La saga des médicaments anti-Alzheimer

02/06/2018 Par Marielle Ammouche
Neurologie
Le déremboursement des médicaments qui visent à lutter contre la maladie d’Alzheimer est l’aboutissement de dix années de remises en cause et de tergiversations.

  Quatre spécialités ont une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans le traitement symptomatique de la maladie d’Alzheimer. Les anticholinestérasiques sont au nombre de 3 : le donépézil (Aricept du laboratoire Eisai et génériques), la rivastigmine (Exelon de Novartis Pharma, et génériques) et la galantamine (Reminyl/Reminyl LP de Janssen Cilag et génériques). Ils bloquent la dégradation par la cholinestérase de l’acétylcholine cérébrale, neurotransmetteur dont la production diminue chez les personnes atteintes de maladie d'Alzheimer. Ils ont l’AMM aux stades léger, modéré et modérément sévère de la maladie. S’y ajoute la mémantine (Ebixa de Lundbeck, et génériques), un inhibiteur des récepteurs NMDA du glutamate, un neurotransmetteur dont la libération excessive pourrait jouer un rôle dans la dégénérescence neuronale. C’est le seul médicament qui ait l’AMM au stade sévère de la maladie d’Alzheimer. Elle a aussi l’AMM (comme les anticholinestérasiques) aux stades modéré et modérément sévère. En revanche, elle n’a pas d’AMM au stade léger. Ces médicaments sont tous à visée symptomatique et ne modifient pas l’évolution de la maladie. Ils sont remboursables à 15%, et à 100 % dans le cadre de l’ALD. Ils représentent un coût de 90 millions d’euros par an pour l’Assurance maladie.

  Cela fait plus de 10 ans que la Haute Autorité de santé (HAS) s’est penchée sur l’intérêt et la place de ces médicaments dans la stratégie de prise en charge des patients.   2007 : SMR important Ainsi, dès 2007, la HAS a réalisé une réévaluation de ces thérapeutiques et s’est prononcée sur leur service médical rendu (SMR) et leur amélioration du service médical rendu (ASMR).  Il ressort de cette première analyse que les effets de ces médicaments sont "modestes" et portent essentiellement sur les troubles cognitifs, sans enrayer la progression de la maladie. L’efficacité est établie uniquement à court terme (6 mois) et en comparaison au placebo. Toutefois, la HAS a tenu compte de la gravité de la maladie d’Alzheimer et "du possible rôle structurant du médicament dans la prise en charge globale de cette maladie", et a considéré que "malgré un rapport efficacité/effets indésirables modeste, la prise en charge par la collectivité reste justifiée". Le SRM des 4 traitements, qui avait été considéré antérieurement par la Commission de la transparence comme important, a été confirmé. En revanche, l’ASMR était de niveau 4 (mineure). "La prescription médicamenteuse est une occasion privilégiée de mettre en place une prise en charge médico-psycho-sociale à long terme. Les médicaments ne sont qu’un des éléments de cette prise en charge, mais les experts ont estimé qu’ils y jouent un rôle structurant", concluait la HAS.   2011 : SMR faible A la suite de nouvelles données scientifiques, la Commission de la transparence de la HAS a décidé de réévaluer en 2011 les quatre médicaments. L’efficacité a été, à nouveau, considérée comme "modeste" avec un effet principalement établi "sur la cognition à court terme et dont la pertinence clinique reste discutable". En outre, la Commission de la transparence a relevé "un risque de survenue d’effets indésirables pouvant nécessiter l’arrêt du traitement (troubles digestifs, cardiovasculaires et neuropsychiatriques notamment)", et 'un risque accru d’interactions médicamenteuses du fait de la polymédication habituelle chez les patients âgés". En conséquence, le SMR des 4 traitements a été jugé faible et l’ASMR nulle, sans différence de tolérance et d’efficacité entre les quatre médicaments. Les experts recommandaient alors de limiter les prescriptions à un an, renouvelable sous conditions strictes (réunion de concertation pluridisciplinaire), après avoir déjà réévalué le patient à six mois (efficacité sur la stabilisation ou le ralentissement du déclin cognitif, effets indésirables). Ils appelaient, en outre, à la nécessité de disposer à l’avenir de données permettant d’apprécier l’impact de ces médicaments en conditions réelles d’utilisation.  

  2016 : SMR insuffisant La réévaluation la plus récente a eu lieu en 2016. Les données nouvelles ont confirmé que l’efficacité des médicaments symptomatiques de la maladie d’Alzheimer est, au mieux, "modeste" ; la transposabilité des études cliniques en vie réelle n’étant même pas assurée. "Les patients de ces études sont en effet plus jeunes que ceux qui sont pris en charge en pratique réelle, et contrairement à ceux-ci ne présentent ni comorbidités, ni risques d’interactions médicamenteuses", affirmait la HAS. Les effets sur les troubles du comportement, la qualité de vie, le délai d’entrée en institution, la mortalité, la charge de la maladie pour les aidants ne sont toujours pas établis. En outre, il n’a pas été possible de vérifier si les nouvelles conditions d’utilisation des médicaments étaient bien appliquées pour limiter les effets indésirables. Or, "les données accumulées depuis la commercialisation des médicaments confirment le risque de survenue d’effets indésirables (troubles digestifs, cardiovasculaires ou neuropsychiatriques pour les plus notables) potentiellement graves, pouvant altérer la qualité de vie. En outre, dans une population âgée, souvent polypathologique et polymédiquée, il existe un risque supplémentaire d’effets indésirables graves du fait d’interactions médicamenteuses", soulignait la HAS. En conséquence, "la HAS considère donc que ces médicaments n’ont plus de place dans la stratégie thérapeutique". Malgré cette réévaluation, la ministre de la santé de l’époque, Marisol Touraine, a décidé, en avril 2017, de ne pas suivre la recommandation de la Commission de la transparence et de maintenir au remboursement ces thérapeutiques, "tant qu’il n’existerait pas de parcours de soins garantissant une prise en charge adaptée aux malades d’Alzheimer".

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