JO de Paris 2024 : "On nous a dit qu'on n'avait pas besoin de l'aide des médecins libéraux"
Médecin du sport à Ozoir-la-Ferrière en Seine-et-Marne, le Dr Marc Rozenblat est co-coordonnateur du groupe de travail "Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024" au sein de l’URPS des médecins libéraux d’Ile-de-France. Le praticien, qui est également président du Syndicat national des médecins du sport-santé, déplore l'absence de la médecine libérale dans l'organisation sanitaire des Jeux olympiques et paralympiques (JOP).
Egora : Quel est le rôle de ce groupe de travail "JOP" que vous co-coordonnez avec le Dr Philippe Pizzuti ?
Dr Marc Rozenblat : Ce groupe de travail a été créé il y a environ neuf mois par l'Union régionale des professionnels de santé et des médecins libéraux (URPS) d'Ile-de-France pour proposer aux organisateurs des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) l'accompagnement des médecins libéraux dans leur organisation. Nous avions vu qu'il y avait l'accompagnement de services hospitaliers, nous nous sommes donc dit que les médecins libéraux d'Ile-de-France pouvaient également les accompagner dans cette belle aventure.
C'était une demande à la fois des médecins du sport de l'URPS, mais aussi une volonté du bureau. Nous avons, dans un premier temps, questionné tous les médecins libéraux d'Ile-de-France pour savoir s'ils étaient potentiellement disponibles pour apporter de l'aide à l'organisation. Nous avons eu un grand nombre de réponses. Nous avons alors pris contact avec les structures organisatrices des Jeux et nous avons eu un refus total de l'aide que nous proposions. En tant que médecins libéraux, ils n'avaient pas besoin de nous. Ce refus venait essentiellement de l'Agence régionale de santé (ARS), mais aussi de l'organisation des JOP. Tout était organisé sans nous, avec l'argument principal selon lequel il n'y avait pas eu de problème sanitaire lors des Jeux olympiques de Londres il y a douze ans. Ils sont donc partis sur la même base en se disant que tout pouvait être géré par l'organisation hospitalière qu'ils avaient mise en place.
Il y a des primes financières pour tous ceux qui restent [dans les hôpitaux, NDLR] pendant cette organisation, à savoir les médecins, les infirmières, les aides-soignantes… De la même manière que sont aidés les conducteurs de métro, les policiers... Mais il n'y a rien pour les médecins libéraux.
Que proposiez-vous ?
Nous avions plusieurs idées, dont une qui me paraissait plutôt sympathique : elle était de dire que les médecins libéraux pourraient avoir des créneaux d'astreinte pour répondre rapidement à la demande sanitaire des visiteurs étrangers présents pendant les JO. Ils seront plusieurs millions ; on ne sait pas trop combien exactement. En cas de problème sanitaire, ils auraient pu se diriger vers les cabinets de ville plutôt que d'aller vers les établissements hospitaliers qui risquent d'être encombrés. Si jamais il y a un attentat, cela risque de poser un souci.
L'autre argument que nous avions était de dire que les visiteurs logeront probablement en grande banlieue et que s'adresser aux médecins du territoire permettait de ne pas devoir se rendre à Paris pour être soigné.
Les astreintes des libéraux auraient pu être, dans l'idéal, rémunérées ou alors réalisées en contrepartie d'une place aux JOP par exemple.
"L'histoire n'est pas finie"
Qu'avez-vous répondu à cette fin de non-recevoir ?
L'histoire n'est pas finie ! Après ce refus, nous avons informé les médecins qu'ils pouvaient prendre leurs vacances aux dates de leur choix et que rien n'était organisé pour les libéraux. Puis au début du mois de juillet, nous avons été contactés par l'organisation médicale des Jeux nous demandant un rendez-vous rapide pour discuter du fait qu'il leur manquait des médecins… Ils avaient besoin de praticiens sur Paris, Lille et Marseille. Nous avons été un peu surpris de cette demande. Nous avons donc transmis l'information en précisant que les médecins recherchés devaient être… bénévoles et volontaires ! Nous avons joué notre rôle de transmission, mais nous ne savons pas combien de médecins ont répondu à l'appel.
Depuis 35 ans que j'exerce la médecine du sport, je me suis toujours battu pour qu'on ait un contrat quand on encadre une compétition sportive. On a un métier qui doit être reconnu et ne doit pas être dévalorisé. Lorsqu'on appelle un plombier pour une fuite, on ne lui demande pas de le faire bénévolement.
Comment réagissez vous lorsqu'on demande aux libéraux d'être bénévoles alors que les hospitaliers, eux, ont une prime ?
C'est une déconsidération totale de notre activité libérale. Lorsque moi, en tant que médecin libéral, je vois 1 000 patients ; seuls un ou deux sont hospitalisés. Les 999 [ou 998] autres, je les gère et l'hôpital ne les voit jamais. Cette déconsidération fait que le métier de médecin libéral n'est plus attractif pour les jeunes. Après c'est en fonction du choix de chacun : il y a surement des jeunes médecins qui accepteront de participer à cette belle expérience même bénévolement. Leur responsabilité civile professionnelle (RCP) sera prise en charge.
Là, ce qui nous a également surpris c'est que nous avions proposé des choses il y a six mois, pour qu'on nous dise "Au secours" trois semaines avant les Jeux. J'espère et je souhaite que tout se passera pour le mieux : je ne dis pas aux médecins de ne pas y aller. Chacun décidera en son âme et conscience.
Comment cela va-t-il se passer pour les médecins libéraux installés en zone rouge ?
Cela pose problème. Ces médecins, pour la grande majorité des cas, vont partir en vacances. Les praticiens auront certes accès à leur cabinet mais comment leurs patients, s'ils n'ont pas les QR codes [ou autres], pourront venir au cabinet ? Les médecins libéraux n'auront aucune facilité d'accès en particulier. Leur caducée de médecin ne permettra rien. Nous aurons toutes les procédures comme tout le monde. Rien n'a été prévu pour les libéraux.
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