"En tant que président de l'Ordre, j'accepte mal la volonté d'obligation vaccinale du Gouvernement"
Le président du Conseil national de l'Ordre des médecins, Dr Patrick Bouet, juge que la vaccination des soignants contre le Covid-19 est "une exigence éthique". S'il ne "comprend pas les médecins qui la refusent", il estime que la possibilité d'une obligation vaccinale évoquée par l'exécutif est un signe de l'échec de la politique gouvernementale. Il s'adresse directement aux lecteurs d’Egora pour expliquer sa pensée.
"Le président du Conseil de l'Ordre que je suis, accepte mal que le politique veuille tout d'un coup mettre en avant un mécanisme d'obligation alors que globalement, rien n'a été fait pour que la majorité des soignants soient en situation de se vacciner immédiatement. Je rappelle que nous avions demandé dès le début de l'arrivée des vaccins que tous les soignants soient pris en charge par une vaccination. On nous avait répondu à cette époque que ça ne pouvait pas être fait.
A partir du moment où nous sommes dans une situation dans laquelle émerge une demande d'obligation, il faut bien montrer que dans notre pays l'obligation n'est que l'arme ultime, signant l'échec de la mise en œuvre d'un travail en commun. Gabriel Attal [porte-parole du Gouvernement, NDLR] parle d'irresponsabilité pour les soignants qui ne se vaccinent pas, mais à la bataille de l'irresponsabilité, je ne suis pas sûr que ce soient les professionnels de santé qui aient la première place actuellement.
Nous ne sommes pas hostiles à une obligation de la vaccination antigrippale par exemple. Mais cette obligation doit intervenir au départ et dès que les doses sont disponibles. A partir du moment où le Gouvernement a choisi de ne pas mettre en place un mécanisme d'obligation, il a implicitement accepté le fait qu'il faille aller au fur et à mesure vers la vaccination des soignants. C'est lui-même qui l'a mis en place.
J'ai le sentiment, et moins chez les médecins que chez d'autres, qu'il faut vaincre les dernières résistances de ceux et celles qui s'interrogent et sont encore dans le doute. Il faut rappeler les médecins, mais aussi les autres professionnels de santé à ce devoir moral éthique et professionnel qui est de protéger ses patients et de se protéger soi-même.
Le médecin que je suis ne comprend pas pourquoi certains refusent de se vacciner. Nous avons une chance extraordinaire...
que des vaccins existent aujourd'hui pour protéger la population. Il n'y a pas plus de raisons de ne pas se vacciner contre le Covid-19, qu'il n'y en aurait pour la rougeole, la rubéole, le tétanos… Toutes les données de la science montrent que ces vaccins n'ont pas plus d'effets secondaires que d'autres. Ils sont même plus efficaces que certains vaccins que nous utilisons actuellement (comme ceux contre la grippe). Il n'y a pas de raisons objectives pour un professionnel de santé de dire non à la vaccination.
Aux médecins réticents, je dis que la science, tous les éléments nous avons au niveau des vaccins, tout ce qui fait qu'aujourd'hui le vaccin AstraZeneca est validé à des millions de doses délivrées, font que moralement, professionnellement et éthiquement, un médecin doit se vacciner contre le Covid-19. Ça n'est pas une possibilité, c'est une obligation liée à notre responsabilité professionnelle.
Se vacciner est une exigence éthique. Les professionnels de santé, par l'action qu'ils mènent depuis plus de 14 mois, au contact quotidien de patients malades, sont au cœur de la possibilité d'être contaminés, voire d'être contaminants. On l'a vu malheureusement dans les premiers mois de cette épidémie. C'est cette place très particulière des professionnels de santé qui fait qu'ils ont une obligation éthique à protéger les autres et à se protéger eux-mêmes pour pouvoir accomplir leur devoir.
Je n'ai pas envie de parler de sanction. Nous sommes dans un travail de conviction. Il restera peut-être quelques médecins qui refuseront. A ce moment-là, ils assumeront des responsabilités qui ne seront pas forcement vis-à-vis de l'institution ordinale mais vis-à-vis de...
leurs patients. Je ne fais pas partie de ceux qui déclinent les sanctions avant d'avoir travaillé avec les médecins pour les convaincre.
L'Ordre mène ce travail dans sa dimension nationale et territoriale. Nous travaillons avec les présidents de commissions médicales d'établissement et avec les syndicats de médecins libéraux, mais également de médecins scolaires et de médecins du travail. Tous ensemble, nous œuvrons à dire à nos confrères, "vaccinez-vous, vous vous protégez, mais vous protégez également la population". C'est un travail de terrain.
Il faut que nous participions à la reprise de confiance entre les professionnels de santé et la vaccination. Aujourd'hui, plus de deux-tiers des médecins sont vaccinés contre moins d'un tiers pour les autres professions de santé. Cela veut donc dire que nous devons tous ensemble travailler pour faire tomber cette réserve."
Si, en novembre, les lecteurs d’Egora s’étaient prononcés contre l’obligation vaccinale de la population contre le Covid à 68%, il semble que leur opinion sur la question ait évoluée. A moins que celle-ci ne se pose avec plus de force pour les soignants ? Sur les 286 participants à notre sondage du 4 mars, 66% se sont déclarés en faveur d’une obligation vaccinale des professionnels de santé, au vu des derniers chiffres publiés par les autorités ; 28% se disent contre et 6% ne se prononcent pas. Continuez à voter ici.
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