Cancer prostatique : des avancées diagnostiques et thérapeutiques

18/12/2020 Par Corinne Tutin
Urologie

Chirurgie robot-assistée, hormonothérapie orale, inhibiteur de PARP, utilisation diagnostique ou thérapeutique du PSMA, l’année 2020 est un bon cru pour le cancer prostatique, comme cela a été montré lors du 114ème congrès de l’Association française d’urologie (AFU), qui a eu lieu du 18 au 20 novembre 2020.   Le bilan d’extension du cancer prostatique repose classiquement sur le scanner abdomino-pelvien et la scintigraphie osseuse.  L’étude multicentrique prospective proPSMA suggère toutefois qu’il faudrait plutôt réaliser, avant chirurgie ou radiothérapie, un PET-scan au PSMA (prostate-specific membrane antigen), une protéine surexprimée dans les cancers métastatiques, en cas de risque élevé de dissémination (tumeur palpable, PSA supérieur à 20 ng/ml...) (1). L’utilisation de cet examen accroît significativement et de 27 % le rendement diagnostique pour repérer des métastases ganglionnaires ou à distance et il modifie dans 15 % les traitements. « La difficulté est que le PET-scan au PSMA n’est disponible en France que dans le cadre d’une ATU et chez des patients avec une récidive biologique (élévation du PSA) et un examen négatif en PET-choline», a regretté le Pr Rozet (Institut Mutualiste Montsouris, Paris). Sur le plan thérapeutique, l’étude prospective multicentrique allemande randomisée LAP-01, menée sur plus de 700 patients, favorise la réalisation d’une prostatectomie robot-assistée. Cette technique semble, en effet, permettre une meilleure récupération de la continence à 3 mois que la chirurgie laparoscopique classique. « Il faudra toutefois attendre pour déterminer si ce bénéfice se confirme au long cours », a considéré le Pr Rozet. Par ailleurs, chez les patients considérés comme à haut risque en post-opératoire d’une extension extracapsulaire, du fait de marges positives, les données de la méta-analyse Artistic suggèrent d’éviter la radiothérapie adjuvante systématique pour lui préférer une radiothérapie de rattrapage (2). Cette radiothérapie différée, qui sera réalisée devant une élévation secondaire du PSA, fait mieux en termes de survie sans événement (PSA ≥ 0,4 ng /mL, progression clinique ou radiologique) que la radiothérapie adjuvante (odds ratio de 1,12) tout en réduisant de beaucoup les complications. Soixante pour cent des patients à haut risque ont pu être préservés de la radiothérapie adjuvante. Un nouveau médicament pour les cancers avancés Dans les cancers prostatiques avancés ou métastatiques, sensibles à l’hormonothérapie, un nouvel antagoniste oral de la LHRH, le rélugolix, semble prometteur pour obtenir une « castration chimique ». Dans un essai de phase 3, Hero, conduit sur plus de 900 patients, le rélugolix s’est montré plus efficace en termes de maintien de la castration durant 48 semaines (testostéronémie < 50 ng par décilitre) qu’un agoniste injectable, l’acétate de leuprolide : 96,7 % versus 88,8 % (p < 0,001) (3). Comme cela a déjà été observé avec d’autres antagonistes, il agissait aussi bien plus rapidement. De plus, l’administration de rélugolix s’est traduite par 54 % de complications cardiovasculaires majeures (infarctus du myocarde, AVC) en moins (2,9 % versus 6,2 % pour le leuprolide), « un résultat important dans cette population à risque cardiovasculaire élevé ». D’autres études conduites, avec parfois des suivis de plus de 6 ans, ont confirmé l’intérêt d’associer...

des hormonothérapies de nouvelle génération comme l’acétate d’abiratérone, l’enzalutamide, l’apalutamide à la suppression androgénique, quel que soit le niveau de risque et le volume tumoral dans ces cancers prostatiques hormonosensibles. Une des autres actualités de l’année 2020 est de recommander la mise en place d’un traitement local dans les cancers oligométastatiques (moins de 3 métastases osseuses, pas de métastase viscérale). L’étude Stampede avait déjà suggéré qu’un tel traitement peut augmenter la survie. Cette conclusion a été vérifiée dans une étude de phase 2 prospective sur 200 patients, présentée en septembre 2020 lors du congrès de la Société européenne d’oncologie clinique (ESMO) par le Dr Bo Dai (université de Shangai). Les perspectives sont représentées, dans les cancers prostatiques métastatiques résistant à la castration, et ne répondant pas à l’abiratérone, à l’enzalutamide et au docétaxel, par l’administration de cabazitaxel ou, dans certaines tumeurs avec altération d’un gène de réparation de l’ADN, de type BRCA1, BRCA2, ou ATM, par un inhibiteur de PARP, l’olaparib. L’ipatasertib, un inhibiteur d’AKT, a aussi permis d’accroître significativement la survie sans progression de 23%, en association à l’abiratérone et à la prednisone, dans des cancers prostatiques ayant perdu le gène suppresseur de tumeur PTEN, ce qui est un facteur de mauvais pronostic. « Ce résultat n’est pas surprenant », a ajouté le Pr Rozet « car les patients ayant perdu PTEN présentent une surexpression de la voie AKT sur laquelle l’ipatasertib agit ». « Cependant, il faudra évaluer la toxicité de ce médicament, laquelle ne semble pas négligeable », a rappelé le Pr Rozet. L’utilisation d’une radiothérapie interne vectorisée avec du PSMA marqué au lutétium177 a aussi débouché sur une survie accrue en comparaison du cabazitaxel dans l’étude de phase 2 Therap menée dans des cancers métastatiques résistant à la castration ayant progressé sous docétaxel.  En revanche, l’immunothérapie semble peu active, en termes de taux de réponses ou de survie, dans ces tumeurs, au vu des résultats de l’étude Keynote 365 entreprise avec le pembrolizumab.  

  1. Hofman MS, et al. Lancet 2020 Apr 11;395(10231):1208-1216.
  2. Vale CL, et al. Lancet 2020 Oct 31 ; 396 (10260) :1422-1431.
  3. Shore ND, et al. N Engl J Med. 2020 Jun 4;382(23):2187-2196.

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