Douleur : "Il y a urgence à revoir les stratégies de prise en charge"
Les associations de patients et de professionnels de santé spécialisés dans la douleur appellent de leurs vœux un 4ème Plan Douleur, visant à pérenniser et développer les structures spécialisées permettant d’améliorer la prise en charge des patients douloureux, et de renforcer la formation professionnelle.
Les associations de patients douloureux chroniques et de professionnels de la santé impliqués dans la prise en charge de la douleur s’inquiètent d’un ralentissement de la dynamique politique française en matière de lutte contre les douleurs. A l’occasion du changement de président de la République, ils ont donc décidé de s’engager et ont publié un plaidoyer intitulé : "Ecrire un nouveau chapitre de la lutte contre la douleur dans le système de santé du 21e siècle". Ce document vise à mettre en place une véritable "stratégie politique de prise en charge de la douleur" qui doit, pour les auteurs de ce texte, s'inscrire dans le cadre d'un 4ème Plan Douleur. La douleur constitue, en effet, un défi majeur. Il s’agit du premier motif de consultation. 20% de l’ensemble de la population, soit 12 millions de personnes, seraient touchées par une douleur chronique, qui est source de handicaps et d'altérations majeures de la qualité de vie. Les populations les plus vulnérables, notamment les personnes âgées sont particulièrement concernées. En outre, ces douleurs "induisent une consommation importante de soins et d'arrêts de travail pesant lourdement sur les systèmes de santé et impactent lourdement la vie familiale, professionnelle, scolaire et sociale", soulignent les associations signataires de ce plaidoyer, à savoir la Société française d’étude et de traitement de la douleur (Sfetd), l’Association francophone pour vaincre les douleurs (Afvd), Fibromyalgie France, et le Réseau douleurs chroniques pelvi-périnéales (Rdcp). La prise en charge des malades est aussi loin d’être optimale. Les spécialistes considèrent que 70% des patients douloureux chroniques ne reçoivent pas un traitement approprié. La douleur liée au cancer reste un point noir de l’antalgie car les praticiens craignent encore d’utiliser les morphiniques. La douleur aigue est aussi concernée : plus de 60 % des patients admis aux urgences présente une douleur modérée à sévère et moins d’un sur deux reçoit un traitement antalgique à l’admission. Or "ces douleurs font le lit de la douleur chronique" rappellent les auteurs du plaidoyer. "Il y a urgence à revoir les stratégies de prise en charge de la douleur dans de nombreux domaines, en ville comme à l’hôpital, et pour tous les âges", résument-ils. Des structures en difficultés Malgré les trois Plans Douleur qui se sont succédés, les moyens restent insuffisants. Et le quatrième plan pourtant recommandé par le Haut Conseil de la santé publique (Hcsp) dans son rapport d’évaluation du Plan 2006-2010, et promis par Marisol Touraine en 2012, n’a pour le moment jamais vu le jour. "Jusqu’en 2010, la médecine de la douleur a bénéficié de plans gouvernementaux qui ont permis des avancées certaines. Ce n’est plus le cas actuellement. Transversale, pluridisciplinaire, axée sur les parcours, la médecine de la douleur est essentielle à la constitution d’une médecine moderne. Les réformes nécessaires pour mener à bien cette ambition sont essentiellement structurelles et peu coûteuses. Nous attendons des pouvoirs publics la mise en place d’une feuille de route", affirme le Pr Serge Perrot, président de la Sfetd. En effet, moins de 3 % des patients douloureux bénéficient actuellement d'une prise en charge dans un des centres spécialisés qui sont, grâce aux différents plans, au nombre de 254 (consultations et centres spécialisés) en France, couvrant l’ensemble du territoire. Mais "ces structures sont en difficulté, avec des moyens constants, alors que le nombre de consultations réalisées s’accroit, sans pouvoir faire face à une demande croissante des patients. Les délais pour obtenir un rendez-vous de consultation dépassent parfois plusieurs mois. Les financements ne suivent pas les besoins, et la douleur est délaissée par les pouvoirs publics depuis plusieurs années" alertent les spécialistes. "Si rien n'est fait, au moins 30 % de ces structures disparaîtront au cours des trois prochaines années". Les critiques concernent aussi le manque de formation. En effet aujourd’hui, sur les six années d’études médicales de deuxième cycle, moins de vingt heures de cours sont officiellement consacrées à la douleur. L’algologie n’est toujours pas reconnue comme une spécialité à part entière. Le Collège des enseignants de la douleur (CED) et les professeurs associés en douleur sont inquiets de la disparition du Diplôme d'études spécialisées complémentaires (Desc) "douleur" qui s’effectuait en 2 ans. Il est remplacé dans la réforme par une formation dite formation spécialisée transversale (FST). Cependant cette formation n’est que d’une durée d’un an. En outre, son financement est "encore incertain" affirment les associations. Tout ceci n’est pas de nature à renforcer l’attractivité de cette spécialité pour les internes, considèrent-elles. Enfin, les auteurs du plaidoyer regrettent l’écart existant entre la recherche fondamentale et la recherche clinique dans le domaine de la douleur en France. En effet si la première est très active à l’échelon international avec plus de 3500 articles originaux publiés en langue anglaise au cours des années 2010-2015, - plaçant la France largement dans le peloton de tête européen -, elle "reste méconnue, et ne s’accompagne pas d’un soutien à la recherche clinique, essentiel pour la douleur des patients", relèvent les algologues. Un engagement politique nécessaire Ces spécialistes ont été satisfaits par l’obtention de l'inscription de la douleur dans trois articles de la "loi de modernisation du système de santé" du 26 janvier 2016. Cela "a montré le signe d'une volonté de continuité des progrès réalisés les dernières années, et qui ne sauraient régresser". Ils demandent cependant "que cet engagement soit rapidement concrétisé par la mise en application de ces trois articles", afin de "faire de la lutte contre la douleur un des piliers de notre système de santé". Pour cela, ils définissent sept mesures concrètes, qui constituent le socle d’un programme d’action. Il s’agit principalement de : maintenir et consolider le rôle des centres spécialisés dans la prise en charge de la douleur chronique en préservant les structures actuelles, les postes et les financements, et en créant de nouveaux centres pour répondre aux besoins croissants. Il s’agit ensuite de renforcer la formation des professionnels en reconnaissant la médecine de la douleur comme "une authentique spécialité", avec une formation de 3e cycle de médecine spécialisée. Les associations souhaitent, en outre, valoriser le parcours de soin des patients atteints de douleurs chroniques, améliorer la prise en charge de la douleur aux urgences et en ambulatoire, et développer des campagnes de prévention. Enfin, ils proposent de développer la reconnaissance des approches non médicamenteuses de la douleur, et de mettre les populations les plus vulnérables (en établissements psychiatriques, en Ehpad, …).
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