Violences gynéco : un rapport confirme l'ampleur des dérives

29/06/2018 Par Jessica Lopez

Examens brutaux, paroles déplacées : les actes sexistes subis par les femmes durant le suivi gynécologique et obstétrical ne sont "pas des faits isolés" et appellent à une "prise de conscience" des pouvoirs publics, conclut vendredi un rapport au Haut conseil à l'Egalité entre les femmes et les hommes, commandé par la secrétaire d'Etat Marlène Schiappa.

  "La meilleure contraception, c'est de fermer les cuisses", "si je vous fais mal, c'est parce que vous êtes trop grosse", "un stérilet à 28 ans ? Il serait plutôt temps de penser à un enfant": au cours des derniers mois, de nombreux témoignages de femmes ont fait émerger la question des "violences obstétricales et gynécologiques" subies dans l'intimité d'une consultation médicale ou lors de l'accouchement. Au coeur de l'été 2017, la commande d'un rapport au Haut conseil à l'Egalité entre les femmes et les hommes par la secrétaire d'Etat Marlène Schiappa pour "objectiver ce phénomène" avait soulevé l'ire des praticiens, s'insurgeant contre un "gynéco-bashing". "Bien que, à l'évidence, tous les professionnels de santé ne sont pas auteurs d'actes sexistes, les chiffres et les témoignages attestent d'un phénomène relativement courant dans le suivi gynécologique et obstétrical des femmes", a déclaré à l'AFP Danielle Bousquet, la présidente du HCE, avant la remise du rapport à Mme Schiappa. Après des auditions de sages-femmes, gynécologues, chercheurs, militantes ou directrice d'hôpital, l'institution souhaite une "prise de conscience" des professionnels et des pouvoirs publics et propose 26 recommandations pour "prévenir (ces actes), faciliter leur signalement et les condamner". En premier lieu, réaliser une enquête de santé publique pour en déterminer l'ampleur réelle et informer les femmes de leurs droits en lançant une campagne d'information. Ces actes, "des plus anodins en apparence aux plus graves, sont le fait de soignants de toutes spécialités qui n'ont pas nécessairement l'intention d'être maltraitants", poursuit le Haut conseil, les classant en six types : non prise en compte de la gêne d'une patiente ; propos porteurs de jugements sur la sexualité, le poids, le désir d'enfant ; injures sexistes ; actes exercés sans consentement ; refus d'actes ; violences sexuelles. Parmi les nombreux témoignages, le recours sans consentement à l'épisiotomie a été particulièrement pointé du doigt. En France, près d'un accouchement sur cinq donne lieu à une épisiotomie, et dans un cas sur deux, la femme déplore l'absence d'information. D'une maternité à l'autre, sa pratique est très variable : de 0,3% à 45%, là où l'Organisation mondiale de la Santé préconise un taux à 10%. Ainsi, "pour une plus grande transparence", le HCE propose de rendre publiques les données par maternité (épisiotomie, césarienne, déclenchement). Un entretien post-natal, obligatoire et pris en charge par la Sécurité sociale, pourrait également permettre "d'améliorer les pratiques" et de libérer la parole. Selon ses calculs, une femme aura en moyenne une cinquantaine de consultations gynécologiques et obstétricales (frottis, renouvellement de contraception, interruption volontaire de grossesse, consultation pré et post accouchement...) entre ses 15 et 45 ans, soit plus que pour d'autres suivis médicaux. Or, le caractère particulièrement intime de ces consultations est "souvent insuffisamment pris en compte". "La formation des professionnels est centrée sur la technique au détriment de la relation humaine, et l'obligation légale d'une formation sur les violences sexistes insuffisamment déployée", pointe-t-il. Citée dans le rapport, la ministre de la Santé Agnès Buzyn estime d'ailleurs que la "formation médicale est encore très paternaliste et autoritaire". Mais pour que les pratiques changent, encore faut-il "allouer des moyens humains et financiers au secteur de la santé, et en particulier dans les maternités", estime le HCE. En 40 ans, alors que le nombre de naissances annuelles reste stable autour de 800 000, le nombre de maternités est passé de 1 747 à 517. Cette diminution, souvent de petites structures au profit de maternités de grande taille, est "vécue par les sages-femmes et les médecins comme un véritable frein à une relation bientraitante" et à "une détérioration des conditions de travail dans le champ gynécologique et médical", conclut-il.

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