Accès aux soins : "Nous serons exigeants envers les médecins car nous avons une obligation collective de résultats"
Egora-Le Panorama du médecin : C’est la première fois que le ministère de la Santé nomme une ministre déléguée en charge de l’Organisation territoriale et des Professions de santé. Pourquoi ce besoin ?
Agnès Firmin Le Bodo : Ce ministère dont j’ai la charge a été créé par le Président de la République et la Première ministre. C’est un signal fort et important sur la prise de conscience d’un véritable enjeu concernant les professionnels de santé, notamment après deux ans de crise sanitaire et de mal-être. Car bien que des mesures aient été prises lors du quinquennat précédent, il n’y a pas un jour où ceux qui faisaient campagne n’aient pas été interrogés, interpellés – ou parfois même engueulés – sur le fait que certains de nos concitoyens n’aient pas accès à un professionnel de santé, quel qu’il soit. Cet enjeu majeur a été entendu : d’où l’intitulé de ce ministère de l’Organisation territoriale et des Professions de santé – que certains ont résumé au "ministère des déserts médicaux"… C’est un peu un ministère de défis. En tout cas, c’est comme ça qu’on le vit.
En quoi traduit-il l’orientation du ministère de la Santé ? Il traduit clairement la nouvelle méthode du Président de la République : coconstruire les solutions, faire travailler ensemble tous les acteurs d’un même champ, faire avec les territoires et les élus… Ce ministère est la déclinaison de la méthode souhaitée par Emmanuel Macron, et c’est ainsi que nous travaillons depuis ma prise de fonction, le 5 juillet.
Vous êtes pharmacienne, François Braun est médecin. Pensez-vous que votre formation et votre expérience de professionnelle de santé vous ont mieux armée pour mener à bien vos missions ministérielles ?
Je ne sais pas si c'est mon métier de pharmacienne qui m'a mieux armée… C'est sans doute aussi mon passé politique. Je suis engagée en politique depuis l'âge de 15 ans et je suis élue depuis 25 ans. J'ai été une élue de terrain et j'ai eu la chance d'exercer des mandats avec des compétences très différentes : sport, tourisme, sécurité, handicap, accompagnement des personnes âgées… Lors du dernier quinquennat, j'ai été membre de la commission des Affaires sociales à l'Assemblée nationale.
J'ai aussi la particularité d'avoir toujours voulu exercer mon métier en parallèle de mon engagement politique, même lorsque j'étais députée. D'ailleurs pendant la crise sanitaire, il m'a semblé important d'être au front dès le 16 mars 2020, à temps plein - et plus qu'à temps plein… - dans mon officine. Cela m'a permis de faire le lien avec le Gouvernement sur comment étaient ressenties sur le terrain les mesures prises. Ça a été quelque chose de précieux. Lorsqu'on est pharmacien, on a ce lien direct avec la population, comme lorsqu'on fait de la politique. Cela vaut aussi pour mon collègue François Braun, médecin. C'est notre point commun.
Lors de votre toute première allocution, vous avez insisté sur la question des déserts médicaux et de l'accès aux soins. Ce sera votre "mission" avez-vous dit. On en parle depuis des années, sans vraiment trouver de solution. Comment comptez-vous y répondre ?
Je rappelle qu'il y a des mesures qui ont été engagées lors du dernier quinquennat. La suppression du numerus clausus est une réponse du temps long. La création des assistants médicaux, qui se développent, celle des infirmières en pratique avancée, les délégations de tâches des différentes professions en sont d'autres. Mais l'on voit bien que ces mesures n'ont pas suffisamment produit d'effets – c'est ce pour quoi ce ministère existe. Nous sommes dans une situation critique et tout le monde - que ce soient les élus, les professions de santé et les usagers - a conscience qu'il est nécessaire de faire quelque chose et d'avancer ensemble. Il y a un alignement des planètes et cela me rend optimiste, de façon raisonnée, sur la capacité collective à apporter des réponses de l'urgence – et il y a des solutions –, du temps moyen parfois plus difficiles à mettre en œuvre, et du temps long pour ce qui touche à la formation des professionnels. Il n'y a pas que les médecins. Il faut aussi donner des perspectives d'évolution aux aides-soignantes, mieux associer les infirmières…
Nous commençons à coconstruire une boîte à outils, que nous allons aborder avec la Conférence des parties prenantes (CPP), déclinaison santé du Conseil national de la refondation (CNR), qui sera lancée dans les prochains jours.
Le fait que l'Ordre des médecins soit revenu à la table pour travailler avec les autres professions pour avancer est un signal important.
La nouvelle méthode vise à faire du travail de dentelle en apportant des solutions territoire par territoire, avec les ARS. Chaque territoire pourra se saisir des outils que l'on va mettre à disposition, en fonction de leurs besoins. C'est ce qui a été fait avec la mission "flash" sur les urgences cet été.
Je suis intimement convaincue que la prise de conscience est collective, qu'on va pouvoir trouver des solutions profession par profession, et entre professions, pour avancer. Les réponses seront parfois palliatives mais l'idée est qu'elles s'inscrivent dans le temps long.
Comment va se dérouler la Conférence des parties prenantes ? Qui sera autour de la table ?
La participation sera assez large. L'idée est de décliner le schéma du CNR, de mettre ensemble autour de la table des soignants (ordres, syndicats…), des soignés et des élus (associations, fédérations…). J'ai reçu ici les associations d'élus pour leur dire que ce ministère était le leur. Avec Caroline Cayeux [ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, NDLR], nous allons lancer une conférence réunissant les professionnels de santé et les associations d'élus pour que les deux parties puissent se rencontrer. Car on voit bien que les choses qui fonctionnent sur les territoires sont celles qui sont coconstruites, portées par les professionnels et accompagnées par les élus.
L'enjeu, c'est de faire un lancement national de cette CPP, avec déclinaisons sur les territoires pour qu'un maximum de nos concitoyens puissent s'emparer des thèmes que l'on a estimés être les plus prégnants.
L'idée, ce n'est vraiment pas d'avoir une solution unique décidée depuis ce bureau, mais adaptée aux besoins de chaque territoire. D’ailleurs, cette solution unique n’existe pas, c’est pour ça qu’il est important de...
coconstruire cette solution avec les élus et les professionnels de santé. Dans les semaines à venir, je vais faire beaucoup de terrain. J'étais une élue de terrain – certains diraient même "tout terrain" –, je serai une ministre de terrain. Ma mission est donc d’aller sur le terrain pour voir ce qui fonctionne, et devant être inclus dans la boîte à outils, mais également, et surtout, voir ce qui ne fonctionne pas, et comprendre pourquoi. Parfois, c'est un blocage administratif, réglementaire et il suffit de pas grand-chose pour débloquer. Nous sommes en train de lister ces "irritants". Exemple : une infirmière de la fonction publique hospitalière qui voudrait travailler dans un Ehpad géré par le CCAS d'une commune doit passer le concours de la Fonction publique territoriale…
Nous allons aussi faire l'évaluation et la mise en place des réformes et des lois votées. On se rend compte que parfois, la loi a été votée mais les décrets d'application ne sont pas sortis.
La question de la régulation à l'installation sera sans doute l'un des principaux points de discorde entre médecins et élus. Vous avez récemment déclaré qu'à titre personnel, vous n'y étiez pas favorable. Mais cette mesure est pourtant inscrite dans le programme électoral d'Emmanuel Macron…
Certains élus, pas tous, pensent que c'est la solution. Il y a une bonne dizaine de propositions de loi déposées au Parlement sur ce sujet. J'assume cette position qui est la mienne, mes votes sont publics et je n'ai pas peur du débat. Cette question doit venir au débat pour permettre d'apporter des réponses et pour savoir de quoi on parle.
À titre personnel, je pense que ça n'est pas une bonne chose, et qu'en plus, ça n'est pas le moment : 87% de la France est un désert médical. Déshabiller Paul pour habiller Jacques, ça n'a jamais été la solution. On ne peut réguler que quand il y a de l'abondance, c'était peut-être possible il y a dix ans mais c'est sans doute trop tard. Et à l'heure où l'on sent une volonté des médecins sur des évolutions, je ne suis pas sûre à titre personnel que ce soit le moment opportun…
Et si ça avait marché ça se saurait : les pays qui ont mis en place ces dispositifs n'ont pas résolu le problème. Il faut savoir qu'il n'y a pas que la France qui est concernée par cette problématique du manque de soignants : l'Europe et le monde sont concernés.
Ce qui n'empêche pas que le ministre François Braun et moi-même, nous aurons des exigences : nous serons exigeants envers les médecins. Parce que nous avons une obligation collective de résultats. Je crois que le message est entendu et je crois même pouvoir dire qu'il est partagé.
Donc nous serons dans l'exigence de solutions à apporter – et il y en a, à travailler avec les autres professionnels. Car il y aura cet enjeu de coordination des soins.
Quelle place pour les ARS au sein des territoires ?
J’ai récemment commis un rapport sur l’évaluation des ARS et c’est un sujet que je connais bien. Je pense que les ARS sont le bras armé du ministère au sein des territoires. Ce sont des managers de projets de territoires, et les interlocuteurs à la fois des professionnels de santé et des collectivités. C’est donc avec elles qu’on va construire les solutions. Elles sont également les relais avec le préfet de l’application dans les territoires des politiques dessinées par l’État. C’est donc un travail en proximité.
Je rencontre les directeurs d’ARS un par un et je compte les voir très régulièrement. Je vous le redis : on va travailler région par région parce que les problématiques ne sont pas les mêmes dans chacun des territoires. Par exemple, certains manquent de spécialistes mais pas d’autres parce qu’ils ont su apporter une réponse, grâce aux méthodes d’universitarisation par exemple. C’est un vrai travail de dentelle et c’est ce qui rend la tâche passionnante.
Cette réponse passe-t-elle par les CPTS ?
Nécessité faisant loi, beaucoup de CPTS se sont développées à l’aune de la crise sanitaire. Et parfois, certaines se sont créées tout naturellement, des professionnels ayant pris l’habitude de travailler ensemble parce qu’ils devaient accompagner un patient. Actuellement, on a environ 300 CPTS de taille très hétérogène : la plus petite doit couvrir environ 8.000 habitants et la plus grosse 300.000. Et elles couvrent déjà presque 25 millions d’habitants du territoire. Certes, il reste encore des choses à faire. Mais le plus important, c’est de travailler de façon coordonnée pour qu’on puisse apporter des réponses dans le parcours de soin du patient. Et grâce aux solutions proposées par les professionnels de santé, on doit pouvoir avancer.
Les médecins libéraux négocieront cet automne leur nouvelle convention avec l'Assurance maladie. À vos yeux, quels en sont les principaux enjeux ?
Une convention, c'est toujours une rencontre entre le financeur et le financé. C'est se donner les moyens d'avancer, c'est aussi faire le constat de ce qui a marché et de ce qui n'a pas marché. C'est être dans l'exigence partagée d'apporter des réponses à nos concitoyens. Comment on va pouvoir travailler ensemble sur le fait que tant de patients en ALD n'ont pas de médecin traitant. Ou sur les délégations de tâches : là aussi il sera important de coconstruire si on veut que les solutions soient acceptées par les professionnels. Je me souviens de la levée de boucliers, légitime, des infirmières quand elles ont découvert que les pharmaciens allaient vacciner contre la grippe. J'ai pris l'engagement envers les professionnels que ça n'arrive pas. Donc c'est important qu'ils travaillent ensemble.
Les médecins libéraux ont une attente forte concernant les questions de revalorisation. Est-ce que cela sera une priorité de la future convention ?
C'est le rôle de la Cnam de négocier financièrement. Là encore, c'est gagnant-gagnant. Le constat est que six millions de nos concitoyens n'ont pas de médecin généraliste traitant. Il faut...
tout mettre en œuvre pour accompagner les médecins et dégager du temps médical. Il est urgent d'avoir une obligation collective à répondre à cette problématique.
L'idée d'une quatrième année d'internat de médecine générale à réaliser en priorité dans un désert médical fait son chemin. Quelle garantie de formation pour les internes ?
Cette quatrième année fait son chemin car elle est avant tout dans l'intérêt des étudiants eux-mêmes. L'idée est de leur faire découvrir les déserts médicaux et surtout d'autres façons d'exercer. Mais il faut être clair : ce n'est pas la solution aux déserts médicaux, l'objet est de leur proposer une formation supplémentaire. Il reste à l'acter définitivement et à la construire avec les étudiants, les doyens et les médecins.
Sur la formation, il y a d'autres enjeux : développer des stages d'internat dans des hôpitaux de proximité et des CH périphériques. Là aussi, il s'agit de faire connaître ce mode d'exercice. Il faut que les médecins soient maîtres de stages universitaires dans les déserts. Il faut que l'on puisse envisager l'hébergement, le transport…
Comment favoriser une plus large participation des médecins à la permanence des soins ambulatoires (PDSa) et aux futurs services d'accès aux soins (SAS) ?
Les SAS sont amenés à se développer et ils fonctionnent plutôt bien. Même si toutes les mesures de la mission Braun n'ont pas pu se mettre en place cet été. Au Havre, par exemple, on voit que le nombre de médecins qui mettent des créneaux augmente et que le SAS a permis d'éviter l'accès direct aux urgences ; pratiquement 30% des appels au SAS n'ont d'ailleurs pas donné lieu à une consultation ou à une visite de généraliste, mais à un simple conseil. L'enjeu du développement des SAS, c'est donc aussi l'enjeu du développement de la régulation. Mais c'est une mesure qui donne plutôt satisfaction. L'expérimentation va sans doute s'élargir à l'ensemble du territoire. Et dans les territoires où le système ne s'appelle pas SAS, si ça marche, tant mieux ! L'important, c'est qu'il y ait une réponse à la permanence des soins et les SAS en sont une.
La notion de médecin traitant a été mise en place en 2017. Aujourd’hui, en raison de la désertification médicale et des réorganisations nécessaires pour assurer l’accès aux soins, de nombreuses voix militent pour la mise en place d’une équipe traitante. Soutenez-vous cette idée ?
C’est l’une des pistes de travail. Mais on va attendre ce que le Comité de liaison inter-ordinal (Clio) va nous proposer et je sais que c’est une des choses sur lesquelles il a travaillé. Dans l’esprit de notre système de santé, le médecin reste le médecin. Mais on voit bien qu’étant donné la problématique du nombre de médecins, le recours à d’autres professionnels de santé, au sein d’un exercice coordonné ou partagé, est parfois nécessaire… C’est déjà ce qui se fait au sein de plusieurs structures d’exercice coordonné, avec notamment la délégation des tâches. Cette équipe traitante composée de professionnels de santé autour du médecin, ce sera peut-être l’une des propositions formulées par le Clio ou par une profession, on verra.
Thomas Fatôme a précisé que la priorité de la Cnam sera de valoriser le travail en équipe et l’exercice coordonné. Seuls 20% des professionnels sont impliqués dans ce mode d’exercice, comment comptez-vous convaincre la majorité ?
On va y parvenir en leur expliquant l’intérêt de ce mode d’exercice, notamment pour le patient. Il s’agit aussi de simplifier le travail des professionnels de santé. C’est d’ailleurs, l’une de leurs revendications : aller vers une simplification administrative ou réglementaire. Si le protocole de coopération cystite n’a pas pu être mis en place, c’est parce que c’est compliqué et que le 11 juillet, le couple médecin-pharmacien ne pouvait pas se réunir. Il faut trouver des choses efficientes et pratiques pour tout le monde, dans l’intérêt de répondre aux besoins en santé.
Justement, le développement des délégations de tâches, des transferts de compétences et des coopérations entre professionnels de santé a été plébiscité par le dernier rapport du Haut Conseil pour l'avenir de l'Assurance maladie. Mais il se heurte souvent aux réticences (d'ordre économiques notamment) du corps médical. Comprenez-vous ces craintes ?
Ce sont des questions légitimes. L'évolution ne peut pas se faire d'un claquement de doigts, ça se construit. Nous sommes tous d'accord pour dégager du temps médical. Le fait de ne pas avoir à passer par le généraliste pour une prescription qui nécessite d'emblée d'aller chez le spécialiste permet de dégager une consultation sans impacter l'activité économique du généraliste, mais à côté il faut construire un plan de prise de charge pour que le généraliste fasse la première consultation, forcément plus longue. La Cnam a déjà franchi ce pas des consultations longues et complexes. Est-ce qu'il faut aller plus loin avec un schéma de prise en charge déléguée autour du patient ? Peut-être, mais ça se négocie.
En 2018, Emmanuel Macron avait évoqué le chiffre de 2.000 MSP et 1.000 CPTS à l’horizon 2022. Le compte y est pour les MSP [2.018 à fin décembre 2021, NDLR] mais pas pour les CPTS. Comment l’expliquez-vous ?
D’abord, on a eu deux ans de crise sanitaire et c’est vrai que dans certains territoires, s’il n’y a pas un leader naturel qui fédère des collègues, ce n’est pas toujours simple. Je vous le redis : pour nous, l’important, c’est de pouvoir apporter des réponses à tous nos concitoyens. Les CPTS lorsqu’elles fonctionnent, ça fonctionne ! Charge à chacun – ministère, sur le territoire, chaque professionnel de santé qui appartient à chaque CPTS – d’aller dire au voisin d’à-côté que ça fonctionne bien.
Mais ce qui importe, ce n’est pas tant le nombre de CPTS mais le nombre de concitoyens couverts par une CPTS. Faire de la CPTS pour faire de la CPTS, ce n’est pas l’objectif. L’important, c’est ce qu’on y fait, que chaque professionnel y trouve son intérêt dans l’exercice professionnel et que chaque patient puisse avoir une réponse.
Est-ce qu’une des difficultés ne réside pas dans les lourdeurs administratives, comme le dénoncent plusieurs professionnels ?
Certes, l’aspect administratif est quelque chose de pesant, notamment si la CPTS est créée par des médecins. D’où la mise en place des assistants médicaux qui doivent pouvoir les délester d’une partie de cette tâche administrative. Il y a aussi l’enjeu de la simplification parce que souvent, quand on créé un dispositif, il faut s’assurer qu’il ne s’appuie pas sur un autre qu’on aurait été obligé de dégager. C’est clairement un changement de méthode, mais ce n’est pas simple. Cet enjeu, on doit l’avoir à chaque fois comme celui de la transition écologique.
Depuis sa prise de fonction, François Braun a visité principalement des MSP ou des CPTS qui fonctionnent via une MSP. Comment le Gouvernement compte-t-il s’appuyer sur ces structures pour déployer et définir les politiques territoriales ?
Les MSP, ça fonctionne bien mais ce n’est pas forcément tout l’alpha et l’omega. Dans certains territoires, il n’y a pas de MSP mais ça fonctionne… et puis, il y a des MSP qui ne fonctionnent pas. Il faut savoir que ces structures fonctionnent quand elles ont été créées par des professionnels de santé. L’intérêt, c’est que lorsqu’elles fonctionnent très bien – et il y en a plusieurs, j’en ai visitées –, l’exercice pluriprofessionnel leur permet de répondre à différents besoins mais aussi d’être le point de départ de consultations délocalisées, d’un "aller-vers" et d’une vraie organisation territoriale. De plus, une MSP qui fonctionne bien, c’est une sorte d’appel d’air pour faire venir des spécialistes.
J’ai visité la maison de santé de Saint-Martin-sur-le-Pré. Cette commune de 800 habitants a une maison de santé comptant 25 professions médicales. Les élus se sont rendu compte que le schéma du médecin qui s’installe dans sa commune pour trente ans, ça n’existe plus. Sur place, la mairie prend les rendez-vous et tous les lundis, un médecin de la MSP s’organise pour faire des visites dans une commune. On peut imaginer la même organisation avec des bus, la mobilisation de médecins retraités, des dispositifs avec des infirmières dans une halte santé, qui peuvent répondre, avec une belle machine de téléconsultation, à du soin programmé ou non programmé, notamment dans les quartiers prioritaires de la ville (QPV)… Ces infirmières pourraient être une sorte de vigie à la fois médical et social.
Vous êtes la ministre déléguée en charge des Professions de santé. Quid de ces professionnels qui ont recours aux pratiques de soin alternatives et qui entretiennent volontairement la confusion dans l'esprit du patient ? Faut-il réglementer ces pratiques ?
L’enjeu de ces médecines alternatives se trouve dans la régulation et la réglementation. Il s’agit de protéger nos concitoyens. D’ailleurs, plusieurs personnes, à l’instar de Serge Guérin, Véronique Suissa et Philippe de Normandie, travaillent sur ce sujet. Je pense que chacun peut trouver une réponse quelque part mais qu’il faut que tout ça soit bien réglementé.
Prenez l’ostéopathie qui est une des professions réglementées à titre dérogatoire. Il y a donc eu une évaluation et une évolution sur le "classement" de cette discipline.
C’est donc un débat qu’il faut ouvrir…
Je ne sais pas si on peut tout ouvrir en même temps ou si c’est un débat d’urgence. Mais c’est un débat qui s’ouvrira de toute façon… En tout cas, ce n’est pas moi qui l’ouvrirai ! Mais c’est peut-être un débat qui viendra à nous.
Face aux dérives, faut-il encadrer davantage la téléconsultation ?
La téléconsultation s'est beaucoup développée pendant la crise sanitaire. La téléconsultation par téléphone, c'était quelque chose d'extraordinaire !
Mais là aussi, il faut évaluer. Je ne défends pas la présence de cabines dans les supermarchés. À mon sens, une téléconsultation dans une cabine doit toujours être couplée avec un professionnel de santé qui a été formé. Il faut les développer dans les Ehpad, avec un cercle de médecins familiers. Par ailleurs, il y a cabine et cabine : il y a celle qui permet de faire une vraie consultation avec l'otoscope, le tensiomètre, etc., et celle qui permet juste un coup de fil. Il faut aussi avoir une vigilance particulière sur les plateformes. Il est important que les patients sachent à qui ils ont affaire de l'autre côté de l'écran. Je pense qu'il faut très vite avoir une réglementation sur le sujet. Ce sont des questions sur lesquelles j'avais déjà alerté en tant que parlementaire. Il y a un enjeu de santé publique.
Photos : Mathilde Gendron
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