Covid-19 et diabète : que faire et que dire aux patients ?

03/04/2020 Par Marielle Ammouche
Diabétologie Infectiologie
L’épidémie de Covid-19 est dans tous les esprits, notamment ceux des diabétiques. Ces patients sont en effet plus fréquemment atteints de formes graves de Covid-19. Mais on ignore quels sont les rôles respectifs de la maladie, des comorbidités et de l’âge. Bien équilibrer le diabète est une bonne mesure de prévention,  car l’infection peut être source d’acidocétose.
 

La Société francophone du diabète (SFD) a, en mars 2020, fait le point dans un numéro spécial sur les risques associés à l’épidémie Covid-19 (COronaVirus SARS CoV-2 Infectious Disease) chez les diabétiques (1). Elle rappelle que dans l’étude initiale chinoise, « les patients ayant un diabète représentaient 10 à 20 % des personnes hospitalisées, 22 % de celles admises en réanimation et 31 % des décès » (48 % des patients ayant par ailleurs une hypertension artérielle [HTA] et 24 % une maladie cardiovasculaire). Globalement, l’accroissement du risque de décès hospitalier (odds-ratio) est de 2,85 (1,35-6,05, p = 0,0062) en cas de diabète. « Cependant, ces chiffres sont difficiles à interpréter », indique la SFD,  « car les critères d’hospitalisation ont évolué avec le temps en Chine, les formes modérées étant de moins en moins souvent hospitalisées ». « De plus, on ne dispose pas à ce jour », admet la SFD, « d’études ayant analysé le rôle de l’âge, du type de diabète, de l’existence ou non de complications associées à la maladie ». Un appel à publication sur le thème « diabète et Covid-19 » vient d’être lancé par le Journal of Diabetes pour préciser ces points.  Les symptômes de l’infection (toux, fièvre, courbatures, fatigue, parfois signes digestifs) n’ont pas de particularité chez les diabétiques, signale la SFD.  Cependant, la maladie peut déséquilibrer le diabète avec un risque important et parfois très rapide, comme pour la grippe, de décompensation acido-cétosique, y compris chez certains patients diabétiques de type 2, signale-t-elle. En cas de suspicion de covid-19, il est donc important de renforcer la surveillance glycémique et de mettre en route rapidement des mesures de correction. Vraisemblablement, « un bon contrôle glycémique antérieur diminue les difficultés de gestion du diabète au moment de l’épisode aigu ». 

  Prévenir le risque d’acido-cétose Le Pr Chantal Mathieu*, qui est chef de service d’endocrinologie à l’Université catholique de Louvain, en Belgique confirme que « les données sur les risques associés au diabète en cas de Covid-19, sont pour l’instant assez rares ». « Celles provenant de Chine, et plus récemment d’Italie, suggèrent que les diabétiques de type 1 et de type 2 ne sont pas plus...

réceptifs au virus que les autres personnes. En revanche, comme pour la grippe ou d’autres infections, le diabète peut effectivement s’aggraver, et une acidocétose peut survenir dans le diabète de type 1. Il est donc essentiel d’expliquer aux patients, actuellement très inquiets, qu’il est très important de continuer à vérifier leurs chiffres glycémiques, en étant particulièrement attentif en cas d’infection, éventuellement qu’il faut augmenter sa dose d’insuline quand la glycémie s’élève, qu’il ne faut pas arrêter les médicaments, qu’il faut continuer à veiller à son alimentation et qu’il faut consulter l’équipe de soins en cas de problème (plaie des pieds, douleur thoracique...) ». « Les gens ont peur de venir à l’hôpital et on observe depuis quelque temps une diminution importante du nombre d’infarctus du myocarde, de sujets consultant en urgence pour d’autres symptômes que ceux liés à l’infection Covid-19, ce qui pose question », poursuit Chantal Mathieu. « Le message à donner aux médecins est que le diabète n’a pas disparu avec le Covid-19 et qu’ils doivent garder l’œil sur le risque de complications ».  « De petites séries américaines, encore non publiées, montrent qu’un tiers des patients infectés par le Covid-19 entrant en soins intensifs sont diabétiques. Toutefois, l’analyse des associations avec l’âge, l’hypertension artérielle, suggère qu’il pourrait s’agir de patients avec de multiples comorbidités », ajoute le Pr Mathieu. « Pour le moment, on n’a pas d’information permettant d’indiquer que les jeunes patients avec un diabète de type 1 ou de type 2 infectés par le Covid-19 sont plus exposés à un passage en soins intensifs ».

  Le paracétamol peut perturber les chiffres glycémiques Quoi qu’il en soit, il est essentiel que les diabétiques suivent les précautions d’hygiène (lavage des mains, distanciation sociale), qui n’ont pas de particularité chez eux, informe la SFD.  Comme chez les non diabétiques, les anti-inflammatoires non stéroïdiens devront aussi être évités. On traitera la fièvre par du paracétamol.  « Cependant, il faut savoir que ce traitement perturbe les résultats de mesure du glucose en continu sauf pour le FreeStyle libre », prévient la SFD. Chantal Mathieu reconnaît cette possibilité de modification des chiffres glycémiques avec des capteurs comme les sensors Dexcom, en cas de prise de 2, 3 g de paracétamol par jour ». « Il faut dire aux diabétiques s’ils ne se sentent pas bien alors que le lecteur indique une glycémie normale de vérifier les chiffres en réalisant alors des glycémies capillaires », conseille-t-elle. La SFD mentionne aussi que les résultats obtenus avec le lecteur FreeStyle Libre peuvent être perturbés par de fortes concentrations de vitamine C. « Il faut se méfier car certains patients en prennent à fortes doses pendant cette période d’épidémie », rappelle la société savante.  On préconisera au patient d’avoir mis de côté pour 2 semaines ses traitements (insuline notamment), et matériel d’administration et de surveillance, sucre, kit de glucagon. Et on s’assurera qu’il possède tous les numéros d’urgence (15, numéro du cabinet ou service de diabétologie, numéro d’astreinte médicale ou technique en cas de traitement par pompe). En cas de besoin, on pourra recourir à la...

téléconsultation ou même mettre en place une télésurveillance (dans le cadre ou en dehors du programme gouvernemental Étapes). Les diabétiques insulinodépendants non équilibrés ou présentant des complications secondaires à leur diabète font partie de la liste des personnes fragiles, plus à risque de développer une forme grave de Covid-19, dressée le 13 mars 2020 par le Haut comité de la santé publique (HCSP), et pourront bénéficier d’un arrêt de travail si leur activité professionnelle ne peut se faire en télétravail.  Le HCSP conseille aussi aux médecins de premier recours de privilégier téléconsultations et consultations sur rendez-vous, avec ci-possible circuit et horaire dédiés, chez ces personnes fragiles, et de privilégier en cas de signes respiratoires évocateurs de Covid-19 une visite à domicile avec masque chirurgical.   Covidiab : un site d’accompagnement pour les diabétiques  Afin d’aider les patients diabétiques à mieux répondre à la menace Covid-19, la Fédération des services hospitaliers de diabétologie et le Centre de responsabilité de santé connectée de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) proposent une appli e-santé.  Téléchargeable sur www.covidiab.fr, elle permet de bénéficier d’un accompagnement personnalisé et d’informations constamment mises à jour, avec des sessions vidéo.  Des questions sur l’état de santé sont posées régulièrement afin d’orienter les patients vers des soins spécifiques (médecin traitant, SAMU, urgences), en privilégiant la téléconsultation. Les médecins, qui le souhaitent, ont la possibilité de surveiller leurs patients grâce à des alertes individuelles.     *Le Pr Chantal Mathieu déclare avoir des liens d’intérêt avec Novo Nordisk, Sanofi, Merck Sharp and Dohme Ltd., Eli Lilly and Company, Novartis, AstraZeneca, Boehringer Ingelheim, Hanmi Pharmaceuticals, Roche, Medtronic, ActoBio Therapeutics, Pfizer, UCB, Abbott.

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