Lapsus, boulettes et regrets : le plus médiatique des médecins syndicalistes livre ses meilleures anecdotes

26/09/2020 Par Marion Jort
Personnalités
Membre de la Fédération des médecins de France (FMF) depuis 2002, et président du syndicat pendant neuf ans, le Dr Jean-Paul Hamon a passé la main fin juin. Pour la première année depuis bien longtemps, le médiatique médecin ne sera pas présent aux négociations conventionnelles qui se sont ouvertes la semaine dernière. Habitué de l’exercice, il a également connu de nombreuses luttes, manifestations mais aussi péripéties insolites ! Pour Egora, il livre quelques anecdotes savoureuses. 

  Le syndicalisme, il est entré dedans quand il a compris “qu’on ne pouvait pas gueuler” sans être syndiqué ni “prendre ses responsabilités”. S’il était déjà engagé localement dans son département, c’est l’année 2002 qui l’a définitivement fait tomber dans la marmite de l’engagement public et collectif. Une année qui l’a marqué et qui rassemble certains de ses plus beaux souvenirs. Elle débute avec un mouvement de médecins généralistes inédit. “Le plus important que j’ai jamais connu”, se rappelle-t-il.  “Ça a commencé par une grève des gardes fin 2001, et puis il y a eu la signature d’une convention, par MG France, qui faisait passer la consultation de 17,53 à 18,50 euros… Alors que ça faisait sept ans que les médecins étaient bloqués et que les généralistes réclamaient une consultation à 20 euros, une visite à 30 euros et le volontariat sur les gardes. Ça a fait du remous !”, plaisante le médecin. C’est d’ailleurs ce mouvement qui a d’abord donné lieu à sa négociation la plus… corsée.    La négociation la plus corsée “Il y a eu une grande manifestation à Toulouse parce que l’Assurance maladie voulait déconventionner deux médecins qui appliquaient le tarif de 20 euros, puisque c’est ce qu’on avait donné comme consigne. On voulait donc les défendre et il y avait plus de 2.000 personnes dans la rue. Une délégation de cinq ou six médecins allait être reçue et j’avais décidé de laisser ma place. Quand ils sont sortis, ils nous ont annoncé que le directeur de la caisse ne voulait pas négocier et qu’il souhaitait convoquer son conseil d’administration le lundi suivant. Je leur répondu que je n’allais pas revenir tous les jours à Toulouse et je leur ai demandé où se trouvait le fameux directeur. On est entrés à nouveau dans la caisse… Et heureusement, parce qu’on a constaté, à ce moment, que d’autres manifestants étaient également rentrés et le directeur était coincé, sans possibilité de sortir.

Il était juste protégé par deux petites tables de conférence. Il était complètement cerné, avec son directeur de conseil d’administration, par 200 médecins, qui étaient menaçants. Je suis passé le long du mur, je suis arrivé derrière lui et je lui ai demandé “C’est quoi votre objectif ? C’est de clamser au champ d’honneur ou qu’ils vous démontent la caisse de l’intérieur ? Si vous voulez vous en sortir, vous répétez après moi ‘je gèle les sanctions pendant un mois’”. Tout de suite, il a répété “je gèle les fonctions pendant un mois” ! On lui a sauvé la vie, à lui !  En revanche, l’autre était un syndicaliste qui nous a rétorqué qu’il ne signerait rien sous la menace. Donc je lui ai demandé si c’était nous ou eux qui avaient fait rentrer les assurances au sein du conseil d’administration de la caisse. Après tout, on était là pour défendre la Cnam, pas pour la détruire. Alors, il a dit “ok” pour signer. Les médecins se sont mis à crier “signature ! signature !”. Et à la télé, on a vu le directeur de la caisse à genoux, en train d’écrire sur une table, sous la dictée du Dr Lemeneur. Et moi, j’étais avec un mégaphone pour demander aux manifestants de reculer”.    Réunion improbable  Qui aurait d’ailleurs cru que ces manifestations et sa lutte pour une consultation à 20 euros l’aurait amené à recevoir un appel de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, en personne ? Le Dr Hamon se souvient : “Toujours pareil en 2002, on était à une semaine de la signature. Il y avait une grande manifestation organisée à Bayonne. A la base, on avait déconseillé aux médecins de la faire, mais ils ont insisté pour la maintenir. On avait téléphoné à la caisse et au ministère pour essayer d’annoncer la chose, puisqu’on ne voulait pas de dérapage une semaine avant la négociation. Sauf que ce jour-là, les médecins ont fait un sit-in dans la caisse et ils se sont fait tabasser, assis, par les CRS. Comme on avait rendez-vous à la Cnam le lendemain matin, on a décidé de ne pas y aller et de faire, à la place, à Paris, une conférence de presse. Pendant une interview en direct à la radio, j’ai dit qu’on avait en France de curieuse façon de traiter les problèmes de santé. J’ai dit : “Edouard Vaillant, ministre de l’Intérieur de gauche, fait tabasser les infirmières devant son ministère. Et Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur de droite, fait tabasser les médecins assis à Bayonne”. Sauf qu’après ça, j’ai eu un coup de fil de Nicolas Sarkozy… en personne ! Il m’a dit “Ecoutez, je viens d’entendre vos propos. Je n’étais pas là hier, j’étais à Rome”. Je lui ai demandé comment il était au courant, il m’a répondu qu’il lisait les journaux. Je lui ai expliqué que nous ne souhaitions pas cette manifestation et que nous avions tenté de la décaler tout en prévenant les acteurs. A ce moment-là, il m’a dit “J’ai une heure devant moi avant le conseil des ministres, si vous voulez je peux vous recevoir Place Beauvau. On s’est déplacés là-bas, tout en prévenant la presse.

On a été reçus par Nicolas Sarkozy et Claude Guéant, qui a commencé par nous lire son rapport d’intervention et parlait de “médecins alcoolisés”. On s’est défendus en lui demandant s’il nous lisait un rapport qui concernait les médecins ou les CRS. Nicolas Sarkozy nous a dit que nous n’étions pas là pour nous faire la guerre et qu’il ne souhaitait plus qu’une manifestation soit organisée sans qu’il ne soit prévenu et que les autorités sachent combien de personnes étaient prévues. Avant de sortir, il me dit : “Je crois qu’il y a les caméras, est ce que ça vous ennuierai qu’on se serre la main ?”. On s’est donc tous serrés la louche les uns après les autres !”   Le plus gros lapsus  Enfin, il fallait bien qu’un tel engagement implique une petite boulette… Propulsée devant les médias, c’est devant... les télévisions, en direct, que le Dr Hamon a réalisé une grosse contrepèterie…  “Au moment où MG France a signé, on s’est vite retrouvés à cinq meneurs, répartis par grandes régions pour les médias et moi j’étais responsable de l’Île-de-France. Ce mouvement s’est terminé au bout de six mois par une négociation conventionnelle. Le jour de la négociation, on s’est réunis avec les Drs Duquesnel, Guenebeaud, Rheby et Leveneur dans un troquet à côté de l’Assurance maladie. Quand on est sortis, on a vu que tous les médias étaient là, il y avait des journalistes partout, des camions avec des antennes dessus… On s’est marrés, on s’est dit qu’il y avait plus de monde que lorsque Loana est sortie du loft ! Tous les micros se sont tournés vers moi pour me demander ce que nous ne souhaitions plus… La réponse, c’est que nous ne voulions plus de rapport de force avec les caisses. Mais, au lieu de dire ça, j’ai sorti : “nous ne voulons plus de rapport de fesses avec les Corses”, une contrepèterie que nous avions déjà fait plusieurs fois entre nous en espérant que ça ne sorte pas devant les journalistes… Raté, et c’était en direct à la télé ! On est partis dans un fou rire. J’étais bon pour le zapping !”

  Près de 20 ans de combat et de victoires Un peu nostalgique de l’année 2002, le Dr Hamon ne cache pas son amertume de n’avoir jamais pu retrouver de mouvement similaire chez les généralistes depuis toutes ces années :  “On a eu des petits trucs à droite à gauche, le 20 et 30 euros c’est ce qu’on a obtenu avec la coordination et on n'a jamais obtenu un équivalent depuis. La dernière convention, j’ai obtenu le fait qu’il y ait quatre euros de plus aux Antilles pour les aligner sur la consultation de la Réunion. J’ai aussi obtenu qu’il y ait la cotation frotti + consultation. Mais aussi, la mise en place de commissions de conciliation. Tout ça ne sont pas des victoires, ce sont des avancées. Ce qui a été décevant dans le syndicalisme, c’est la passivité des médecins. Quand je suis arrivé, on avait été portés par ce mouvement de 2002. On avait imaginé qu’il y aurait un grand mouvement de généralistes ensuite. On est entrés à la FMF parce que c’était un syndicat possible à prendre. Or, j’étais déçu que Luc Duquesnel qui était avec nous soit resté à la CSMF et pareil pour les autres. D’autres ont créé “Espace généraliste” et j’ai mis sept ans à les faire fusionner avec nous. Pour moi, la division syndicale c’est la grande faiblesse des médecins. Je suis triste de voir que le Bloc s’est créé. Ensemble on est forts, à plusieurs on est faibles.”    Le regret  Médiatique, habitué des plateaux de télévisions et des radios, le Dr Hamon explique pourtant que ce n’est pas parce qu’il aimait cela qu’il y passait du temps. “Les gens ont souvent pensé que j’aimais montrer ma bobine à la télé ou la radio. En fait, j’ai simplement appliqué un conseil d’un ami : “ Il faut rendre service aux journalistes quand on n'a pas besoin d’eux…” pour qu’on puisse s’en servir quand nous, nous en avions besoin”. 

  Accessoire préféré Pancartes, flyers, mégaphone… des manifestations il en a connu ! Mais l’accessoire qui a le plus marqué le Dr Hamon, c’est un t-shirt ! “Il me sert de chemise de nuit ! C’est un t-shirt qui date de l’époque de ces manifs où il y a marqué ‘Médecin en RTT’. Je peux vous dire qu’il a fait son effet celui-ci !”, plaisante-t-il.  

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