Le baclofène n’a pas prouvé son efficacité, selon les généralistes enseignants

24/01/2020 Par Marielle Ammouche
Pharmacologie
"Le baclofène n’a pas prouvé son efficacité de manière convaincante", affirme le Collège national des généralistes enseignants (CNGE), alors que ce traitement de l’alcoolisme a obtenu, le 23 octobre dernier, une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour la spécialité Baclocur (laboratoire Etyphram).

Au contraire, ce médicament présente des effets indésirables notables. Dans un communiqué, le Collège appelle donc à la vigilance des médecins prescripteurs, insistant sur la nécessité d’une "information claire et loyale de leur patient", et d’un suivi rapproché.   Le CNGE fait ainsi une synthèse des études disponibles sur ce médicament. Il rappelle que la méta-analyse Cochrane, publiée en 2018 (Cochrane Database Syst Rev 2018;26;11:CD012557), et qui comprenait notamment l’essai français Alpadir "ne permettait pas d’établir les preuves de son efficacité pour maintenir l’abstinence et/ou réduire la consommation d’alcool". Cependant, la plupart des essais négatifs avaient évalué des posologies inférieures à celles utilisées dans les études qui étaient positives. L’essai Bacloville, publié récemment (Addiction. 13 décembre  2019. doi.org/10.1111/add.14927), qui évaluait le baclofène à la posologie médiane de 180 mg/j, chez 320 patients, a montré un taux de succès  à 1 an (évalué sur une consommation d’alcool à faible risque selon les critères de l’OMS) à 57% contre 36% dans le groupe placebo, et une différence de consommation quotidienne moyenne d’alcool de 11 gr/j (1 verre) entre les 2 groupes en faveur du baclofène. Les résultats sur les critères secondaires (nombre de jours avec consommation excessive, scores d’évaluation du craving, qualité de vie, paramètres biologiques) n’étaient pas significativement différents entre les deux groupes. En outre, "les résultats de cet essai sont difficilement interprétables en raison du grand nombre de données manquantes sur le critère de jugement principal (moins de 25% des patients ont rapporté leur consommation d’alcool au cours du 12e mois) et d’une possible surestimation de la différence entre les groupes liée à une probable levée de l’insu (possibilité pour les patients de recevoir du baclofène en ouvert en cours d’essai)", commente le CNGE.

En plus de ces doutes sur l’efficacité, le Collège rappelle que ce traitement entraine des effets indésirables majeurs (psychiatriques notamment) pour des posologies élevées. Ainsi, selon les données issues de la recommandation temporaire d’utilisation (RTU) au-delà de 180 mg/jour, le risque d’hospitalisations est augmenté de 46% et celui de décès est multiplié par 2,3. C’est pourquoi, lors du renouvellement de la RTU, une posologie maximum a été établie à 80 mg/j. Mais pour le CNGE, à cette posologie plus faible "il n’y a aucune preuve solide d’efficacité".   Au final, Baclocur bénéficie d’un service médical rendu (SMR) faible dans l’indication et la posologie de l’AMM, assorti d’une amélioration du SMR de niveau V (inexistante), positionnant Baclocur en dernier recours dans la stratégie thérapeutique. Mais il sera bien commercialisé et remboursé, même si le prix et le taux de remboursement ne sont pas connus à ce jour. Le CNGE conclut donc à une efficacité non prouvée et un profil de tolérance qui "obère sa balance bénéfice/risque". Dans ces circonstances, il conseille aux praticiens, en cas de prescription "dans le cadre d’une décision médical partagée", et après information du patients, de bien rechercher les effets indésirables psychiatriques, d’effectuer une titration progressive du baclofène correspondant à la tolérance individuelle, de suivi régulièrement le patient, et, en l’absence d’efficacité à 3 mois, de réaliser un sevrage progressif planifié et d’envisager d’autres stratégies thérapeutiques.

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