Ils vont être entendus pendant quatre jours entre le 12 et le 15 novembre. Un couple de parents de 39 et 34 ans comparaît devant la cour d’assise de la Creuse, accusé d’avoir laissé mourir de malnutrition et manque de soins leur fils âgé de 22 mois.
Les faits remontent au mois de juin 2013. Le couple se présente aux urgences du centre hospitalier d’Aubusson (Creuse) avec leur enfant, en état de mort apparente. Pris en charge par le personnel médical, le nourrisson ne peut être réanimé. Face à la situation, le médecin urgentiste décide de procéder à un signalement, permettant l’ouverture d’une enquête. Le médecin légiste constate une maigreur extrême et un manque de soins évident. Les autres expertises effectuées ce jour-là prouvent que l’enfant est mort à la suite d’un défaut chronique de soin et d’alimentation.
Les parents encourent 30 ans de réclusion criminelle. Ils ont été mis en examen pour “privation de soins et aliments ayant entraîné la mort d’un mineur” avec la circonstance aggravante de la qualité d’ascendants et placés sous contrôle judiciaire. Ils étaient surendettés et la jeune femme souffre de la maladie de Crohn.
"Il n'y avait aucun signe qui me faisait penser que cet enfant était en danger"
Dans cette affaire, le médecin généraliste a également été mis en examen pour “non-assistance à personne en danger”. D’après France 3, le praticien a vu l'enfant sept fois au total. La dernière consultation a eu lieu un mois avant son décès.
Son procès aura lieu l’an prochain, en 2020, mais le médecin doit faire une déposition en tant que témoin dans le procès des parents. Il devra notamment expliquer la maigreur et le retard de croissance du nourrisson, qui s’était pourtant développé normalement jusqu’à ses six mois.
Se justifiant auprès de la chaîne de télévision locale, le médecin explique qu'il n'y avait aucun signe révélateur à ses yeux. "Quand ils venaient me voir, ils étaient tous propres, tous lavés. Les parents se montraient attentionnés. Le petit était blotti dans les bras de sa mère. Il n'y avait aucun signe qui me faisait penser que cet enfant était en danger." Il ajoute que, même si sa courbe de poids était au-dessous de la moyenne, elle restait toutefois dans la moyenne des normes de croissance de référence.
"J'ai bien constaté qu'il était chétif. Certes. Mais je n'ai pas vu, quand je l'ai consulté, de signes majoritairement inquiétants [...] J'avais certes une courbe qui était toujours en hypotrophie, mais qui suivait globalement la courbe de l'OMS. Moi, je n'avais que ça comme base."
Un appel au Conseil national de l’Ordre
L’association “L’enfant Bleu - Enfance Maltraitée”, partie civile dans le procès, pointe du doigt le “rôle majeur” des médecins généralistes et pédiatres. “Ils ont un rôle majeur et primordial en matière de protection de l'enfance. Ils sont en première ligne pour constater, de manière scientifique et clinique, les signes d'une maltraitance ou le défaut de soins. Or, seuls 5% des signalements sont le fait de professionnels de santé. Sans doute par crainte de poursuites et de sanctions en cas de signalement pour maltraitance infantile non avérée. La loi agit pourtant en leur faveur, puisque les médecins sont déliés du secret médical lorsque leurs patients sont mineurs”, regrette leur avocat, interviewé par France 3.
Il en appelle d’ailleurs au Cnom “L'Enfant Bleu appelle le Conseil national de l'Ordre des médecins à faire valoir le principe de précaution auprès de tous ses professionnels, car une erreur de signalement sera toujours moins dangereuse que le risque de laisser un enfant dans une situation de danger pouvant aller jusqu'à une issue fatale en cas de silence.”
D’autres signalements effectués
L’avocat revient aussi au fil de l’interview sur les manquements du dossier. Il raconte que le grand-père de l’enfant avait effectué un signalement deux semaines avant sa mort. “Un mois plus tôt, d'autres signalements pour manque de soin et d'hygiène avaient été effectués par l'enseignant de Melvin, frère aîné de Gabin, et par l'infirmière scolaire, explique-t-il. Ces signalements n'avaient pas encore été traités lors du décès du petit garçon. L'Enfant Bleu déplore cette prise en main tardive.”
[Avec France 3]
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