire plus
Le Dr Le Scouarnec avait déjà été condamné en novembre 2005 à quatre mois de prison avec sursis pour détention d'images pédopornographiques, sans obligation de soin ni interdiction d'exercer.
En 2006, un psychologue de l'hôpital de Quimperlé, où le chirurgien exerçait alors, avait informé la direction de cette condamnation et alerté sur la "dangerosité" du praticien. Le directeur de l'établissement avait prévenu l'Ordre des médecins et la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales, tout en louant le "sérieux" du chirurgien et ses "excellentes relations" avec les patients. Un courrier qui n'a eu aucune incidence sur le Dr Le Scouarnec, puisque ce dernier a continué d'exercer.
Ce n'est qu'en avril 2017, lorsqu'une de ses voisines porte plainte contre lui à la gendarmerie de Jonzac (Charente-Maritime) pour des faits d'exhibition sexuelle commis devant sa fille de 6 ans que l'affaire prend un tournant. Interrogée, la fillette rapporte un viol digital, qui sera confirmé par une expertise gynécologique. Alors âgé de 66 ans, le chirurgien est interpellé à son domicile le 2 mai 2017 puis mis en examen et incarcéré. Les gendarmes y découvrent alors des poupées ainsi que des accessoires de nature sexuelle et environ 300 000 images pédopornographiques.
Sont également retrouvés à son domicile des journaux intimes dans lesquels le spécialiste de la chirurgie digestive consignait jour après jour des récits pornographiques ou zoophiles glaçants.
Dans le bureau des juges, Joël Le Scouarnec fait remonter les premiers "attouchements" aux années "1985-1986" sur l'une de ses nièces. Il sera finalement condamné, le 3 décembre 2020, à 15 ans de réclusion criminelle pour les viols d'une de ses nièces et de sa voisine, ainsi que pour des agressions sexuelles sur une autre nièce et une patiente de 4 ans par la cour d'assises de Charente-Maritime. Une peine assortie d'une obligation de suivi socio-judiciaire de 3 ans et d'une injonction de soins. Le Scouarnec fait d'abord appel, puis y renonce finalement.
Le 15 octobre de cette même année, l'ancien chirurgien est également mis en examen dans une deuxième procédure, menée sous l’autorité du parquet de La Rochelle. Des recherches et des auditions s’appuyant sur les carnets intimes où il consignait scrupuleusement les noms de ses victimes, associés à des descriptions d’agressions (cunnilingus, attouchements, pénétrations digitales…) ont mis au jour 312 victimes de viols et agressions sexuelles, entre 1986 et 2014. Âgées en moyenne de 11 ans, la plupart étaient en "état d’endormissement" et n’ont gardé aucun souvenir de leur agression.
L'"inaction" de l'Ordre des médecins pointée du doigt
Sur 299 victimes retenues (les faits étaient prescrits pour les autres), 184 sont aujourd'hui parties civiles ainsi que 74 autres parties civiles indirectes (famille...) et 9 parties civiles morales. Elles seront représentées par 63 avocats dans le cadre de ce procès, labellisé "procès sensible" par le ministère de la Justice.
Si l'Ordre des médecins s'est constitué partie civile, et a appelé à une "condamnation exemplaire, à la hauteur des faits allégués", dans un récent communiqué, l'instance a été à plusieurs reprises pointée du doigt, du fait notamment de l'absence de sanction disciplinaire. Ce n'est, en effet, qu'après la plainte datant de 2017 et son placement en détention provisoire que Joël Le Scouarnec a été radié de l'Ordre.
Le Syndicat de la médecine générale (SMG) a ainsi appelé au rassemblement ce lundi devant le siège du Conseil national de l'Ordre des médecins à Paris, pour dénoncer la décision de l'instance de se porter partie civile. Cela nous "apparaît illégitime et irresponsable, voire insultant au vu de son inaction depuis 2006", écrit le syndicat dans un communiqué.
Et d'ajouter : "Nous jugeons qu’il est inadmissible que l’Ordre des médecins n’exprime ni regrets ni excuses publiques par rapport à cette passivité irresponsable, à ces années de silence, lourdes de conséquences pour les victimes. Ainsi, nous ne tolérons pas qu’il ose se porter partie civile dans cette affaire, alors que sa responsabilité est engagée. Ces graves manquements répétés interrogent sur l’intérêt même de l’existence de cette juridiction ordinale d’exception."
Le procès de Joël Le Scouarnec devrait durer quatre mois. La loi ne permettant pas le cumul des peines, l'ancien chirurgien, déjà incarcéré après sa première condamnation, encourt une peine maximale de 20 ans de réclusion.
[avec AFP]
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