L'ANSM a annoncé avoir interdit un essai clinique mené hors de tout cadre légal par une "fondation spirituelle" sur plusieurs centaines de malades dans une abbaye près de Poitiers. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a découvert cet essai illégal grâce à une inspection de contrôle menée début septembre au laboratoire où les prises de sang étaient envoyées pour analyse. Découvrir un tel "essai clinique sauvage" est "très rare, a fortiori quand il est de cette ampleur", souligne Bernard Celli, directeur de l'inspection. Il s'agit "d'une atteinte grave au code de la santé publique et au code pénal", juge-t-il, annonçant avoir saisi le pôle santé du parquet de Paris. "On est aux confins du charlatanisme", ajoute-t-il. "La confiance de ces patients a été abusée." Régulation "des vies psychique et végétative" L'expérimentation, menée depuis environ un an, consistait à tester deux molécules "aux effets inconnus" d'après l'ANSM - valentonine et 6-méthoxy-harmalan - sur des personnes souffrant de maladie de Parkinson, d'Alzheimer mais aussi de troubles du sommeil ou de dépressions nerveuses. Sur le site internet du Fonds Josefa, l'un de ses fondateurs, le professeur Jean-Bernard Fourtillan, revendique la découverte en 1994 de la valentonine, "hormone de la nuit et du sommeil", tandis que le 6-méthoxy-harmalan (6-MH) est présenté comme l’hormone du jour, de l’éveil et de la conscience. Avec la mélatonine, ces trois hormones "protègent notre organisme et assurent la régulation des vies psychique et végétative", est-il indiqué sur le site. Dans une abbaye poitevine Ces molécules étaient administrées la nuit sous forme de "patch transdermique mixte" (100 microgrammes de 6-MH et 400 microgrammes de VLT) sur au moins 350 personnes, notamment au sein de l'abbaye Sainte-Croix de Poitiers, dans la Vienne. "Il semble qu'ils y passaient une nuit et qu'ils subissaient une prise de sang le matin", explique Bernard Celli. Selon Sœur Martina, sœur hôtelière du monastère jointe au téléphone par l'AFP, "l'abbaye dispose d'une quinzaine de chambres" qui servent depuis "une année à peu près" à héberger des patients de cet essai clinique. "La qualité, les effets et la tolérance de ces substances ne sont pas connus" et "un risque pour la santé des participants ne peut être exclu", indique l'ANSM. L'agence demande aux participants à ces essais "de ne plus utiliser ces patchs" et "de consulter rapidement (leur) médecin traitant pour l'informer de la situation, réaliser un bilan de santé et s'assurer que la prise en charge de (leur) maladie est adéquate". Un "don" de 1000 euros minimum Sur son site internet, le Fonds Josefa se présente comme "un fonds de dotation à but non lucratif pour votre santé", co-fondé par les Prs Jean-Bernard Fourtillan, qui en est le président, et Henri Joyeux (cancérologue), vice-président, en bisbille avec l'Ordre pour ses positions antivax. Le Pr Fourtillan, ingénieur chimiste, pharmacien des hôpitaux, est professeur honoraire de chimie thérapeutique à la faculté de médecine et de pharmacie de Poitiers. Reconnaissant sur son site de pas satisfaire aux "exigences réglementaires" et ne pas pouvoir par conséquent pourvoir "officiellement" "démarrer les essais cliniques des patchs", le Fonds Josefa escomptait obtenir des AMM "à la fin de l'année 2019, afin que les patchs mixtes soient en vente dans les pharmacies courant 2020". Pour "rester libres de tous les lobbies industriels, (...) nous comptons sur votre aide, sous forme de dons, petits ou grands, faits au Fonds Sœur Josefa, pour financer (la) fabrication" des fameux patchs, écrit Henri Joyeux sur son site dans une note datant de décembre 2016. Un échange de mails que s'est procuré Europe 1 révèle que les patients inclus étaient fortement incités à donner au moins 1000 euros. "Nous demandons aux personnes les plus aisées, dans un esprit de solidarité, de faire un don supérieur à 1000 euros, afin de pouvoir financer convenablement cet essai." "Le président du Fonds Josefa, Jean-Bernard Fourtillan, a découvert une hormone qui peut être utile pour les patients. J'ai confiance dans sa découverte", assure le Pr Joyeux, joint par Europe 1. "Donc, je ne vois pas ce qu'on vient nous sortir avec cette abbaye ! Il a trouvé un endroit où ce n'était pas cher de faire ce qu'il avait envie de faire. Ce n'est pas une étude clinique, ça n'a rien à voir !". "Je suis effondrée, horrifiée. Il y aura des sanctions et des poursuites", a réagi ce matin sur France Inter la ministre de la Santé Agnès Buzyn, dénonçant "une faute lourde". "Une enquête est en cours" pour "analyser les produits administrés", a-t-elle ajouté devant la presse plus tard dans la journée. "La priorité, c'est de connaître l'état de santé de ceux qui y ont participé, de vérifier qu'ils ont repris leur traitement, anti-parkinsonien notamment." Selon la ministre, il avait été demandé aux patients participants de ne "pas prévenir leur médecin". "Ces personnes ont été victimes de fausses informations." [Avec AFP et Europe1.fr]
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