Mondial de foot : tirs au but et accidents cardiovasculaires, un risque scientifiquement prouvé

11/07/2018 Par Marielle Ammouche
Cardio-vasculaire HTA

Selon le Dr Jorge Tartaglione, président de la Fundacion Cardiologica Argentina, les éliminations des équipes de football aux tirs au but pourraient constituer un véritable risque pour les spectateurs qui présentent des antécédents cardiaques. A tel point qu’il considère que "les éliminations aux tirs au but devraient être interdites pour risque cardiovasculaire" a-t-il déclaré, le 3 juillet dernier dans Clarin, un journal local.

Pour affirmer cela, il s’appuie sur deux études qui ont mis en évidence les dangers de cette méthode de sélection particulièrement expéditive et stressante, explique-t-il dans un entretien à Medscape édition espagnol (Matías A. Loewy, traduit de l’espagnol par Carmen Cahu. 10 juillet 2018). Ainsi une étude britannique datant de 2002 et publiée dans The British Medical Journal (Carroll D, et al. BMJ. 21 Dic 2002;325:1439-1442. doi: 10.1136/bmj.325.7378.1439) a analysé les admissions hospitalières entre 1991 et 1999 soit 97 millions au total. Et "ils ont trouvé que le risque d'admission pour infarctus aigus du myocarde a augmenté de 25% quand l'Angleterre a été éliminée aux tirs au but par l'Argentine (3-4) en huitième de finale de la Coupe du Monde de la Fifa de 1998. L'effet a été vérifié le jour du match et les jours suivants"détaille Medscape. L’autre étude, datant de 2008, et publiée dans The New England Journal of Medicine (Wilbert-Lampen U, et al. N Engl J Med. 31 Jan 2008;358(22):2408. doi: 10.1056/NEJMoa0707427), a concerné  l’Allemagne. Elle montrait que les journées avec participation de la sélection locale, les urgences cardiaques augmentaient de 2,66 fois ; mais surtout, que la plupart des accidents se sont produits après la victoire de l'Allemagne contre l'Argentine aux tirs au but (4-2) en quart de finale. Enfin le spécialiste cite le cas d’une femme uruguayenne de 39 ans, sans antécédent particulier si ce n’est un tabagisme important, qui a présenté, peu de temps après un penality mémorable et décisif en 2010, un syndrome coronaire aigu avec supradénivellation du segment ST dû à une obturation à 70% de l'artère coronaire descendante antérieure, avec présence d’une plaque d'athérome compliquée et d’un petit caillot sanguin intraluminal. "Le cas a été publié dans Revista Uruguaya de Cardiología (Batista I, et al. Revista Uruguaya de Cardiología. Sep 2010;25(2):139-142. https://espanol.medscape.com/verarticulo/5902914_print). Et selon les auteurs, le "probable élément déclencheur" de l'épisode aigu a été le stress émotionnel provoqué par un match avec un final si dramatique" relate Medscape. Ces études sont à rapprocher d’une autre, hollandaise, qui en 2002, a examiné la mortalité par infarctus aigu du myocarde ou accident vasculaire cérébral pendant cinq matchs importants de la sélection de ce pays, joués entre 1988 et 1994 (Pagliaro L. Cuando el Mundial daña el corazón. Noticias de Salud. Publicado el 16 de junio de 2018). "L'analyse globale n'a pas montré une augmentation de cas par rapport à ceux qu'on attendait, exception faite du seul match qui s'est décidé aux tirs au but, la défaite des Pays Bas avec un score de 5-4 contre le Danemark dans une des demi-finales de la Coupe d'Europe 1992 (risque relatif : 1,16 ; IC 95% : 0,93 – 1,44)" précise Medscape. Cependant, les épidémiologistes et cardiologues ne valident pas tous ce lien entre tirs au but et accidents cardiovasculaires. Ainsi, une méta-analyse italienne (Barone-Adesi F, et al. Int J Epidemiol. Ago 2010;39:1006-1013. doi: 10.1093/ije/dyq007. PMID: 2021185) établit les risques relatifs entre 0,7 et 1,3 la plupart du temps. Certains auteurs estiment même que la hausse d’événements cardiovasculaires pourrait plutôt être en lien avec la consommation excessive d’alcool, d’aliments riche en graisses, de tabac et autres drogues, qui augmente avant et pendant les matchs. Les éléments déclencheurs seraient, au final, multiples. Faut-il prévenir le risque avec un médicament ? Certains auteurs ont évoqué l’intérêt des antiagrégants plaquettaires, ou autres thérapeutiques cardiaques chez les patients à risque. Mais pour le Dr Viktor Čulić, (Split, Croatie), « les recommandations de mesures préventives pourraient être justifiées seulement pour des populations limitées et définies avec des facteurs de risque de maladies coronaires. Envisager, avant le match, que son équipe peut perdre, optimiser le traitement anti infarctus ou ajouter un anxiolytique, et éviter des déclencheurs concomitants, tel que l'alcool et les drogues, pourraient être une façon raisonnable de regarder des matchs importants pour ces patients » (Culic V. Int J Epidemiol. Oct 2011;40(5):1422-5; author reply 1425-6. doi: 10.1093/ije/dyr060) écrit-il en 2014. Il considère en outre, que supprimer les tirs au but n’est pas justifié.

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