Approuvé en commission des affaires sociales à l'Assemblée nationale, un amendement divise médecins et pharmaciens. S'il était voté en séance, il permettrait aux pharmaciens de délivrer aux patients certains médicaments soumis à prescription obligatoire sans passer par la case médecin, mais après protocolisation. Si la majorité des syndicats de médecins sont contre, une pharmacienne a tenu à adresser un message aux praticiens sur Facebook pour apaiser les tensions.
"Depuis toujours j’essaie de conserver des relations confraternelles et cordiales avec les médecins (et tous les autres professionnels de santé évidemment). Le patient en est le premier bénéficiaire. Mais depuis hier on (les pharmaciens) mange cher ici ou sur le forum de Jérôme Marty* [NDLR : président de l'UFMLS]. Pourtant il n’y a vraiment pas de quoi crier à la révolution !
"Rien de neuf !"
La CNAM va prendre en charge les médicaments que l’on pourra conseiller (terme consacré jusqu’ici) et donc prescrire (nouveau terme) aux patients pour une poignée de pathologies seulement. C’est déjà ce que l’on fait aujourd’hui à quelques détails près !!! La rhinite allergique : on va conseiller des anti H1. Wouah. Du délire. Et la sécu les remboursera. Donc là rien de neuf si ce n’est qu’on va en plus se taper un protocole d’enfer pour vérifier qu’on ne va pas tuer le patient. Eczéma : aucune idée de ce qui nous attend. Aurons-nous la liberté de soulager avec un peu d’hydrocortisone ? En tous cas nous serons limités aux cortisones d’activité faible donc pas de panique. Et là encore un protocole énorme à gérer.
"Faire gagner du temps à tous"
La cystite simple. Ça c’est hyper intéressant. Vous n’imaginez pas le nombre de patientes le samedi après-midi ou le dimanche en garde avec une cystite. Et on fait quoi ? Moi le cranberry j’ai toujours été circonspecte. Donc je n’en conseille jamais surtout en crise. Je préfère appeler sans fin pour trouver un médecin qui va la prendre entre 2 patients et faire une prescription de Monuril en 3 secondes. Mais ça emmerde tout le monde. Ces 3 questions on peut les poser et faire gagner du temps à tous. Nous y gagnons en temps. Le patient aussi. Et vous, médecins, pouvez vous consacrer aux patients qui ont besoin de plus de temps. Nous ne prenons pas la grosse tête. Je suis très amie avec les médecins de ma ville. On fait des EPU ensemble. On se coordonne on bosse ensemble. Ils savent quelles sont nos compétences ainsi que nos limites et me font confiance.
"Allez prendre un café avec votre pharmacien"
Ils sont très contents de cette nouvelle disposition qui m’évitera de les appeler pour qu’ils me prennent un patient entre deux pour un truc que je saurais gérer. Allez prendre un café avec votre pharmacien. Vous serez surpris de voir que c’est souvent une nana sympa ou un mec cool qui ne se prend pas la tête et qui essaie juste de bien faire le job. On a tous à gagner à faciliter le parcours du patient. Je préfère que le médecin soit dispo pour un patient qui est à 20/13 chez moi, qui a une dyspnée, qui a mal dans une jambe qui gonfle... Alors que s’il éternue, ça, je sais faire. Restez zen."
Une nouvelle compétence pourrait être confiée aux pharmaciens. Un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019, déposé par la députée LREM Delphine Bagarry, médecin urgentiste de profession, autorise les pharmaciens d'officine à dispenser "certains médicaments à prescription médicale obligatoire dans le cadre d’un protocole médical et de coopération conclu avec le médecin traitant et les communautés de santé des structures d’exercice coordonnées". La liste des médicaments serait définie par arrêté. Il s'agirait dans un premier temps d'une expérimentation, menée pour trois ans dans deux régions.
Delphine Bagarry prend exemple sur la Suisse, où depuis mars 2018 20% des pharmaciens dispensent sans ordonnance des médicaments normalement soumis à prescription médicale. "Plusieurs pathologies ont été identifiées comme la cystite, la conjonctivite ou l’eczéma par exemple", précise la députée.
Cette mesure, qui sera soumise au vote de l'ensemble des députés, s'inscrit "dans la droite ligne des coopérations recherchées au travers des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) qui devront mailler le territoire" et répond à l'objectif poursuivi par le Gouvernement de libérer du temps médical.
Les principaux syndicats de médecins (CSMF, MG France, UFML) se sont opposés à cet amendement. "Il s’agit là d’une remise en cause complète des contours de métier" de médecin a déploré la CSMF. "La prescription définit l’action du médecin", a ajouté MG France.
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