“Depuis quelques semaines, je reçois plein de messages… Ça va d’étudiants en première année jusqu’à des internes, qui sont très fatigués, isolés, qui ne voient personne. Il y a quelques jours, j’ai fait des questions/réponses sur mes réseaux sociaux et j’ai reçu des centaines de messages me demandant ce qu’il fallait faire quand on a des idées noires, comment aider des personnes qui parlent de suicide, comment accompagner un étudiant qui sort d’hospitalisation après une tentative de suicide… Moi, je ne peux pas faire grand-chose, j’essaie de les rediriger du mieux que je peux mais ça devient très difficile pour beaucoup. Ils sont clairement en détresse. Même si cela existe beaucoup en médecine, je ne m’attendais clairement pas à autant d’idées noires, à autant de personnes en détresse.
Il faut en plus rajouter plusieurs choses à cela : la détresse financière, car beaucoup ont perdu leurs jobs étudiants. Et puis, il y a les problèmes avec les administrations de la fac. Par exemple, d’un côté, on empêche les étudiants de venir en amphi, de l’autre, on organise quand même des examens avec 300 personnes en présentiel. D’un côté, on dit aux gens qu’il faut se protéger, se faire vacciner, de l’autre, on empêche des étudiants à Lyon de pouvoir le faire. À Nancy, certains étudiants se sont carrément fait insulter par le directeur de l’hôpital.
"On a l’impression que la ministre attend qu’il soit trop tard pour réagir"
J’ai l’impression que les administrations considèrent les étudiants comme une variable d’ajustement. Le mot est grave, mais on pourrait presque dire qu’on est des esclaves. Quand il y a besoin des étudiants, on les prend… Et quand il s'agit de profiter des petits avantages des soignants, ils n'ont pas le droit d’être protégés, d’être vaccinés et de se plaindre. Et quand ils se plaignent, on les convoque pour leur expliquer pourquoi il ne faut pas qu’ils le fassent.
La ministre de l’Enseignement supérieur, je ne la comprends pas. En pleine crise sanitaire, les étudiants font la file d’attente pour manger, ils galèrent, il y a des suicides, il y a des drames… Et on ne l’entend pas. On a l’impression qu'elle n’est pas concernée. Les réformes sont catastrophiques en médecine : premier cycle, deuxième cycle… sur le papier, c’est n’importe quoi. On a l’impression que la ministre attend qu’il soit trop tard pour réagir. Pire, le suicide, on fait des grandes lettres, des discours, mais elle n’a même pas réagi quand il y eu un suicide d’une étudiante en Pass il y a quelques semaines.
Le manque de perspectives d’avenir est clairement un facteur aggravant pour les étudiants, mais il y a aussi l’absence de soutien. On dit qu’il y a des services dédiés… D’accord. Mais les jeunes n'ont pas forcément le réflexe, dans cet état, de chercher, d’appeler, de traverser la ville pour aller au service universitaire de médecine. Ça ne marche pas comme ça.
Ce qu’il faut, c’est que Frédérique Vidal et les universités soient plus attentives à la détection des signaux faibles d’étudiants qui ne vont pas bien, mais pas à coup de numéros verts. Par exemple, en stage, il faut que les gens qui encadrent soient vraiment formés à la pédagogie et à la transmission d’un savoir-être et d’un savoir-faire. Et qu’il y ait plus de bienveillance. Ce n’est plus possible de passer des journées sans qu’on nous demande comment ça va.”
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