Un médecin peut-il choisir ses patients ?

23/04/2019
Si un patient, selon l’article L.1110-8 du Code de la santé publique, a le droit de choisir librement le médecin à qui il se confie, de son côté un praticien libéral ne saurait refuser, sans raison légitime, un malade. Il peut toutefois décider d'interrompre cette relation de soins dans certains cas.

      Même si le refus de soins ne fait pas partie des principes de sa profession, un médecin, comme son patient (mais souvent pour des raisons différentes), peut décider d’interrompre cette relation de soins. Patient agressif, qui n'honore pas ses rendez-vous, qui ne suit pas les conseils et les traitements prescrits, qui se répand sur les réseaux sociaux et attaque en justice son médecin… Autant d’éléments de défiance qui peuvent justifier un refus de soins de la part du professionnel de santé.   Refus illicite en cas d'urgence Mais attention ! Le médecin doit prendre certaines précautions, rappelées par l’article R.4127-47 du Code de la santé publique : il doit informer explicitement son patient de sa décision, au besoin par lettre recommandée, en lui communiquant les coordonnées d’un confrère susceptible de le prendre en charge, et sous réserve qu’il n’y ait pas une situation d’urgence. Une solution de suivi médical doit toujours être proposée au patient. Ne pas oublier qu’un refus de soins n’est pas possible en cas d’urgence.

Motifs légitimes... Un médecin peut aussi être tenté de sélectionner sa clientèle pour des raisons plus personnelles que professionnelles. Ecartons d’emblée la légitimité de certains refus de soins ceux liés à l’incompétence du médecin dans la demande qui lui est faite et qui pourrait faire courir au malade un risque injustifié, ou encore un refus opposé au nom de la clause de conscience du praticien. D’autres refus de soins peuvent être discutés car ils peuvent mettre certains patients en difficulté : c’est notamment l’exemple du médecin qui refuse de se déplacer dans une banlieue où règnent l’insécurité et la violence. C’est aussi celui du médecin qui refuse de nouveaux patients par manque de disponibilité, au risque, dans certaines régions, de ne pouvoir les orienter vers d’autres confrères, eux-mêmes submergés. Il peut alors exister un risque de discrimination si un malade ne peut désigner un médecin traitant ou trouver un médecin dans certaines spécialités.

  Refus de CMU ou AME : discriminatoire Tout refus fondé sur des motifs discriminatoires doit être proscrit ! Comme le rappelle l’article R.4127-7 du Code de la santé publique, "le médecin doit écouter, conseiller ou soigner avec la même conscience toutes les personnes, quels que soient leur origine, leurs mœurs et leur situation de famille, leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation ou une religion déterminée, leur handicap et leur état de santé, leur réputation ou les sentiments qu’il peut éprouver à leur égard". Et l’article 225-1 du Code pénal de préciser que "constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité, résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur perte d’autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue  race ou une religion déterminée". Un médecin ne saurait ainsi refuser un malade bénéficiaire de la CMU ou de l’aide médicale d’Etat (AME) et il doit délivrer des soins aussi consciencieux et conformes aux données acquises de la science. Et n’oubliez-pas : tout refus de soins formulé dans le cadre d’une urgence sera considéré comme illicite.   

Par Nicolas Loubry, juriste.
 
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