Otite

Otite moyenne aiguë : une maladie bénigne, mais à ne pas sous-estimer

L’otite moyenne aigüe peut avoir d’importantes répercussions, notamment en termes de troubles auditifs et de retard de langage. D’où la nécessité de ne pas laisser s’installer de formes récidivantes.

13/06/2024 Par Romain Loury
Congrès de la Société française de pédiatrie
Otite

L’otite moyenne aigüe (OMA) est très fréquente chez les enfants âgés de trois mois à six ans, avec trois millions de cas par an en France. "Trois enfants sur quatre connaissent au moins un épisode d’OMA dans leur vie. Au fond, ce n’est pas si embêtant que cela, sauf en cas de récidive et de complications", rappelle la Dre Julie Boyer, du service ORL et chirurgie cervico-faciale du CHU de Nantes. Une OMA est dite ‘récidivante’ lorsqu’au moins trois épisodes sont survenus au cours des six derniers mois, ou au moins quatre dans l’année écoulée -dont le dernier lors des six derniers mois. D’origine infectieuse, elle peut être congestive (sans épanchement) ou purulente (avec épanchement, collecté ou perforé).

Une fois le diagnostic posé par examen otoscopique, le traitement repose sur l’antibiothérapie, qui doit être systématique chez les moins de deux ans - chez qui la guérison spontanée est plus rare, et le risque de complications plus élevé. Dans des recommandations publiées en septembre 2023*, le Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique (GPIP) de la SFP préconise l’emploi d’amoxicilline en première intention, à raison de 80-100 mg/kg/jour en deux prises pendant 10 jours - en plus d’un traitement local. Si l’otite est associée à une conjonctivite, les experts proposent d’utiliser l’amoxicilline ou l’amoxicilline/acide clavulanique. Il est aussi possible de recourir à la ceftriaxone injectable, en cas d’intolérance digestive majeure, de suspicion de résistance du pneumocoque ou d’impossibilité de l’administration orale.

Après deux lignes antibiotiques, adresser à l’ORL

L’enfant doit être revu après deux à trois jours de traitement, afin d’évaluer son efficacité. Si les signes cliniques (fièvre, otalgie) demeurent, un traitement de deuxième ligne doit être instauré, dont la composition dépendra du régime initial (amoxicilline/acide clavulanique après amoxicilline de première ligne, amoxicilline après cefpodoxime). Un point de vigilance quant à cette visite de contrôle, rappelle Julie Boyer : "Il faut vraiment qu’il reste des signes cliniques marqués pour conclure qu’il s’agit d’un échec de traitement. Le tympan ne sera jamais normalisé quand vous revoyez l’enfant à trois jours, il reste toujours un épanchement rétrotympanique inflammatoire. Celui-ci ne constitue donc pas une indication de deuxième ligne d’antibiotiques, d’autant qu’il peut persister pendant un mois."

En cas d’échec de deux lignes de traitement antibiotiques bien conduites, ou face à des signes de complications locorégionales, l’enfant doit immédiatement être adressé à un ORL. Celui-ci pourra alors décider s’il y a lieu de pratiquer une paracentèse. Cette intervention est particulièrement indiquée chez les enfants de moins de trois mois, en cas de déficit immunitaire, de douleur élevée ou après documentation bactériologique des échecs des deux lignes antibiotiques.

De nombreux facteurs favorisants 

A l’origine de cette propension élevée des jeunes enfants à développer des otites, la trompe d’Eustache, reliant l’oreille moyenne au nasopharynx, est non seulement courte chez l’enfant, mais elle est aussi d’orientation horizontale (elle se ‘verticalise’ avec l’âge). D’où la facilité pour les pathogènes à circuler d’un compartiment à l’autre. Au-delà de l’anatomie pédiatrique, les facteurs favorisant l’otite sont nombreux : reflux gastroœsophagien (RGO), alimentation au biberon plutôt qu’au sein, allergies alimentaires et intolérance au lait de vache, rhume et rhinite allergique, exposition à la fumée de tabac, etc… et, bien sûr, fréquentation d’une garderie ou d’une crèche.

Quant aux moyens de prévention, outre la correction des facteurs favorisants lorsque possible (traitement du RGO, éventuel bilan immunitaire et allergologique), Julie Boyer se montre réservée quant au lavage de nez. Notamment quant à « la mode des seringues, qui a probablement favorisé certaines otites, car elles poussent les miasmes directement dans la trompe d’Eustache ». Menée par l’Association française d’ORL pédiatrique (Afop), une étude est en cours afin d’évaluer le lien entre le mode de lavage et la survenue d’une otite, infectieuse ou séromuqueuse.
 

L’otite séromuqueuse, de nature non infectieuse

L’OMA ne doit pas être confondue avec l’otite séromuqueuse. Se résolvant le plus souvent de manière spontanée, celle-ci se définit comme une otite chronique de plus de trois mois, à tympan fermé et avec inflammation, mais sans signes ni symptômes d’infection aiguë. Elle peut dans certains cas nécessiter une prise en charge, notamment en cas de retentissement sur la vie de l’enfant (troubles auditifs, retard de parole, difficultés scolaires) ou lorsqu’elle favorise des OMA récidivantes.

 

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Références :

Congrès annuel de la Société française de pédiatrie (SFP, Nantes,15 -17 mai). D’après la présentation de la Dre Julie Boyer (CHU de Nantes), lors de la session mise au point "Otite à répétition chez l’enfant de moins de deux ans".
*Cohen R et al., Infectious Diseases Now, 18 septembre 2023
 

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