"Il faut investir dans l'ambulatoire, pour moins utiliser l'hôpital"

15/09/2017 Par Catherine le Borgne
Syndicalisme

MG France vient de clore un colloque sur les soins primaires, qu'il souhaite "en marche". Son président Claude Leicher, soutien l'idée d'un fonds de financement pour les innovations organisationnelle, proposé par la CNAM et qui permettrait de moderniser les soins primaires "point faible" de notre système de santé, alors que l'hôpital sur utilisé, est à bout de souffle.

  Parmi les éléments de la stratégie de la santé, progressivement dévoilée par Agnès Buzyn, quels sont les points qui intéressent le plus MG France ? Dr Claude Leicher. La ministre a dit beaucoup de choses, mais avant tout, elle a repris les orientations dessinées par Emmanuel Macron, tant en matière de prévention que de doublement des maisons de santé, qui sont actuellement 1000. J'ai aussi lu les termes de "responsabilité territoriale". Et j'ai également noté que parmi les propositions émises par la CNAM, il y a la création d'un fond de financement pour les innovations organisationnelles. Tout ceci me semble aller dans la direction que nous proposons, permettant de donner aux acteurs de terrain, la capacité de s'organiser entre eux. Il faut que les acteurs des soins primaires autour du généraliste traitant, les soins secondaires de ville ainsi que le secteur social et médico-social, la PMI, la santé scolaire et la santé au travail, œuvrent à la bonne utilisation du troisième secteur de soins, qui est le secteur hospitalier. Aujourd'hui, la situation est celle d'un excès d'utilisation de ce troisième secteur, donc d'un excès de dépenses et ceci de manière délibérée. Le secteur hospitalier dépense beaucoup parce qu'il est utilisé à tort et à travers. Si l'on veut changer cela, il faut commencer par bien utiliser le secteur ambulatoire où les soins primaires sont le point faible, tant sur le plan de la démographie que sur celui des investissements financiers qui lui sont consacrés. Les soins primaires autour du médecin généraliste ne font pas l'objet d'un investissement suffisant qui nous permettrait par exemple, l'assistance d'un secrétariat ou d'un assistant de cabinet médical. La convention médicale prévoit pourtant un certain nombre de forfaits, allant dans ce sens. Oui, il y a le forfait médecin traitant, le forfait patientèle, mais il s'agit surtout d'une forme de rattrapage de la rémunération du médecin. Le forfait structure prévu pour cela, pourrait aller jusqu'à 5 000 euros si on remplit toutes les conditions, mais on est encore vraiment loin du compte. Nous sommes aujourd'hui confrontés à la nécessité de moderniser l'ambulatoire notamment au niveau des soins primaires, et c'est pour cela que la proposition de l'assurance maladie, de création d'un fonds d'investissement pour l'innovation organisationnelle me semble intéressante. Les soins primaires ont déjà innové en créant les maisons pluriprofessionnelles, les maisons médicales de garde, il doit maintenant aller vers l'organisation territoriale des soins primaires et des soins ambulatoires en général. Il faut moins utiliser l'hôpital si on veut mieux l'utiliser. Comment ? Si on veut aller dans cette direction, c’est-à-dire financer à la fois l'innovation et la réorganisation de sons ambulatoires et l'investissement sur les soins primaires, il faut décider de réorienter des masses économiques dans cette direction-là. Et en même temps, il faut que les acteurs sur le terrain soient en capacité de le faire. Ce qui représente un challenge difficile car les médecins généralistes sont surchargés de travail. Mais en même temps, il va y avoir un enjeu et il nous appartiendra, nous professionnels de santé, d'organiser notre champ d'activité dans le territoire, de faire des propositions aux pouvoirs publics et donc aux ARS.  Ce n'est pas parce que l'Etat veut organiser les choses, qu'elles se passeront bien. Elles ne se passeront bien que si les professionnels de santé et les structures, se mettent à se parler pour s'organiser, territoire par territoire.  Avez-vous chiffré le montant de ce fonds d'intervention ? Tout dépend de la vitesse à laquelle le gouvernement est décidé d'avancer. S'il veut aller très vite c'est environ 2 à 3 milliards d'euros qu'il faudra, non pas dépenser en plus, mais déplacer.  Si le gouvernement veut avancer de manière pragmatique, en s'appuyant sur les professionnels de terrain, on peut être sur une montée ne charge beaucoup plus progressive. Ce qui m'intéresse, c'est le principe et la direction. Cela va aussi dépendre de la motivation. Est-ce que l'administration se positionnera à côté, en soutien des professionnels sur le terrain ? Vont-elles au contraire, vouloir continuer à créer des structures administratives, comme les plateformes territoriales d'appui (PTA), les MAIA (maison pour l'autonomie et l'intégration de malades d'Alzheimer), les CLIP, tous ces trucs qui coutent très cher et qui font assez peu de chose ? Si une PTA existe déjà, il faudra rapatrier les moyens sur les professionnels du territoire, de telle sorte qu'ils dimensionnent eux-mêmes ce dont ils ont besoin. Ce qui veut dire qu'on est plus sur un déplacement de moyens, que sur des dépenses supplémentaires, même si, dans un premier temps, il faudra investir et donc dépenser un petit peu plus. S'il s'agit de déshabiller Pierre pour habiller Paul, il y aura des perdants dans ces transfert, non ?   Je donne un exemple. Nous allons probablement atteindre les 20 millions de passages aux urgences cette année. Tout le monde est d'accord pour dire qu'il y a environ 80 % de ces passages qui pourraient être gérés autrement, il y a environ 20 % d'hospitalisation dont 5 % d'urgences vraies. Il y a deux manières d'organiser autrement cette masse de 80 % : certains disent qu'il faut interdire l'accès aux urgences. Je pense que cette proposition n'est pas très opérationnelle. En revanche, je propose que des médecins généralistes, au sein de maisons médicales de garde souvent proches ou au sein même de l'hôpital, puissent organiser l'accueil des urgences. Il s'agira alors d'un service d'accueil et d'orientation. Et dans ce cas-là, moi médecin généraliste, je renverrai beaucoup plus facilement les patients vers leur médecin traitant, à condition que les médecins généralistes puissent s'organiser entre eux sur le territoire. Il faut que les médecins puissent accueillir ces patients et il y a déjà des expérimentations qui vont dans ce sens, où dans le cadre de l'expérience PAIS, des médecins généralistes libèrent à tour de rôle des créneaux horaires dans leur journée, pour accueillir ces patients. Cela ne peut se concevoir qu'à l'échelle d'un territoire. Il faut aussi que les médecins qui participent, n'y perdent rien y compris s'il n'y a personne durant les créneaux horaires libérés. La CSMF et le SML semblent sensibles à la main tendue de la nouvelle ministre de la Santé et envisagent d'enterrer la hache de guerre. MG France se réjouirait-il de l'arrivée de nouveaux partenaires conventionnels ? Premièrement, je n'ai jamais réellement visualisé cette hache de guerre dont tout le monde parle. Deuxièmement, la convention d'août 2016 n'a pas varié d'un millimètre depuis ma signature. Donc, ce qui n'était pas bien en août deviendrait bien aujourd'hui, sous un nouveau gouvernement ? C'est ce que j'appelle de la politique politicienne. La gestation aura duré 13 mois. Et je serai le plus heureux des présidents de syndicat si cette convention qui n'a pas bougé d'un iota et qui défend la médecine générale, accueille demain de nouveaux soutiens. 

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