Transplantation rénale : alerte sur le manque de donneurs

05/12/2022 Par Sylvie Coito
Urologie
Les greffes de rein sont en recul depuis 5 ans. Le nombre de donneurs diminue, problème auquel s’ajoute des difficultés liées à l’hyperimmunisation de certains patients et des disparités géographiques, qui entrainent des délais d’attente de 24 mois en moyenne. Un point a été fait lors du récent congrès français d’urologie (CFU ; Paris, 16-19 novembre 2022).

  Quelques chiffres : la transplantation rénale a diminué de 11,2 % en 5 ans (2021 versus 2016). En 2021, 20 000 personnes étaient sur liste d’attente, on compte 21 nouvelles inscriptions par jour, les équipes réalisent 14,45 greffes par jour et on déplore 2,6 décès par jour des personnes inscrites sur liste d’attente. En 2021, il y avait 13,6% de donneurs en moins par rapport à 2017. La Dre Sarah Drouin, urologue, dans le service d’Urologie et Transplantation rénale, de l’hôpital de la Pitié Salpêtrière (Paris) explique qu’il y a moins de donneurs décédés de mort encéphalique dus à un AVC car avec les traitements par thrombolyse, on sauve ces patients qui ne sont donc plus des donneurs potentiels. L'âge des patients augmente. Il y a plus de greffes chez les personnes âgées que chez les plus jeunes. Elle précise que « le bénéfice individuel est indiscutable, une fois passé les complications chirurgicales des 2 premières années, la survie est bien meilleure une fois greffé que sur liste d’attente. Mais dans cette population, la mortalité n'est pas négligeable et il ne faut pas sacrifier un greffon jeune et ne pas favoriser les personnes âgées versus les jeunes ». Un des problèmes majeurs en transplantation est l’hyperimmunisation, un phénomène qui survient lors des grossesses, des transfusions, des précédentes transplantations. L’agence de biomédecine a créé un score d’immunisation, le Taux de Greffon Incompatible (TGI).  La Dre Drouin explique que « l’hyperimmunisation qui correspond à un TGI supérieur à 85% allonge la durée d’attente, augmente le risque de rejet, diminue la durée de vie du greffé ; et plus il y a d’incompatibilité HLA, moins la durée du greffon est bonne ». Les résultats sont très mitigés avec des protocoles de désensibilisation ; or les receveurs sont de plus en plus immunisés. De plus, on observe une disparité régionale de l’incidence de l’insuffisance rénale chronique, du nombre d’inscription et du nombre de prélèvement. Ainsi, l’île de France est la région où les inscriptions sont les plus nombreuses mais où on prélève le moins.    Trop d’oppositions des familles Il est nécessaire d’augmenter le nombre de donneurs mais S. Drouin déplore les oppositions des familles qui surviennent dans 50 % des cas. La seconde option est d'améliorer la durée de vie du greffon notamment en diminuant l’ischémie froide c’est à dire le délai avant transplantation, pendant lequel le greffon est réfrigéré.  L’agence de biomédecine a changé son score d’allocation afin de mieux répartir les greffons. Ce score se veut être un système équitable (en fonction des urgences, des patients hyperimmunisés).  Il tient compte de l’appariement HLA, de la facilité d’accès à la greffe, de l’âge du patient et du capital immunologique, de la durée d’attente et de la durée de dialyse. Il a pour but d’améliorer la qualité de l’appariement HLA chez le jeune, d’améliorer l’appariement par âge et de limiter les offres de greffons inappropriés. « Aujourd’hui, la réalité, c’est 49,5% de greffe dans les 3 ans après inscription sur liste d’attente, 8 % de patients qui vont décédés en attendant une greffe, souligne la Dr Drouin. Certains sont plus défavorisés, les groupes sanguins B et O, la tranche d’âge 56-75 ans, les hyperimmunisés, et les habitants d’île de France.  La pénurie de greffons est toujours croissante, le délai d’attente médian est de 24,3 mois, délai qui peut atteindre 40 mois pour certaines populations. Il est nécessaire d’élargir le pool de donneurs et d’optimiser la durée de vie des greffons ».   Développer le don du vivant Une réponse possible pourrait passer par le don de rein provenant d’un donneur vivant. Cependant le conjoint n’est pas toujours compatible. Dans ce cas, comme le rappelle le Pr Marc Olivier Timsit responsable du Comité de Transplantation de l’AFU (Hôpital Georges Pompidou, Paris), il est possible de proposer un don croisé. Quatre personnes, 2 couples incompatibles entre eux, mais un donneur compatible avec un patient de l’autre couple. Ce don est encadré par une loi de biothétique de 2011 : « restriction à un appariement croisé entre 2 paires de donneur-receveur = doublet (les triplets ou chaines ne sont pas autorisé) ». Mais cette solution est peu utilisée : 12 transplantations entre 2014 à 2017, 0 de 2018 à 2021. Devant ce constat, la loi de bioéthique a été modifiée en 2021 et le nombre de paires augmentée jusqu’à 6 avec la possibilité d’avoir recours à un donneur décédé, le tout dans un délai de 24 h. C’est donc pour le Pr Timsit « un grand pas en avant du législateur mais il y a un risque d’échec en raison de 2 spécificités françaises que sont le manque de moyens pour des processus organisationnels et les freins éthiques (équité, rétractation, donneur non dirigé, anonymat… ».

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