Contraception hormonale : bien vérifier les interactions médicamenteuses et les effets additionnels
Egora : Quelles sont interactions d'ordre pharmacocinétique entre contraceptifs hormonaux et médicaments?
Dre Christine Damase-Michel : Les progestatifs et oestroprogestatifs, naturels ou de synthèse, sont métabolisés par le foie grâce à l’enzyme CYP3A4 au niveau du cytochrome P450. Certains traitements, les inducteurs enzymatiques, sont susceptibles, en accélérant cette activité, d’augmenter la dégradation de ces contraceptifs les rendant inefficaces. C’est le cas des anti-épileptiques classiques (carbamazépine, phénobarbital, phénytoïne…), des antituberculeux (rifampicine, rifabutine…), des antirétroviraux du VIH (efavirenz, lopinavir, nevirapine …), mais aussi du millepertuis, plante aux propriétés évoquées d’antidépresseur. Certains antifongiques (griseofulvine …) sont à l’inverse des inhibiteurs enzymatiques.
D’autre part, l’éthinylestradiol diminue le taux de la lamotrigine, autre anti-épileptique, en augmentant le processus de glucuroconjugaison. Mais ces concentrations sériques ré-augmentent pendant la semaine sans prise de pilule. Les posologies de ce traitement peuvent éventuellement être modifiées afin que l’épilepsie reste équilibrée lors de l’instauration ou de l’arrêt du contraceptif. Pour éviter ces fluctuations, un contraceptif sans éthinylestradiol doit être privilégié. Enfin, la diminution de l’absorption d’un contraceptif oral peut être provoquée par les médicaments induisant des diarrhées comme l’orlistat ou des laxatifs comme le prucalopride.
Qu’en est-il des interactions pharmacodynamiques ?
Certaines associations potentialisent les effets indésirables. Les contraceptifs de 3ème ou 4ème génération et certains anticancéreux augmentent le risque de thrombose. Associés, le risque d'accident thromboembolique est majoré. C’est aussi le cas des immunosuppresseurs JAKi, des neuroleptiques.… La liste est longue. Les oestroprogestatifs ont également des effets hyperglycémiants. Associés aux corticoïdes ou à certains neuroleptiques atypiques, ces effets peuvent être aggravés.
D’autre part, agissant sur les récepteurs des minéralocorticoïdes et la synthèse d’angiotensinogène, les oestroprogestatifs ont un effet hypertenseur. Leur association avec les AINS, les IRSNa, les triptans ou les vasoconstricteurs décongestionants nasaux conduit à un risque plus élevé d'hypertension.
Ces mêmes contraceptifs ont également tendance à exposer à une hyperlipidémie. En association avec certains antirétroviraux ou neuroleptiques dits atypiques, cette action sur le métabolisme des lipides est renforcée.
Un cas particulier concerne la drospirénone, progestatif de dernière génération commercialisé en association avec l’éthinylestradiol et, depuis peu, en tant que contraception progestative seule. La drospirénone, dérivée de la spironolactone, agit sur le récepteur des minéralocorticoïdes. Elle a un effet hyperkaliémiant (qui n’existait pas avec les pilules contenant d’autres progestatifs). Ainsi, elle ne doit pas être associée aux médicaments induisant une hyperkaliémie comme les sels de potassium ou les diurétiques hyperkaliémiants.
D’autres interactions existent nécessitant d’être vérifiées au cas par cas notamment lorsque les médicaments sont récents comme certains anticorps monoclonaux ou les anti-tumoraux.
Le risque d’interaction concerne-t-il toutes les voies d’administration ?
Oui, dès l’instant qu’il s’agit d’une contraception hormonale et bien entendu, plus la dose contenue dans la pilule ou libérée par le dispositif est faible et plus le risque d’inefficacité est grand.
Qu’en est-il de la contraception d’urgence ?
Dans le cas du levonorgestrel, si les femmes ont pris un inducteur enzymatique au cours des 4 semaines précédentes, il est préconisé de préférer la mise en place d’un DIU au cuivre dans les 5j suivant le rapport non protégé ou, si cela n’est pas possible, de doubler la dose de levonorgestrel.
Dans le cas de l’ulipristal (modulateur des récepteurs de la progesterone exerçant des effets antagonistes), les effets de la contraception hormonale et de l’ulipristal s’opposent. Il est donc recommandé d’utiliser une méthode barrière fiable jusqu’aux règles suivantes (pendant environ 5j après la prise).
Sur quelle durée se produisent ces interférences ?
Les médicaments sont actifs dans l’organisme pendant une période correspondant à 7 fois leur demie-vie avant d’être éliminés. Une interaction peut donc se prolonger au-delà de la prise ou de l’arrêt des traitements.
*La Dr Damase-Michel déclare n’avoir aucun lien d’intérêt.
Endométriose : "En cas d’indications opératoires, la chirurgie doit être minimale invasive"
Cancer du sein : la prévention et le dépistage personnalisés pourraient évoluer
Diabète et grossesse : l’importance du suivi pré-conceptionnel
Femmes et tabac : vers la fin d’une relation toxique ?
La sélection de la rédaction
Les complémentaires santé doivent-elles arrêter de rembourser l'ostéopathie ?
Stéphanie Beaujouan
Non
Je vois beaucoup d'agressivité et de contre vérités dans les réponses pour une pratique qui existe depuis 1,5 siècle . La formatio... Lire plus