Décoré de la Légion d'honneur à 80 ans : les confidences d'un médecin de campagne resté au chevet de ses patients pendant le Covid

07/01/2021 Par Louise Claereboudt
Témoignage
A un mois de fêter ses 80 ans, le Dr Alain Branchereau, médecin généraliste à Einvaux, en Meurthe-et-Moselle, a été promu début janvier chevalier de la Légion d’honneur, la plus haute distinction française, parmi pléthore de chefs de services. Une fierté pour ce praticien “à l’ancienne mode” qui n’a pas cessé d’exercer au cœur de l’épidémie de Covid-19, et ce malgré les risques encourus et les avertissements de ses proches. Portrait.

  “Ma famille et mes amis disent que je m’occupe plus de mes patients que d’eux-mêmes… Bon, ce n’est pas tout à fait faux”, plaisante le Dr Alain Branchereau que rien ne semble pouvoir arrêter, pas même son épouse et ses trois enfants. A l’approche de ses 80 ans, le généraliste installé dans un petit village de Lorraine ne s’accorde aucun répit. Dans son cabinet, qui a trouvé place dans l’ancienne ferme qu’il habite, ou à l’hôpital de Lunéville où il effectue des gardes le week-end, l’homme voit défiler les patients tous les jours. “Je suis un généraliste à l’ancienne mode, se définit le Dr Branchereau. C’est-à-dire qui est très à la disposition de ses patients, en permanence.” Comme lorsqu’il déambule dans les musées pour admirer les tableaux ou les sculptures, ou lorsqu’il se plonge dans les bouquins, le généraliste passionné d’art et de littérature aime prendre son temps en consultation. “Quand j’exerçais à Saint Max, dans la banlieue de Nancy, 1968 à 1998, mon associé voyait au minimum deux patients quand je n’en voyais qu’un. Il me disait souvent : ‘Alain, c’est évident, toi tu les écoutes !” se souvient-t-il.

Avec humour, le médecin de Einvaux (Meurthe-et-Moselle) l’assure : s’il prend son temps, ce n’est pas pour fuir son épouse, mais il lui est tout simplement impossible d’expédier ses patients qui, pour bon nombre, sont aussi devenus des amis, dans la vie de tous les jours ou sur les réseaux sociaux, qu’il consulte quotidiennement. C’est tout naturellement ému qu’il a donc répondu à la centaine de messages de félicitations qu’il a reçus après que la nouvelle de sa Légion d’honneur s’est répandue. “La décoration en elle-même, je ne vais pas faire le faux modeste, j’en suis fier. Et, dans un certain sens, je pense que je la mérite”, confie le Dr Branchereau. Pourtant, lorsque la préfecture lui avait proposé, au mois de février, de constituer un dossier pour recevoir cette décoration, il avait décliné l’offre. “J’avais refusé parce que je pensais que je faisais mon travail du mieux possible, évidemment, mais que ça ne justifiait pas la Légion d'honneur à côté de véritables héros.” Lorsqu’il reçut en juin dernier une relance de la préfecture, le médecin s’était décidé à accepter. “En février, quand j’avais décliné la proposition, mes petits-enfants avaient été absolument dépités”, se rappelle-t-il. Sans nouvelles depuis, le médecin pensait donc que l’histoire était tombée à l’eau. Il n’avait d’ailleurs pas cherché à en savoir plus. Lui, travailler pour les honneurs ? “Quand on me connait, on sait que c’est pas du tout le cas !” Au premier jour de cette nouvelle année, le vieux médecin a donc appris la nouvelle par un ami. “Image idéalisée du médecin” Fils d’une pharmacienne, Alain Branchereau a toujours rêvé de faire de la médecine générale, pour l’amour des autres avant tout, et pour la diversité des pathologies abordées. Le jeune homme a grandi avec l’image d’un oncle, le Dr Charle, mort à Dachau, en Allemagne, pendant la Seconde Guerre mondiale après avoir soigné des résistants. “J’entendais toujours parler de lui par ma grand-mère maternelle. Pour moi, ça a donné une image idéalisée du médecin. Il avait aussi caché des résistants et il ne s’était pas posé de questions.” C’est avec la même évidence que le médecin de campagne, diplômé de la faculté de Nancy à la fin des années 60, a continué d’assurer ses consultations et ses visites à domicile lors de l’épidémie de Covid-19, malgré son âge avancé. Au grand dam de ses proches. “T’es vraiment con”, lui ont lancé certains de mes amis. Pas de quoi le faire changer d’avis. “Je n'ai jamais fait que ce que je voulais dans ma vie, donc je n’ai écouté personne”, ricane le nancéien d’origine, qui ajoute : “Ça me paraissait être mon devoir, comme disait ma grand-mère.”

Appréhendait-il tout de même d’exercer dans ces conditions inédites ? “Je peux pas dire que j’ai été inquiet. Ce n'est pas ma nature. Je savais que je risquais quelque chose”, avoue-t-il, assurant avoir été très prévoyant en gardant des masques, des blouses et du gel hydroalcoolique datant de la précédente grosse épidémie de grippe. Le risque en tête, cela ne l’a pas empêché de se rendre au chevet des malades du Covid. “J’ai pris les choses en charge complètement, c’est-à-dire que je ne conçois pas que l’on traite un malade Covid par téléphone. Moi, je vais auprès de mes patients pour les examiner et décider du traitement.” Si bon nombre de ses confrères et des personnes qu’il a soignées le jugent courageux, Alain Branchereau conteste ce qualificatif élogieux. “Quand on dit à mon épouse que je suis courageux, elle leur répond ‘Il n’est pas du tout courageux, c’est parce que ça lui plaît !’ Et elle a entièrement raison, pouffe le généraliste. Pour moi, c’est un bonheur de travailler, de continuer à être en relation avec mes patients, de pouvoir les aider.”

Depuis fin avril, il utilise d’ailleurs un traitement qu’il juge “très efficace”, à base notamment d'azithromycine, de zin, d'anticoagulants, loué par son confrère, le Dr Jean-Jacques Erbstein, dans un article du journal local, l’Est républicain, et menacé de poursuites par l’Ordre. “J’ai eu des résultats remarquables”, assure le Dr Branchereau qui indique n’avoir eu à déplorer aucun décès et aucune hospitalisation sur les quelque 80 patients Covid qu’il a été amené à soigner jusqu’ici. “En manque de soins” Si on l’imagine difficilement faire autre chose que de soigner, le praticien avait pourtant pris sa retraite en 1998, bénéficiant d'une mesure d’incitation à la cessation d’activité (MICA). “J'ai pris le MICA parce que j’avais eu des problèmes de santé. J’avais déjà été hospitalisé deux fois pour avoir des stents. Et puis, j’avais une grosse patientèle, c’était très fatiguant.” Pendant dix ans, il avait quand même continué à travailler à mi-temps à la mairie de Nancy dans le social au Centre communal d’action social (CCAS) et avait même obtenu un certificat de gérontologie. Mais en 2009, quand le Gouvernement a fait marche-arrière voyant le nombre de généralistes chuter et s’est décidé à autoriser les médecins retraités à se réinstaller, le Dr Branchereau “en manque de médecine de soins”, a saisi l’occasion. Après 30 ans passés en ville, en banlieue nancéienne, dix ans au CCAS et plusieurs stages de remise à niveau, cet éternel infatigable a donc ouvert son cabinet dans la vieille ferme qu’il a fait retaper à l’ancienne. Les années ont passé mais rien n’a véritablement changé. Et le Dr Branchereau n’envisage pas de remettre la blouse au placard de sitôt. “J’espère continuer encore au moins cinq ans, explique-t-il, la voix pleine de vivacité. Je me sens bien physiquement, et apparemment intellectuellement tout va bien aussi (rires).”  

Limiter la durée de remplacement peut-il favoriser l'installation des médecins ?

François Pl

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Non

Toute "tracasserie administrative" ajoutée ne fera que dissuader de s'installer dans les zones peu desservies (et moins rentables)... Lire plus

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