"Il ne s’agit pas de nier le rôle essentiel du médecin généraliste […] C’est lui qui est au centre du parcours de soins car il dispose d’une expertise essentielle", a assuré la ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé face aux sénateurs, ce mardi 14 février. Dehors, entre 4 500 et 10 000 médecins libéraux foulaient les avenues parisiennes pour défendre leur exercice et dénoncer la proposition de loi Rist sur l’accès direct aux paramédicaux examinée par la chambre haute du Parlement.
Malgré l’opposition ferme du corps médical – qui craint unanimement l’essor d’une médecine à deux vitesses, les sénateurs ont adopté la PPL de la députée Stéphanie Rist (Renaissance) à 199 voix pour et 14 contre. La gauche, menée par le sénateur PS Bernard Jomier, s’est quant à elle abstenue. "Cela doit nous permettre sans dégrader la qualité des soins, et encore moins en créant une médecine à deux vitesses, de libérer du temps médical et de faciliter l’accès à la santé", a défendu Agnès Firmin Le Bodo au pupitre.
"C’est en renforçant la place du généraliste traitant que nous voulons accroître le niveau de coopération entre les professions de santé autour du rôle pivot du médecin", a martelé la pharmacienne de profession, qui a toutefois souligné que "6 millions de Français" n’ont, à ce jour, toujours pas de médecin traitant. "C’est une situation qu’on ne peut accepter sans rien changer."
Entendant "les craintes" des généralistes, Agnès Firmin Le Bodo a souhaité "déconstruire certaines affirmations que l’on peut entendre et relevant de l’instrumentalisation politique" : "les mesures d’accès direct ne sont en aucun cas généralisées", a-t-elle précisé. "J’ai pu entendre que les IPA seraient une menace pour les médecins, encore une fois, je m’inscris en faux."
Le texte a en effet opposé les professions de santé entre elles ces dernières semaines. Mais pour Agnès Firmin Le Bodo, "les médecins ont tout à y gagner".
Amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé : le Sénat a adopté la proposition de loi, par 199 voix pour et 14 voix contre.
— Sénat (@Senat) February 14, 2023
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Le texte, qui élargit les compétences des IPA, kinés et orthophonistes notamment, a toutefois été très amendé en commission des affaires sociales du Sénat quelques jours plus tôt, le 9 février, dans l’objectif de "ne pas désorganiser" le système, a précisé la rapporteure de la commission des affaires sociales du Sénat, Corinne Imbert. Ainsi, l’accès direct à ces professionnels ne pourra se faire que dans un exercice coordonné encadré (MSP, ESS*, ESP**…). L’échelle de la CPTS a été retirée, car jugée trop large.
Cet accès direct est assorti de "conditions permettant l’information du médecin traitant" notamment l’envoi systématique d’un compte-rendu reporté dans le DMP. La PPL ainsi votée autorise par ailleurs les IPA à prescrire des prestations et produits de santé. Les sénateurs n’ont toutefois pas retenu la distinction entre IPA spécialisées et IPA praticiennes. Les infirmières sont autorisées à prendre en charge la prévention et le traitement de plaies comprenant la prescription d’examens complémentaires et de produits de santé, et ce, selon des conditions qui seront définies par décret après avis de la HAS.
Le Sénat a par ailleurs limité le nombre de séances de kinésithérapie sans diagnostic médical préalable à 5 – tel que souhaité par la commission, et supprimé la possibilité pour les kinés de prescrire de l’activité physique adaptée (APA).
"Il ne faut pas se bercer de chimères. Ce texte oppose à un problème structurel des réponses parcellaires et ne permettra pas de résoudre les graves difficultés auxquelles certains de vos territoires sont confrontés", a cependant estimé Corinne Imbert.
Députés et sénateurs doivent désormais s’accorder sur un texte commun en commission mixte paritaire (CMP).
*équipes de soins primaires
**équipes de soins spécialisés
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