Roman Sanchez n'est pas un externe comme les autres. Avant de s'engager avec brio dans les études de médecine, le jeune homme a fait carrière dans le trafic de cannabis. A 17 ans, il pouvait gagner jusqu'à 5 000 euros par mois. Aujourd'hui en 6e année de médecine, il veut publier son histoire pour aider les ados décrocheurs. Rencontre.
"Je pouvais vendre jusqu'à 1kg de shit en deux jours et me faire 500 euros." Dans la bouche d'un étudiant en 6e année de médecine apparemment bien sous tous rapports, la déclaration a de quoi surprendre. Comme pour convaincre son interlocuteur, Roman, 29 ans, n'hésite pas à dégainer les photos de sa vie d'avant la fac de médecine : lui à 17 ans, posant fièrement dans le jardin familial aux côtés d'un de ses plants avec "toute la panoplie du petit dealer" – jogging, sweat capuche, sacoche, chevalière en or, gros joint ; de larges plaques de cannabis prêtes à être écoulées ; des centaines d'euros étalés sur une table…
"Je suis passé de petit dealer à fournisseur."
"J'ai commencé à fumer du cannabis à 12 ans dans la cour du collège", raconte-t-il. Quatre ans plus tard, l'ado de Claye-Souilly (77), dont la mère travaille dans l'aviation et le père dans la marine, s'improvise dealer pour rembourser à ses parents les 1 500 euros que lui a réclamé la mairie suite à la dégradation d'un mur. "Au début, je me faisais 80 euros par semaine. J'ai commencé à sécher le lycée parce je sortais la nuit." Son trafic l'amène à Sevran, "la plaque tournante d'Ile-de-France, là où il y a le meilleur rapport qualité-prix". Petit gabarit, il s'équipe de poings américains. "Je me suis battu plusieurs fois. Je me suis déjà retrouvé avec un couteau face à moi. Quand on a 16 ans, on ne se rend pas compte", se rappelle Roman. Le jeune homme redouble sa 1ère, puis finit par décrocher complètement du lycée. "A 17 ans, j'ai trouvé un grossiste. Je suis passé de petit dealer à fournisseur." Son nouveau job lui rapporte entre 2 000 et 5 000 euros par mois, son "record".
"J'avais envie d'aider les autres… "
Sentant le vent tourner, il arrête tout quelques mois avant ses 18 ans. "C'est ce qui m'a sauvé. Quand les flics sont venus chez moi à la suite d'une dénonciation, ils ont trouvé deux plants de cannabis. J'ai été condamné à trois mois de prison avec sursis pour détention*. Ça fait réfléchir." Retour au lycée après un détour en BEP cuisine. En terminale S, Roman se découvre un goût pour les sciences. Le bac en poche, il cherche sa voie : armée, école d'ingénieur… Ce sera finalement la médecine. "J'avais envie d'aider les autres… Et je me demandais si je pouvais y arriver."
L'ancien dealer se retrouve en compétition avec 3 000 étudiants marseillais, souvent titulaires de mention bien ou très bien au bac. "Le premier mois, j'étais complètement nul. Il a fallu tout rattraper." Roman bosse dur, jusqu'à 70-80 heures par semaine… et termine sa Paces en 291e position. Le redoublant est devenu primant. La juste récompense d'une année infernale. "J'ai arrêté de fumer du shit trois semaines avant d'entrer à la fac… J'ai fait de l'insomnie, des crises d'angoisse avec sensation de mort imminente, des cauchemars. Ça détraque complètement, j'ai mis des années à m'en remettre."
L'externe se destine à la médecine générale.
A-t-il été soumis à la tentation de la drogue en fac de médecine ? "En 1ère année, on est prévenu qu'il y a des risques de dépression, voire de suicide, et de consommation de produits stupéfiants", se borne-t-il à répondre. Selon une enquête française menée auprès de 1 700 étudiants en médecine en 2015, 5.2% d'entre eux avaient déjà consommé des psychostimulants illicites : cocaïne ou dérivés d’amphétamines tels que l’ecstasy.
Aujourd'hui, Roman version 2.0 s'apprête à entrer en 6e année. Il ne sort quasiment pas. Les études de médecine lui ont appris "à vivre avec très peu d'argent", ironise-t-il. L'externe se destine à la médecine générale. "C'est le stage qui m'a le plus plu. J'aime discuter avec les gens, et ne pas être dans le tout médical. Mais pas à l'hôpital. Je ne veux pas de patron." Celui qui se décrit comme "bosseur, bordeline et sensible" ressent le besoin de raconter son histoire (sa page "auteur" sur Facebook). Pour aider les ados décrocheurs et alerter sur les dangers du cannabis sans modération. Il fait le tour des maisons d'édition avec ses 150 pages de "mémoires". Tout en se préparant à la 6e année, celle des ECN. "Je ne vais pas chercher la 1ère place. Je vais juste essayer de faire de mon mieux. Juste pour voir."
*Le bulletin 3 du casier judiciaire, dont l'Ordre des médecins réclame un extrait à l'inscription, ne comporte que les condamnations les plus graves : pour crimes et délits supérieurs à 2 ans d'emprisonnement sans sursis, pour crimes et délits inférieurs si le tribunal en a ordonné la mention, certaines déchéances ou incapacités en cours d'exécution, mesure de suivi socio-judiciaire et peine d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs. Le casier de Roman est vide.
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