Dans un entretien au JDD, dimanche 17 novembre, la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a déclaré être favorable à une levée du secret médical pour protéger les victimes des violences de leur compagnon. Pour les praticiens, cette mesure risquerait de briser la confiance qu'ils entretiennent avec leurs patientes. "Il est nécessaire de dépasser le secret médical. Ça fait appel à l'éthique du médecin : s'il voit qu'une femme se fait massacrer, ça me choquerait qu'il ne le dise pas", a indiqué Nicole Belloubet, dimanche, au JDD. En juin dernier, la garde des Sceaux avait demandé un rapport à l'Inspection générale de la justice (IGJ) sur les homicides conjugaux. L'IGJ avait pour mission de procéder à un état des lieux portant sur les dossiers, jugés définitivement, concernant des faits d'homicides liés à des violences conjugales commis en 2015 et 2016. Dévoilé par Nicole Belloubet, ce rapport montre que "près des deux tiers des victimes avaient subi des violences conjugales antérieurement à l'homicide". Et 41% des victimes avaient déjà signalé des violences aux forces de l'ordre. L'IGJ pointe notamment du doigt le signalement par les professionnels de santé insuffisant, le manque de suivi des auteurs condamnés pour violences conjugales, ou encore le suivi non systématique de faits de violences antérieurs aux agissements criminels trop souvent traités en mains courantes. L'Inspection générale de la justice a alors émis 24 recommandations, dont la remise en cause du secret médical en modifiant l’article 226-14 du Code pénal. Dimanche 17 novembre, Nicole Belloubet s'est positionnée en faveur de cette mesure, même sans l'accord de la victime, "notamment pour résoudre les situations dans lesquelles la victime ne peut pas saisir la justice, et si c'est une possibilité offerte au médecin". Mais pour bon nombre de praticiens, cette mesure n'est qu'un moyen de détourner l'attention du véritable problème : l'insuffisance des réponses judiciaires face aux violences conjugales. Avec la levée du secret médical, les professionnels de santé craignent que leurs patientes ne se sentent plus protégées par la confidentialité.
Absolument d'accord avec vous @lazimigilles.
Lever le secret c'est laisser entendre aux femmes
1° qu'elles ne sont pas autonomes
2° qu'elles ne sont plus protégées par la confidentialité
3° que les médecins sont des auxiliaires de police
C'est une très mauvaise idée. https://t.co/thlyUuPY8K— (((MartinWinckler))) (@MartinWinckler) November 18, 2019
Interrogée par Franceinfo, Emmanuelle Piet, médecin de la protection maternelle et infantile (PMI) et présidente du Collectif féministe contre le viol (CFCV), redoute qu'une telle mesure ne fasse qu'accentuer la vulnérabilité des victimes de violences conjugales. "Si elle avait l'habitude de venir se confier et qu'elle se met à avoir peur que l'on parle, elle ne viendra plus. Et là, cela devient dangereux", a-t-elle expliqué.
Dans une tribune publiée lundi sur le site de l'Obs, une soixantaine de médecins ont formulé des pistes pour repérer et prévenir les violences conjugales. Contre la levée du secret médical, ils demandent à être considérés comme une "personne ressource", "un premier recours de la femme victime" et souhaitent également que les médecins soient mieux formés aux dispositifs de repérage. [avec le JDD et Franceinfo]
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