« C’est à peu près la prévalence du diabète de type 2 », observe la Dre Nathalie Conrad, épidémiologiste à l’université catholique de Louvain (Belgique). Menée sur 22 millions de personnes incluses dans la base de données UK Clinical Practice Research Datalink (CPRD), son étude révèle, pour 19 maladies auto-immunes confondues, une prévalence de 10,2% parmi les adultes britanniques, voire de 13,1% chez les femmes, contre 7,4% chez les hommes. A défaut d’enquête aussi large menée en France, la Filière de santé des maladies auto-immunes et auto-inflammatoires rares (FAI2R) estime la prévalence entre 5% et 8% dans l’Hexagone. Selon ces résultats britanniques, l’incidence des 19 maladies auto-immunes analysées a même augmenté au cours des deux dernières décennies. De 681,6 nouveaux cas pour 100 000 personnes-années sur la période 2000-2002, elle est passée à 700,8 pour 100 000 personnes-années sur 2017-2019, soit une hausse de 4%. Toutes maladies confondues, ce chiffre peut sembler « modeste », reconnaît Nathalie Conrad, mais il recèle d’inquiétantes tendances. La maladie de Basedow, qui affecte la thyroïde, a ainsi vu son incidence augmenter de 107% en 20 ans. Dans le syndrome de Gougerot-Sjögren, qui touche les glandes salivaires et lacrymales, elle a crû de 109%. Pour la spondylarthrite ankylosante, la hausse d’incidence est de 78%, tandis qu’elle est de 64% pour la polyarthrite rhumatoïde. De même, le vitiligo enregistre une hausse de 28%, les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin de 21%, le lupus érythémateux systémique de 15%. Dès lors, comment expliquer que la hausse, toutes maladies confondues, ne soit que de 4% ? Probablement par le poids du psoriasis et de la maladie de Hashimoto, qui regroupent la moitié des nouveaux cas, et dont l’incidence est stable pour le premier, en baisse (-19%) pour la seconde. Un diagnostic plus exhaustif, mais pas seulement A l’origine de cette tendance haussière, se cache probablement une plus grande attention médicale portée à plusieurs de ces maladies, ainsi qu’une amélioration des moyens diagnostiques. Toutefois, l’explosion observée dans plusieurs maladies laisse penser qu’une réelle hausse d’incidence est en cours. Ce que semblent conforter les importantes disparités observées d’une région à l’autre du Royaume-Uni, ainsi que les inégalités socio-économiques face au risque de maladie auto-immune. En particulier pour la maladie de Basedow, la polyarthrite rhumatoïde, le lupus et l’anémie pernicieuse, auxquelles les classes sociales défavorisées sont plus exposées. Selon Nathalie Conrad, ces résultats suggèrent l’implication de facteurs environnementaux et comportementaux, qu’il reste à déterminer. Bien que le tabagisme ait été impliqué dans le risque de plusieurs de ces maladies, dont la polyarthrite rhumatoïde, le lupus et la sclérose en plaques, la chercheuse estime que d’autres facteurs sont probablement en cause. D’autant que, au Royaume-Uni comme en France, le nombre de fumeurs tend à diminuer. S’il n’y a pas lieu de parler d’« épidémie de maladies auto-immunes », selon Nathalie Conrad, la situation n’en est pas moins préoccupante. « La plupart de ces conditions sont incurables et nécessitent un traitement à vie. Pourtant nous connaissons encore peu de choses sur leur évolution et les moyens de prévention. Nous avons clairement besoin de plus de recherche à leur sujet », conclut la chercheuse.
Dans certaines maladies auto-immunes, dont le diabète de type 1 et le lupus, les femmes souffrent plus souvent de problèmes de fertilité. Qu’en est-il des maladies articulaires, également auto-immunes, telles que la polyarthrite rhumatoïde, le rhumatisme psoriasique et la spondylarthrite ankylosante ? Menée sur l’ensemble de la population finlandaise, grâce aux données du registre national FinRegistry, une étude présentée à Milan confirme le moindre succès reproductif (nombre moyen d’enfants inférieur, nombre accru d’adultes sans enfants) dans plusieurs de ces maladies, dont l’arthrite juvénile idiopathique et la polyarthrite rhumatoïde séropositive, chez les hommes comme chez les femmes. A l’inverse, aucun écart significatif n’est observé dans la spondylarthrite ankylosante et le rhumatisme psoriasique, par rapport à la population générale.
Ces travaux révèlent également un risque accru de prééclampsie et d’éclampsie chez les patientes enceintes, ainsi qu’un surrisque de naissance prématurée et de faible poids de naissance, phénomène observé pour la plupart des maladies auto-immunes analysées.
Au sommaire de ce dossier :
- Arthrose : une nouvelle ère thérapeutique… mirage ou horizon ?
- Arthrose : le mode de vie, au cœur de la prise en charge
- Spondylarthrite axiale : les difficultés d’un diagnostic précoce
- Cancer : l’autre enjeu de la polyarthrite et de ses traitements
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