Débats houleux sur la permanence des soins lors de l'examen de la PPL Valletoux : le résultat du vote

08/06/2023 Par Marion Jort
A l’occasion de l’examen de la proposition de loi Valletoux visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels de santé par la commission des Affaires sociales mercredi 7 juin, les députés ont voté pour que les praticiens libéraux des cliniques privées soient contraints à participer à la permanence des soins. Egora a suivi la séance. 

 

C’est une mesure brûlante de la proposition de loi (PPL) Valletoux visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels de santé qui était étudiée mercredi 7 juin par les députés membres de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale : l’article 4, qui vise à "rendre effective la participation obligatoire à la permanence des soins pour tous" (PDS). Objet de vives protestations, ce texte "clarifie la participation de tous les établissements de santé, en cohérence avec la disposition prévoyant la permanence des soins ambulatoires et issue de la proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé. Il prévoit la possibilité pour le directeur général de l’agence régionale de santé d’appeler les établissements de santé publics et privés à contribuer à la permanence des soins hospitalière", est-il indiqué.  

"Le principe que l’on recherche, c'était déjà le cas dans la loi Rist au sujet de la permanence des soins ambulatoires [PDSa, NDLR], c’est que cette fois-ci dans le volet permanence des soins des établissements, il puisse y avoir une participation de tous", a précisé Frédéric Valletoux (Horizons) devant ses homologues, alors que le flou a longtemps été entretenu sur une participation obligatoire et générale de tous les médecins à la PDS. "La permanence des soins en établissement repose essentiellement sur les hôpitaux publics, à 87%. On voit le déséquilibre, a poursuivi l’ancien président de la Fédération hospitalière de France. Il ne s’agit pas, comme le disent parfois certains syndicats alarmistes qui n’ont pas lu la proposition de loi, de dire à des médecins libéraux qu’on va les mobiliser tous les jours, en nuit profonde, etc. Ça, c’est Germinal. Là, ce qu’on propose, c’est de rééquilibrer ce ratio 87%/13%." 

"Vous faites de la tautologie*", lui a rétorqué Philippe Juvin (LR) ironisant sur le fait que cette proposition était "circulaire". Comme lui, de nombreux députés se sont montrés critiques envers la rédaction de l’article porté par Frédéric Valletoux. "Si je vous comprends bien, vous visez les cliniques privées. J’observe dans les territoires que les cliniques privées y participent parfois déjà… Ça se fait en bonne intelligence avec l’ARS", a par exemple souligné Thibault Bazin (LR). "La permanence des soins est un principe auquel on est attachés. Ce qui est proposé va dans le bon sens, mais il faut une répartition plus juste pour l’ensemble du corps professionnel", a de son côté argumenté Hadrien Clouet (LFI-Nupes).  

 

Retour à la PDSa obligatoire  

"Il faut rétablir la PDSa obligatoire comme c’était le cas avant 2003. Il faut partager l’effort pour qu’il soit supportable", a quant à lui réagi Guillaume Garot (PS), auteur d'un amendement transpartisan réctificatif en ce sens. "Cette régulation de la PDS, c’est un des enjeux que nous devons mettre en avant si on veut garantir - ou essayer - une amélioration de notre système de santé. Aujourd’hui, il y a 40% à peine des médecins libéraux qui sont dans un système de PDS, de garde. Ce chiffre va déclinant et signifie deux choses : d’abord, cela crée une pression lourde sur les services d'urgences mais aussi une pression lourde sur les autres collègues, ceux qui assurent la PDS", a-t-il fait valoir.  

Face à l’argumentation de ses collègues parlementaires, Frédéric Valletoux a fini par reconnaître que l'aticle 4 de sa PPL était "très économique en mots" et qu'il méritait d’être précisé et amendé. Mais sans aller dans le sens d'un retour à la PDSa obligatoire, le député a souhaité soumettre à leur vote l’ajout de la mention suivante : "ainsi que les professionnels de santé exerçant au sein [des établissements de santé]" qui pourront ainsi "être appelés par le directeur général de l’ARS à assurer ou à contribuer à la permanence des soins" en établissements de santé ou au sein des autres structures.  

"Cette mention permet effectivement de pouvoir toucher directement les professionnels de santé libéraux qui travaillent dans les cliniques. Vous savez qu’ils ont des liens contractuels qui souvent ne les mettent pas en sujétion de pouvoir accepter ou de participer à la PDS aujourd’hui", a rappelé le porteur du texte avant de conclure : "Cet article permet d’englober l’ensemble des professionnels qui exercent dans les cliniques, quels que soient leurs contrats. Il me semble refléter les intentions de tout le monde."

Après un vote à main levée, les amendements prônant le retour à la permanence des soins ambulatoires obligatoire ont tous été rejetés. L’amendement modificatif porté par Frédéric Valletoux sur son propre article pour que les cliniques privées et leurs praticiens y participent davantage a, lui, été adopté. "On a tous conscience que le débat est important", a-t-il salué.  

Il sera examiné dans l'hémicycle par l’ensemble des députés à partir de lundi 12 juin.  

*Négligence de style ou procédé rhétorique consistant à répéter la même idée en termes différents, soit dans la même proposition, soit dans deux propositions voisines (Larousse)  

 

Un texte passé sans encombre
Malgré des tentatives venues de tous les bancs, Frédéric Valletoux (Horizons) a préservé son texte des mesures les plus radicales issues du groupe transpartisan emmené par le socialiste Guillaume Garot. Écartée, donc, à ce stade, la "régulation" pour forcer les médecins à s'installer dans les déserts. "Une fausse solution" dans "une période de pénurie", a justifié Frédéric Valletoux. Pour passer les "années de tension extrême" à venir, les soignants seront poussés à travailler ensemble, via un rattachement automatique, "sauf opposition", de tous les libéraux aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Quelques amendements portés à la fois par la gauche et le centre, ont tout de même été adoptés, pour encadrer les aides financières à l'installation (une seule tous les dix ans) et les départs inopinés, y compris de dentistes et de sages-femmes (avec un préavis de six mois). Un nouvel "indicateur territorial de l'offre de soins" devra en outre servir à "orienter les politiques publiques de santé". 
Les futurs soignants, infirmiers inclus, seront également mis à contribution, avec l'interdiction de l'intérim en début de carrière. Une mesure chère à l'exécutif, repêchée après la censure du Conseil constitutionnel qui l'avait jugée inopportune dans le dernier budget de la  Sécu. Le contrat d'engagement de service public (CESP) sera étendu à tous les étudiants en santé. Enfin, les praticiens à diplôme hors Union européenne seront appelés en renfort, avec la création d'une carte de séjour talent-professions médicales, valable jusqu'à quatre ans, que le Gouvernement envisageait au départ d'intégrer à son projet de loi sur l'immigration.
[avec AFP] 

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