Le Pr Patrick Tounian, qui est chef de service de nutrition et gastroentérologie pédiatriques à l’hôpital Trousseau de Paris, est revenu sur les possibles carences nutritionnelles auxquelles s’exposent les enfants et les adolescents végétaliens lors d’un symposium organisé le 20 juin 2019 à Paris par le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (CNIEL) lors du congrès de la Société française de pédiatrie. Chez l’enfant de moins d’un an, le végétalisme, qui exclut tout aliment d’origine animale, est à proscrire. « La plupart des parents végétaliens, qui sont souvent très éduqués, le comprennent d’ailleurs bien lorsqu’on leur explique, et un signalement est rarement nécessaire », reconnaît le Pr Tounian. Chez l’enfant et l’adolescent végétaliens, des carences sont possibles. « Mais, pas en protéines », explique le Pr Tounian. « Si chez les jeunes végétaliens, les apports protéiques sont globalement inférieurs à ceux des jeunes omnivores, les apports énergétiques restent tout de même dans la norme, et l’importante quantité de végétaux ingérée permet d’éviter le développement d’une carence en acides aminés essentiels ». En revanche, la vitamine B12, qui est exclusivement...
d’origine animale, doit absolument être apportée en cas de végétalisme. Mais ce risque est bien connu des végétaliens qui, pour la plupart, pratiquent une supplémentation en vitamine B12. Des carences martiales On peut observer, par ailleurs, des carences martiales chez les jeunes végétaliens. Car les apports alimentaires en fer sont certes peu différents de ceux des autres jeunes. « Mais, la biodisponibilité du fer des produits carnés est 7 fois plus importante que celle des végétaux », insiste le Pr Tounian. Un mg de fer absorbé correspond ainsi par exemple à 130 g de bœuf, à 800 g de poisson, à 1,3 kg d’épinards cuits et à 2 kg de légumes secs cuits. Ces carences martiales se rencontrent surtout chez les adolescents, car leurs besoins en fer sont élevés (1,8 mg/j de fer absorbé chez les garçons et 2,4 mg/j chez les filles entre 12 et 17 ans contre 1,1 mg/j dans les 2 sexes entre 7 et 11 ans, 0,7 mg/j entre 4 et 6 ans…), et sont souvent source de fatigue. « Ce qui fait que beaucoup d’ados qui ont adopté le végétalisme par souci éthique du bien-être animal ou de la protection de l’environnement l’abandonnent au bout de quelques semaines ou mois », observe au fil de son expérience le Pr Tounian. Certains jeunes présentent cependant un polymorphisme génétique concernant le couple hepcidine/ferroportine, deux protéines jouant un rôle important dans le métabolisme du fer. « Ce qui leur permet vraisemblablement de mieux absorber le fer végétal et les aide à maintenir un régime végétalien au long cours ». Baisse des apports en calcium et vitamine D Il est difficile d’assurer les besoins en calcium des enfants et adolescents (1200 mg/j entre 10 et 19 ans, 900 mg/j entre 7 et 9 ans comme chez l’adulte) en excluant les produits laitiers, car la biodisponibilité du calcium des végétaux est souvent réduite (1,25 certes pour le chou vert contre 1 pour le lait, mais 0,5 pour les haricots blancs, 0,2 pour les épinards). Les apports alimentaires en calcium et en vitamine D sont d’ailleurs...
globalement diminués chez les adolescents et adolescentes végétaliens (autour de 520 à 540 mg/j de calcium contre 1300 à 1700 mg/j chez les adolescents et adolescentes omnivores, 2 à 4 µg/j de vitamine D contre 5 à 7 µg/j) (1). Ce qui, comme l’a mis en évidence une méta-analyse récente, pourrait accroître le risque fracturaire osseux (2). Cependant, certaines eaux (Hépar, Courmayeur, Contrex) apportent du calcium. Comme les produits de la mer, notamment les poissons gras, sont la principale source d’acide docosahéxaéonique (DHA), les apports en cet acide gras oméga 3 sont aussi réduits chez les végétaliens. Certaines algues en contiennent malgré tout. Surveillance et supplémentation Il serait souhaitable que « des mesures institutionnelles soient prises pour informer le grand public du danger du végétalisme médicalement non surveillé chez les enfants et adolescents et interdire sa promotion dans les établissements scolaires », estime le Pr Tounian. Lorsque celui-ci est poursuivi au long cours, un suivi biologique doit en tout cas être instauré pour prévenir les carences nutritionnelles.
On proposera si besoin (et après dosage de la ferritinémie car certains jeunes, absorbent très bien le fer végétal), 2 à 3 mg/kg/j de fer métal, 500 à 1000 mg/j de calcium (selon l’âge et les apports), 100 000 UI de vitamine D tous les 3 mois, 1000 µg de vitamine B12 par semaine avant l’âge de 11 ans et 2000 µg ensuite, et des suppléments à base de micro-algues riches en DHA. 1) Larsson CL, Johansson GK. Am J Clin Nutr. 2002 Jul;76(1):100-6. 2) Iguacel I, et coll. Nutr Rev. 2019 Jan 1;77(1):1-18.
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