Rhumatismes inflammatoires : l’arsenal des biothérapies s’élargit

09/01/2019 Par Corinne Tutin
Rhumatologie

BILAN ET PERSPECTIVES - L’année a été marquée par l’arrivée de biosimilaires d’adalimumab et la montée en puissance des anti-JAK et des anti-IL-17. Le Pr René-Marc Flipo*, chef du service de rhumatologie au CHRU de Lille, dresse un état des lieux de l’actualité 2018 dans les rhumatismes inflammatoires et précise ce qui risque de changer dans les années à venir.   Egora : Quelles sont les grandes nouveautés de l’année 2018 concernant la prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde ? Pr René-Marc Flipo : Une des nouveautés est représentée par l’actualisation des recommandations de prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde (PR) par la Société française de rhumatologie. Elles ne sont pas fondamentalement différentes des précédentes, mais insistent sur le diagnostic et la prise en charge des comorbidités (obésité, affections cardiovasculaires), pour lesquelles le médecin généraliste a un rôle clef. De plus, elles ont pris en compte la mise à disposition à l’été et l’automne 2017 de 2 inhibiteurs de janus kinases (JAK), le tofacitinib et le baricitinib. Une autre actualité est représentée par la commercialisation récente de plusieurs biosimilaires d’adalimumab. Ce qui devrait avoir un impact économique énorme sur le système de santé, vu que ce médicament est le premier vendu au monde. La PR est d’ailleurs un modèle de développement des biosimilaires, les études de phase 3 exigées pour démontrer la bioéquivalence d’efficacité étant souvent réalisées dans cette pathologie.   Quel pourrait être l’avenir de ces anti-TNF biosimilaires dans la PR avec l’arrivée de nouvelles thérapies ciblées comme les inhibiteurs de JAK ? Sauf révolution thérapeutique très peu probable, on peut penser que les anti-TNF, qui sont aujourd’hui proposés sous forme de biosimilaire, conserveront pendant au moins 2-3 ans une place largement majoritaire parmi les biothérapies proposées en 1e ligne dans la PR. Les recommandations continuent de les proposer le plus souvent en 1e intention, car elles s’appuient sur l’expérience qu’on a depuis maintenant près de 20 ans de leur utilisation, avec des données de sécurité à long terme, en plus de l’impact économique dont on a parlé. On estime aujourd’hui qu’entre 25 % et 30 % des PR ont besoin d’être traitées en France par biomédicament, tandis que 2 sur 3 sont globalement bien contrôlées sous méthotrexate.   Quels sont les apports des inhibiteurs de JAK dans la PR ? Cette classe thérapeutique représente une véritable innovation dans la PR. Leurs apports principaux sont d’être administrés sous forme orale, avec 1 ou 2 comprimés par jour, d’avoir un mécanisme d’action original qui met en jeu l’inhibition de voies d’activation intracellulaires conduisant à la synthèse de cytokines pro-inflammatoires et, enfin, de disposer d’un niveau de preuves convaincant dans le cadre d’une utilisation en monothérapie. Cette efficacité en monothérapie les place en compétition potentielle avec les inhibiteurs de l’IL-6. Les inhibiteurs de JAK, dont 2 molécules sont actuellement indiquées et remboursées dans la PR, le tofacitinib et la baricitinib, enrichissent l’arsenal thérapeutique ; ce qui est intéressant pour les 20 à 25 % de patients sous biothérapies qui échappent à celles-ci chaque année, ainsi que pour les 10 % à 15 % de malades ne répondant pas initialement aux anti-TNF. Aujourd’hui, nous les utilisons habituellement dans les services spécialisés comme le nôtre, où les patients ont souvent déjà reçu 3 traitements, après échec de plusieurs biothérapies, anti-TNF et non anti-TNF (abatacept, tocilizumab, rituximab), et les mentions légales françaises conseillent de les utiliser du fait d’un moindre recul après 1 ou plusieurs traitements de fond. Cependant, les données disponibles dans plus de 40 pays, notamment avec le tofacitinib qui est développé aux États-Unis depuis 2012, suggèrent qu’on pourrait les employer dans l’avenir dès l’échec du méthotrexate. Lors du dernier congrès de l’American College of Rheumatology (ACR) en novembre 2018, une étude a mis en évidence la supériorité d’un autre inhibiteur de JAK, l’upadacitinib, sur l’adalimumab, dans la PR en association au méthotrexate. On peut pressentir que du fait de la voie orale, de l’arrivée d’inbibiteurs de JAK comme l’upadacitinib et le filgotinib, avec une supériorité d’action ou du moins une non infériorité vis-à-vis d’une association de médicaments, cette classe thérapeutique pourrait avoir dans le futur un développement clinique avant les autres biomédicaments. Récemment une étude entreprise par le Pr Bruno Fautrel (Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris), à partir des données du Sniiram**, a montré que près de la moitié des patients avec un rhumatisme inflammatoire ont abandonné après 1 an la prise d’anti-TNF par voie sous-cutanée. Ceci montre aussi l’importance de disposer de nouvelles voies thérapeutiques dans ces affections.   Quelle est la tolérance des inhibiteurs de JAK ? Globalement, les inhibiteurs de JAK nécessitent la même surveillance que les autres traitements de fond de la PR, surveillance hématologique, hépatique, du risque infectieux. Avec le recul de plus de 5 ans, dont on dispose pour le tofacitinib, la seule spécificité concerne une augmentation du risque de zona, en particulier chez les patients d’origine asiatique. Pour autant, il n’y a pas de recommandation de vacciner ces patients.   Y a-t-il d’autres actualités en matière de biothérapies dans la PR ? Oui. En 2018, un 2e anticorps dirigé contre les récepteurs de l’IL-6, le sarilumab, a été commercialisé. Cet anticorps totalement humain ne nécessite qu’une injection sous-cutanée toutes les 2 semaines contre 1 toutes les semaines pour le tocilizumab, qui est un anticorps humanisé.   Comment la prise en charge évolue-t-elle dans les spondyloarthrites axiales et périphériques ? Le développement des anti-IL-17 se poursuit. Jusqu’à 2017, nous ne disposions que des anti-TNF dans les spondyloarthrites axiales, avec en plus l’ustékinumab, un anti-IL-23p40, dans le rhumatisme psoriasique. Nous n’avions donc pas (ou peu) d’alternative thérapeutique, chez les patients non répondeurs. Depuis lors, nous pouvons recourir à l’anti-IL-17, sécukinumab, pour traiter spondyloarthrite axiale et rhumatisme psoriasique (et psoriasis). En 2018, l’ixékizumab, un 2e anti-IL-17, a obtenu son remboursement (après le psoriasis) dans le rhumatisme psoriasique. Et, à la suite de 2 études pivot de phase 3, présentées lors du congrès 2018 de l’ACR, il devrait obtenir un remboursement prochain dans la spondyloarthrite axiale. Nous avons cependant quelques interrogations sur les effets des anti-IL-17 concernant la composante digestive des spondyloarthrites, car les études pivot ont suggéré qu’ils pourraient aggraver les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), sans que ce soit formellement prouvé. Nous restons donc très prudents en cas de MICI associée à une spondyloarthrite axiale ou périphérique, même asymptomatique voire latente.  D’autres médicaments vont accroître les possibilités thérapeutiques dans les spondyloarthrites axiales et périphériques, comme là aussi la famille des anti-JAK. Nous attendons le remboursement du tofacitinib dans le rhumatisme psoriasique, où il dispose déjà d’une autorisation de mise sur le marché (AMM), et des résultats extrêmement intéressants ont été rapportés dans cette pathologie, lors du congrès de l’ACR, avec le filgotinib. On devrait voir arriver aussi prochainement dans le rhumatisme psoriasique des anti-IL-23p19 : dont le guselkumab et le risankizumab.   *Le Pr René-Mars Flipo déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles pour AbbVie, BMS, Chugai, Lilly, Pfizer, Nordic Pharma, UCB, Sanofi-Genzyme, Janssen-Cilag, MSD, Biogen, Novartis. **Système national d’information inter-régimes de l’Assurance maladie

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