Alors que les urgences de Saint-Malo sont en grève depuis le 14 janvier, une infirmière a rédigé une lettre ouverte adressé à son "cher patient", dans laquelle elle pointe son épuisement professionnel et la dégradation du service.
Cette lettre a été lue publiquement, mardi 29 janvier, devant l’entrée des urgences de Saint-Malo. "Mon Cher Patient, Le jour où tu te présenteras au service des urgences de Saint- Malo, tu seras reçu par moi, l’infirmière d’accueil et d’orientation. J’arriverais à bien t’orienter, mais pour ce qui est de bien t’accueillir, c’est là que tout se complique… On sera interrompu un certain nombre de fois par la sonnerie aigue du téléphone, et sans parler du ballet incessant des ambulances arrivant sirènes hurlantes. Et oui, on est seul à accueillir en moyenne 110 patients/jour. Et la nuit, on fait même les entrées administratives. Après avoir attendu un temps conséquent en salle d’attente, mon collègue t’installera dans une salle d’examen vétuste, éclairée à la seule lumière d’un néon, où il fait une chaleur étouffante. Le manque de matériel l’obligera à sortir plusieurs fois à la recherche d’une couverture usée ou d’un tabouret bancal. Déjà 5h de présence, et pas l’ombre d’un médecin. Désolé, ils n’ont que le pouvoir de soigner, pas encore celui de se dédoubler. Enfin, un médecin arrivera pour t’ausculter et déjà on t’expliquera qu’on a besoin de libérer la pièce. Avec plus de 40 000 passages annuels et des locaux conçus pour 20 000, pas d’autres choix que de t’installer dans le couloir. Nous ne pourrons même pas t’accorder le réconfort d’avoir tes proches avec toi faute de place. Tu te sentiras résolument seul malgré l’agitation environnante. Il sera préférable que tu n’aies besoin de rien, parce que tu ne trouveras pas facilement quelqu’un de disponible. Mes collègues aides-soignants devant assurer des missions de coursier, assistant de radiologie et brancardier plutôt que de prendre soin de toi et rester à tes côtés. Mais tu ne pourras pas te plaindre, la dame âgée derrière toi qui crie "à l’aide", cela fait 17 heures qu’elle attend son lit, et on ne sait toujours pas où elle va passer la nuit. Voilà, cette journée se terminera et je rentrerai chez moi avec le sentiment de ne pas avoir pris soin de toi, ni des autres d’ailleurs… Je reviendrai demain, je te retrouverai assis sur cette chaise noire inconfortable au milieu du couloir. A 14h, il n’y aura déjà plus de places où "stationner" les brancards. 27 longues heures de patience, mon cher patient… Tu auras l’air tellement fatigué, mais tu auras surtout l’impression d’avoir été oublié. Par mesure d’économie, on ferme des lits d’hospitalisation, on réduit le personnel et on allonge le temps d’attente aux urgences. Alors s’il te plaît, ne m’en veux pas mais je n’y arrive plus, je suis à deux doigts de baisser les bras. Depuis longtemps je souffre intérieurement, mais depuis quelques temps mes larmes coulent dans l’indifférence. Mon cher patient, sincèrement pardonne-moi, mais on ne nous donne plus les moyens de prendre soin de toi. Même si ta santé n’a pas de prix, aujourd’hui malheureusement elle a surtout un coût. Nathalie, une infirmière épuisée" Après la lecture de la lettre le personnel en grève est ensuite allé défiler sur le rond-point situé devant l’hôpital, en portant un cercueil symbolisant la mort annoncée de son service des urgences.
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