Ils saluent quelques mesures "positives" et "attendues", mais dénoncent surtout des engagements "insuffisants". Les syndicats et représentants du monde de la santé ont vivement réagi aux propositions formulées par Gabriel Attal, mardi 30 janvier, lors de son discours de politique générale. Devant les députés, le Premier ministre a détaillé les priorités de son nouveau Gouvernement, affirmant notamment vouloir "réarmer notre système de santé". Parmi les mesures avancées, un possible rétablissement de l'obligation de garde pour les médecins libéraux, le recrutement de praticiens à l'étranger ou la volonté de faire payer les patients qui ne se présentent pas à leurs rendez-vous médicaux.
Du côté des médecins libéraux, la Confédération des syndicats français (CSMF) salue la volonté de Gabriel Attal de renforcer l'accès aux soins. "Serait-ce enfin le signe que le Gouvernement entend nos concitoyens qui n’en peuvent plus de voir leur système de santé se dégrader faute de moyens ?", lance la Confédération, dans un communiqué. Cette dernière approuve notamment la mise en place d'une "taxe lapin" pour les patients, la régularisation des médecins étrangers – également promise par le Premier ministre dans son discours -, ainsi que la nécessité d'ériger la santé mentale comme "cause nationale".
Ces mesures restent toutefois insuffisantes pour la CMSF qui appelle le Gouvernement à "pass[er] des paroles aux actes". "Hiérarchisation des consultations, valorisation du forfait patient médecin traitant, forfaits file active pour les autres spécialités, valorisation des actes techniques gelés depuis 30 ans, attention particulière pour les médecins en cumul emploi retraite mais aussi et surtout simplification et prise en compte de la qualité de vie de nos jeunes médecins sont les clés du succès", liste la Confédération, dénonçant la possible restauration d'une obligation de garde
Communiqué de presse
— CSMF_officiel (@CSMF_officiel) January 31, 2024
Monsieur le Premier Ministre, passons des paroles aux actes!https://t.co/3Z8OCobJqo
Devant l'hémicycle, le Premier ministre a, en effet, avancé l'idée d'un rétablissement des "obligations de garde pour les médecins libéraux en soirée ou le week-end dans leur cabinet, à l'hôpital ou en maison de santé". Supprimée depuis 2003, une telle obligation pourrait être rétablie dans les départements n'ayant pas mis en place, dès cet été, de services d’accès aux soins.
Cette annonce est également dénoncée par le Syndicat des médecins libéraux (SML). Dans son communiqué, l'organisation assure que la mise en place de gardes obligatoires "aurai[ent] deux conséquences dramatiques : faire "déplaquer" les médecins retraités actifs et dissuader la jeune génération de s'installer tant qu'elle a des problèmes de garde d'enfants". Concernant la "taxe lapin", celle-ci est "largement attendue par le SML", mais "encore faudrait-il que les médecins en soient les bénéficiaires", souligne le syndicat. "Les rendez-vous non honorés retardent la prise en charge de patients qui auraient pu prendre ces créneaux, et constituent une perte pour les médecins. Si nous étions avertis suffisament à l'avance nous pourrions réattribuer ces rendez-vous, y compris aux soins non programmés !"
L'Union française pour une médecine libre (UFML-S) a également réagi aux annonces du Premier ministre. Sur X (anciennement Twitter), son président, le Dr Jérôme Marty, a fustigé l'annonce de "mesures bricolage" et de "poudre aux yeux". Sur la question des obligations de garde, le syndicaliste a également tenu à rappeler au Gouvernement que "les médecins libéraux ne sont en rien des salariés de la fonction publique", "qu'ils assurent une PDSA [permanence des soins ambulatoires, NDLR] sur la majeure partie du territoire" et que les praticiens "qui n'assurent pas de gardes sont souvent les plus âgés, et ceux là ont assuré ce service des années durant".
Discours de politique générale de Gabriel #Attal
— DrMartyUFML-S (@Drmartyufml) January 30, 2024
Méconnaissance des dossiers , mesures bricolage, et poudre aux yeux, l’UFMLS dénonce une incapacité à se saisir de la situation de notre système sanitaire.
Si nous saluons deux mesures attendues:
· La sanction… pic.twitter.com/uW3QNlNqOs
Le président de l'UMFL-S s'est aussi exprimé sur l'annonce de l'envoi, par le Gouvernement, d'un émissaire chargé d'aller chercher à l’étranger des médecins qui voudraient exercer en France, mais aussi de faire revenir les étudiants français partis à l’étranger. "L’UFMLS aurait souhaité l’interrogation du Premier ministre sur le motif de cette expatriation [d'étudiants français partis à l'étranger, NDLR], l’annonce de l’arrêt du massacre des étudiants par le système PASS-LAS aux oraux ubuesques et inégalitaires, et l’engagement à rendre les études médicales moins assassines alors qu’un interne se suicide tous les 18 jours", a-t-il tonné.
Côté jeunes médecins généralistes, on salue quelques mesures "positives", "comme la régularisation des médecins diplômés à l'étranger ou la refonte du dispositif "Mon soutien psy".
Le syndicat ReAGJIR pointe toutefois des annonces qui, dans l'ensemble, font "pâle figure face aux difficultés majeures du système de santé". Dans un communiqué, il insiste sur la nécessité de répondre à des besoins multiples, avec notamment un "investissement massif dans la santé, au-delà des 32 milliards déjà prévus et budgétisés dans la loi de financement de la Sécurité sociale" et un "soutien aux médecins de ville, premier rempart du système de soin." Sur ce dernier point, "les assistants médicaux [ne sont] pas une solution miracle", glisse l'organisation, répondant ainsi à l'accélération du passage de 6 000 à 10 000 assistants médicaux souhaitée par Gabriel Attal.
Après ces annonces, les acteurs hospitaliers se sentent, eux, délaissés. "Si [ce] discours fait certes référence à la santé, il ne contient aucune annonce concernant le monde hospitalier, et marque un décalage entre son contenu et la réalité vécue au quotidien par les acteurs de la santé", note la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), dans un communiqué. "Je regrette que des sujets que nous sommes nombreux à porter - la pluriannualité, la prévention, le Service Public de Santé – aient été oubliés. Je regrette plus encore que les difficultés rencontrées par les acteurs de santé, et par l’hospitalisation privée, n’aient pas été entendues", appuie le Dr Lamine Gharbi, président de la Fédération.
Sur X, Arnaud Robinet, président de la FHF, a également exprimé son "inquiétude" quant à "l'absence de réponse à l'urgence budgétaire pour les CHU et CH, de même pour le grand âge ou la prévention".
Annonces de @GabrielAttal : je salue les mesures utiles annoncées (santé mentale, services d'accès aux soins), mais l'inquiétude est grande devant l'absence de réponse à l'urgence budgétaire pour les #CHU et #CH, de même pour le Grand Âge ou la prévention. #hopitalpublic https://t.co/vZsxeDy60e
— Arnaud Robinet (@ArnaudRobinet) January 30, 2024
Dans un communiqué, la FHF a ainsi exprimé "sa grande préoccupation concernant quatre sujets fondamentaux", dont la question de l'Aide médicale d'Etat. Lors de son discours, Gabriel Attal a, en effet, annoncé vouloir réformer l'AME "avant l'été", et ce "par voie réglementaire". La FHF a alors tenu à rappeler que "l'AME doit rester exclusivement un outil au service de la santé publique, sans affaiblissement ni dévoilement", avant de préciser que "la communauté hospitalière et hospitalo-universitaire souhaite être étroitement associée au projet de réforme".
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