
Accouchement : quelles tendances obstétricales en 2025 ?
Les techniques obstétricales ont fortement évolué au cours des trente dernières années.

Les Enquêtes nationales périnatales (ENP), réalisées tous les cinq ans environ, à la demande des services publics, fournissent des données statistiques exhaustives relatives à la grossesse et l’accouchement. C’est à l’occasion de la dernière enquête, réalisée de 2016 à 2021, que l’on a mis en lumière une évolution significative de trois pratiques : les césariennes programmées, le recours au déclenchement médical et à l’épisiotomie.
Plus de césariennes programmées : des raisons médicales, juridiques et sociétales avancées
Redoutez-vous le rétablissement de l'obligation de participation à la permanence des soins ambulatoires?

O Mar
Oui
On a déjà des journées bien chargée à cause du manque de praticiens alors rajouter une permanence vous croyez que cela va faire ve... Lire plus
Le taux de césariennes a doublé en l’espace de trente ans. La dernière ENP rapporte un taux de 20,7 % de césariennes tous types de maternité confondus, soit une femme sur cinq. Son accroissement, désormais stabilisé, questionne. Sur le plan médical, on note une hausse des grossesses à risque liée à l’augmentation de l’âge des primipares (aujourd’hui de 31 ans) et au recours à la PMA, longtemps pourvoyeuse de grossesse multiples. Mais il existerait également une explication juridique : la sinistralité en gynéco-obstétrique est en augmentation ces dernières années. Les pratiques médicales reposent davantage sur le principe de précaution, et certains obstétriciens ne souhaiteraient plus prendre de risque sur un accouchement potentiellement dangereux (sur présentation en siège par exemple), par crainte d’un recours judiciaire. On retrouve aussi dans la littérature des raisons telles que la volonté de gain de temps et de gestion facilitée des locaux et des équipes. On retrouve également la notion de gain économique dans le secteur libéral, la césarienne portant une meilleure cotation qu’un accouchement par voie basse. Enfin, on voit poindre la problématique de la césarienne dite de convenance, chez des patientes qui souhaitent préserver leur sphère génitale et redoutent les risques d’incontinence par déchirures périnéales.
Il est pourtant important de rappeler qu’une césarienne n’est pas un acte anodin et qu’elle présente un sur-risque de mortalité (par thromboses, infections, risques anesthésiques) mais aussi de complications telles que la rupture utérine ou l’anomalie d’insertion du placenta lors d’une grossesse ultérieure.
Déclenchement : les enseignements de l’essai américain Arrive
Les indications médicales communément admises du déclenchement artificiel du travail sont le dépassement de terme à 41 SA, la rupture prématurée de la poche des eaux et l’hypertension artérielle. Alors que son taux était stabilisé aux alentours de 22 %, il est monté à 26 % en 2021.
Quelles raisons peut-on invoquer ? L’essai clinique américain, intitulé Arrive, publié en 2018, a eu un fort retentissement. Il s’agit d’une étude prospective de plus de 6 000 patientes, incluant des patientes à bas risque que l’on déclenchait systématiquement à 39 SA. Arrive a montré que le déclenchement entraînait un léger bénéfice (non significatif) sur la morbidité néonatale et surtout une légère réduction du risque de césarienne par rapport à un travail spontané. Cela a beaucoup bousculé les pratiques car jusqu’à présent, en France, on était plutôt très réticent au déclenchement dit de convenance.
Aux États-Unis, la pratique interventionniste a bondi de 10 % à la suite de l’essai, soupçonnée même d’être à l’origine d’un accroissement de la prématurité. Qu’en est-il en France ? De nouvelles études ont été mises en place afin d’analyser un éventuel effet d’Arrive sur les ENP 2021. Mais il semble que ce sont plutôt les études récentes et rassurantes sur le déclenchement pour siège, hypertension ou macrosomie qui ont contribué à l’augmentation du taux national.
L’étude French Arrive, calquée sur l’essai randomisé américain, a été lancée en mars 2021 par le Pr Loïc Sentilhes et le Dr Hugo Madar, obstétriciens au CHU de Bordeaux, afin de s’assurer de l’innocuité d’un déclenchement avancé chez des patientes françaises présentant d’autres caractéristiques que les patientes américaines (moins d’HTA et d’obésité notamment). Deux groupes de femmes, sans critère de grossesse pathologique, seront évalués : le groupe des femmes dont le travail sera déclenché entre 39 SA et 39 SA et 4 jours et celui des femmes pour qui la prise en charge restera habituelle et identique aux recommandations françaises actuelles. Les modalités de déclenchement seront identiques à celles utilisées habituellement chez les patientes nécessitant un déclenchement pour raison médicale. Au total, il est prévu que 4 200 femmes participent à cette étude sur une trentaine de maternités en France. Censé, dans un premier temps, se terminer avant la fin de l’année, l’essai se poursuivra jusqu’en 2027, du fait de difficultés de recrutement de parturientes françaises.
Une diminution drastique du taux d’épisiotomies
À l’inverse, le taux d’épisiotomies, déjà en phase décroissante depuis plusieurs décennies, a présenté une baisse marquée dans la dernière ENP, passant de 20,1 % en 2016 à 8,3 % en 2021. Cette évolution fait suite à un consensus international, et à une recommandation du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) publiée en 2018 selon laquelle « la pratique d’une épisiotomie n’est pas recommandée pour réduire le risque de lésions obstétricales du sphincter anal au cours d’un accouchement normal » (grade A). Cette préconisation, reprise par la Haute Autorité de santé, est en accord avec la loi relative aux droits des malades imposant au personnel soignant d’informer les patients avant la pratique de tout acte médical, quand on sait que dans 85 % des cas, le consentement n’était pas demandé.
Cependant, on observe une corrélation négative entre diminution de l’épisiotomie et augmentation des lésions obstétricales du sphincter anal de 3e et 4e degré, dans deux cas de figure en particulier : les accouchements par spatule et par forceps chez les nullipares.
Ces résultats indiquent que la politique restrictive de l’épisiotomie est globalement sécuritaire, mais des ajustements pourraient être nécessaires pour certains accouchements instrumentaux.
L’enjeu actuel réside dans la personnalisation des pratiques, pour trouver le juste équilibre entre sécurité maternelle et pertinence des soins. Y parviendra-t-on ? Réponse à la lecture des prochaines ENP… en 2027.
Au sommaire :
- Endométriose : état des lieux de la recherche
- Maladies cardiovasculaires : des risques accentués chez la femme
- Recherche, diagnostic, traitement… Les inégalités persistent entre les hommes et les femmes à chaque étape de la prise en charge
- La grossesse, une période sous tension sur le plan cardiologique
- Cancer du sein : quel impact sur la fertilité ?
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