Maladie cœliaque : ce qu'il faut savoir pour bien la diagnostiquer

20/09/2019 Par Corinne Tutin
Hépato-gastro-entérologie
Vingt pour cent seulement des maladies cœliaques sont diagnostiquées, ont déploré les experts médicaux et scientifiques qui ont assisté au 18e congrès international sur la maladie cœliaque et les pathologies liées au gluten, qui s’est déroulé à Paris du 5 au 7 septembre derniers.

    Les spécialistes, rassemblés lors de l’International Celiac Disease Symposium (ICDS), ont souligné l’importance de mieux diagnostiquer la maladie cœliaque. Alors que de nombreuses personnes dans la population suivent un régime alimentaire sans gluten, pas forcément fondé, le paradoxe est aujourd’hui que seulement 20 % des patients avec une maladie cœliaque (MC) ou intolérance au gluten sont identifiés. Or, a rappelé le Pr Christophe Cellier (Hôpital européen Georges-Pompidou, Paris), lors d’une conférence de presse organisée le 6 septembre à Paris, la maladie cœliaque peut s’accompagner de complications, comme une déminéralisation osseuse. Celle-ci est due à une malabsorption de calcium secondaire à l’atrophie villositaire de l’intestin grêle induite par la réaction auto-immune contre la gliadine. La MC peut aussi s’associer à des affections auto-immunes, diabète de type 1, thyroïdite auto-immune, dermatite herpétiforme, et lorsque le régime sans gluten n’est pas suivi, donner lieu à la formation de tumeurs malignes (sprue réfractaire, lymphome T, adénocarcinome du grêle). La difficulté est que cette affection fréquente et dont la prévalence augmente (autour de 1 % actuellement), ce qui ne semble pas être expliqué seulement par un plus fort recours au dépistage, est dans 80 % des cas pauci ou asymptomatique. Les recommandations actuelles sont de doser les auto-anticorps de classe IgA anti-transglutaminase, "seul test de dépistage remboursé par l’Assurance maladie", devant non seulement les symptômes classiques de la maladie (amaigrissement, diarrhée) mais, notamment chez l’adulte, des signes plus frustres comme une anémie, une élévation inexpliquée des transaminases, des aphtes récidivants, des symptômes mimant les troubles fonctionnels intestinaux, une infertilité, a expliqué le Pr Cellier. Un surpoids n’élimine pas ce diagnostic "et 30 % des patients américains sont obèses". Beaucoup d’équipes recherchent la maladie chez les apparentés (dans 10 % des cas touchés), car elle a une composante génétique (HLA DQ2 présent chez 95 % des malades et HLA DQ8 chez 5 %). Mais, des infections virales pourraient aussi jouer un rôle.   Attention aux autotests "d’intolérance alimentaires" Le diagnostic repose ainsi en premier lieu sur le dosage en laboratoire des anticorps anti-transglutaminase de classe Ig A, lequel devra être confirmé par l’endoscopie et les biopsies du duodénum et du bulbe (sauf chez les enfants où ces biopsies ne sont pas systématiques). Lorsqu’on ne veut pas se soumettre à un prélèvement sanguin, "il est acceptable d’utiliser dans un premier temps un autotest", a jugé le Pr Cellier, mais il faut alors pratiquer le test associant IgA anti-transglutaminases et IgA (pour vérifier l’absence de déficit en IgA, fréquent, qui pourrait rendre les résultats faussement négatifs). En cas de positivité les résultats de l’autotest seront vérifiés par dosage en laboratoire. Les tests de dosage des IgG ou de soi-disant intolérance alimentaire (qui sont parfois vendus à des prix élevés) n’ont pas de valeur scientifique, a insisté le Pr Cellier. Brigitte Jolivet, qui préside l’Association française des intolérants au gluten (Afdiag) indique que "certaines personnes pratiquent ces autotests car elles essuient un refus des médecins de réaliser une sérologie de dépistage". "En cas d’autotest positif, il faut leur dire de ne surtout pas se mettre au régime avant d’avoir vu un praticien, car les résultats des dosages ultérieurs pourraient être perturbés." Par ailleurs, un autotest négatif n’élimine pas la possibilité d’une MC, et le dosage en laboratoire des IgA anti-transglutaminases devra être pratiqué devant des signes de suspicion clinique, même en cas d’autotest négatif. Des biothérapies, notamment avec des anticorps dirigés contre l’interleukine 15, ont fait l’objet d’essais cliniques dans les formes graves de la maladie, et des traitements avec des enzymes (gluténases) dégradant le gluten sont essayés Certaines équipes tentent aussi de mettre au point des vaccinothérapies pour induire une tolérance orale. Pour l’instant, cependant, en dehors du régime sans gluten (pris en charge par l’Assurance maladie à raison de 45 euros par mois : pas de blé, de seigle, ou orge, mais consommation d’avoine possible le plus souvent, et bien sûr de maïs, de riz, de sarrasin) qui est efficace "mais non suivi par 50 % des adultes", estime Brigitte Jolivet, aucun traitement n’est approuvé pour la prise en charge de la maladie cœliaque.   * Fermentable Oligosaccharides, Disaccharides, Monosaccharides And Polyols     Les autres pathologies liées au gluten

En dehors de la maladie coeilaqueeux autres entités pathologiques ont été décrites. La première est l’allergie au blé, une réaction d’hypersensibilité immédiate médiée par les IgE. Rare, on la rencontre surtout chez les enfants. Elle peut se manifester par des vomissements, ou desdouleurs abdominales, après ingestion de blé, de l’asthme ou une urticaire, parfois un œdème de Quincke ou même un choc anaphylactique.
  L’hypersensibilité au gluten non cœliaque est une entité plus récente, dont la prévalence est inconnue mais pour laquelle le chiffre de 5 % de la population est rapporté. Les patients présentent des symptômes digestifs (douleurs abdominales, ballonnements, diarrhée ou constipation...) et extra-digestifs variés (fatigue, maux de tête...), déclenchés par l’ingestion de gluten et qui s’améliorent avec son exclusion et récidivent lors de sa réintroduction mais n’ont pas d’allergie au gluten (ni d’atrophie villositaire intestinale). "La physiopathogénie n’est pas clairement comprise", a admis le Pr Cellier. En fait, plutôt que le gluten, les responsables de ce syndrome pourraient être représentés "par les inhibiteurs de l’alpha-amylase et de la trypsine (ATI), des protéines présentes dans le blé et dont la fonction est de le rendre plus résistant aux insectes et aux parasites. Ces ATI semblent activer les récepteurs Toll-like 4 au niveau des monocytes et macrophages de la muqueuse intestinale, ce qui pourrait en activant l’immunité innée favoriser la formation de cytokines pro-inflammatoires". Les FODMAPS*, des sucres contenus dans le blé mais aussi les fruits et légumes, le lait... cibles des bactéries intestinales, sont aussi de plus en plus incriminés dans ces hypersensibilités. "Ces patients pourront suivre un régime alimentaire, pauvre en gluten, s’ils se sentent mieux avec, à la condition que celui-ci soit équilibré", a estimé le Pr Cellier.

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