124 professionnels de santé ont dénoncé dans une tribune publiée dans Egora, les "pseudo médecines à l’efficacité non prouvée", à savoir les médecins alternatives ou complémentaires. Ils y appellent, entre autres à "encourager les démarches d’informations sur la nature des thérapies alternatives, leurs effets délétères, et leur efficacité réelle". Pour éclairer les débats, Egora a décidé de faire le point sur les quatre médecines alternatives et complémentaires" officiellement reconnues par de Conseil national de l’Ordre : l'ostéopathie, l’homéopathie, l’acupuncture et la mésothérapie. Que dit la science sur ces disciplines qui peuvent faire l'objet de titres et mentions autorisés sur les plaques et ordonnances des médecins ? Premier épisode : l'acupuncture.
Pour la plupart des traitements non conventionnels, le manque de données empêche toute évaluation sérieuse. "Ça n’est définitivement pas le cas en ce qui concerne l’acupuncture", notent les auteurs d’une synthèse de la littérature, publiée par l’Inserm en 2014 (Inserm U669). De fait, une recherche sur pubmed avec les mots clés acupuncture et clinical trial fait apparaître plus de 6 000 occurrences et les essais cliniques sur l’acupuncture ont fait l’objet de plusieurs centaines de méta-analyses et revues de la littérature. Cependant les travaux de bonne qualité scientifique sont beaucoup plus rares. Les applications obstétricales de l’acupuncture illustrent bien cet écart. Une revue de la littérature récente a mis en évidence 11 492 études sur ce sujet, dont 16 seulement répondaient aux critères d’inclusion (Bergamo TR et coll. Acupunct Med. 2018). A l’issue de leur analyse, les auteurs estimaient que l’acupuncture peut être utilisée pour soulager les douleurs de l’accouchement, favoriser la version en cas de présentation du siège, prendre en charge les lombalgies, mais que les données sont insuffisantes pour la recommander dans d’autres indications comme les nausées et les vomissements du 1er trimestre ou l’induction du travail. Une équipe allemande a retenu 5 revues systématiques et 3 essais randomisés de bonne qualité sur la prise en charge des troubles liés à la grossesse et conclu à un effet bénéfique de l’acupuncture sur les douleurs pelviennes et les lombalgies, les nausées, les limitations fonctionnelles et la qualité du sommeil, mais avec de faible effectifs et des résultats hétérogènes (Buchberger B . Int J Gynaecol Obstet. 2018) La Cochrane s’est, bien sûr, penchée sur ce sujet, pour en déduire, mais toujours avec prudence, que l’acupuncture est efficace pour la prise en charge des douleurs pelviennes liées à la grossesse (Liddle SD. Cochrane Database Syst Rev. 2015) et des douleurs de l’accouchement (Jones L.Cochrane Database Syst Rev. 2012), et qu’elle améliore la maturation du col lorsqu’elle est utilisée pour l’induction du travail, mais sans modifier les taux de césarienne ou de manœuvres instrumentales, ni le recours à l’ocytocine, par rapport à des soins standards ou à une acupuncture simulée (Smith C.A. Cochrane Database Syst Rev. 2017). Une revue récente concluait à l’absence d’effet significatif de l’acupuncture traditionnelle ou sur le point P6 du poignet sur les nausées et vomissements (Matthews A Cochrane Database Syst Rev. 2015). Ces analyses contradictoires soulignent à quel point les données restent fragiles. Dans une mise à jour publiée en 2010, le Collège national des gynécologues obstétriciens français (Cngof) considérait que, mis à part pour les nausées et vomissements gravidiques, "les essais thérapeutiques de qualité manquent pour permettre aujourd’hui de statuer", les bénéfices thérapeutiques observés étant très probablement liés, au moins en partie, à un effet placebo. Quelle que soit l’indication, l’évaluation est compliquée par un effet placebo puissant, attesté par de nombreuses études et d’autant plus difficile à exclure qu’un double aveugle est difficile, même avec des aiguilles permettant une acupuncture factice. Si les essais contrôlés par rapport à l’absence d’intervention montrent souvent un effet très significatif de l’acupuncture, les résultats sont, au mieux, très modestes quand la comparaison est faite par rapport à une acupuncture fictive. Ainsi une étude suédoise de bonne qualité avait montré l’efficacité de l’acupuncture, en association au traitement standard, par rapport au seul traitement standard pour la prise en charge des douleurs pelviennes au cours de la grossesse (Helden H et coll, BMJ 2005). La même équipe a répété cette étude, mais avec cette fois un groupe contrôle recevant une acupuncture fictive (Helden H et coll, BJOG 2008). Les scores de douleur étaient identiques dans les deux groupes. Migraine : des résultats positifs mais probablement modestes Dans quatre essais sur la migraine où l’acupuncture était comparée à l’absence d’acupuncture la fréquence des crises était diminuée de moitié chez 41 % des patients traités par acupuncture, mais 17 % seulement chez les autres (Linde K et coll. Cochrane Database Syst Rev. 2016). Cependant dans les 15 essais contrôlés par rapport à une acupuncture fictive, l’écart était beaucoup plus modeste (50% contre 41 %), quoique significatif, conduisant les auteurs à conclure que l’acupuncture peut être considérée comme une option thérapeutique pour les patients qui ne sont pas hostiles à ce traitement. Lombalgie : des résultats non significatifs vs acupuncture fictive Les lombalgies communes offrent une autre illustration de l’importance de l’effet placebo, souligné notamment par une métaanalyse de 7 essais comparant acupuncture fictive et soins standards (Xiang Y et coll. J.Pain Res.2017). Une équipe internationale a examiné par IRM des patients lombalgiques au cours de séances d’acupuncture réelles ou "fantômes" n’entraînant aucun stimulus tactile (Makary MM et coll. Sci.Rep.2018). Les patients qui pensaient avoir été réellement piqués, bien qu’ayant eu une acupuncture fantôme, bénéficiaient d’un effet analgésique significatif, associé à une activation du cortex préfrontal, déjà mis en évidence dans l’effet placebo. Une revue systématique déjà ancienne de la Cochrane (Furlan AD et coll.Cochrane Database Syst Rev 2006), indiquait que l'acupuncture est plus efficace qu’un placebo pour soulager les lombalgies chroniques, mais les différences n’étaient généralement pas significatives quand l’efficacité était comparée à celle d’une acupuncture fictive. En ce qui concerne les lombalgies aiguës, les auteurs jugeaient les preuves insuffisantes pour conclure. Dans ses dernières recommandations (2016), le National Institute for Health and Clinical Excellence (Nice) britannique préconise de ne pas proposer l’acupuncture dans la prise en charge des lombalgies, avec ou sans sciatique. Elle revient ainsi sur son précédent avis. Une métaanalyse réalisée par l’Acupuncture Trialists’ Collaboration indique, néanmoins, un effet significatif de l’acupuncture par rapport à une acupuncture fictive sur les douleurs liées à l’arthrose, aux céphalées et aux troubles musculo-squelettiques, conduisant les auteurs à considérer que l’acupuncture est une option thérapeutique "raisonnable" dans les douleurs chroniques (Vickers AJ et coll. J.Pain, 2017). Mais ce type de travail est-il réellement crédible ? Le rapport de l’Inserm pointait le fait que face à la grande hétérogénéité des études publiées les méta-analyses trouvent leurs limites. "On ne sait pas véritablement conclure alors que des données sont disponibles", résumait les auteurs. Une positivité par rapport à l’absence de soins D’autres revues de la Cochrane concernant, par exemple, la schizophrénie (2014), la dépression (2018), l’insomnie (2012), les céphalées de tension (2016), ou le sevrage tabagique (2014), conduisent à des conclusions voisines. "Pour bon nombre de douleurs chroniques, pour traiter des nausées et vomissements, on peut affirmer avec suffisamment de certitude que l’acupuncture a une efficacité supérieure à une absence de soin", estiment les auteurs du rapport de l’Inserm, mais, ajoutent-ils, "il est impossible de dire aujourd’hui si l’acupuncture, quelle que soit l’indication, est plus efficace quand elle est réalisée "dans les règles de l’art", ou quand elle est réalisée dans des zones de piqûre aléatoires, voire en simulant purement et simplement les piqûres". L’Académie de médecine , dans son rapport sur la place parmi les techniques de soins des thérapies complémentaires (2013) estimait, elle aussi, que l’acupuncture peut être bénéfique aux patients souffrant de lombalgies ou cervicalgies chronique, migraines ou céphalée de tension, arthrose, épicondylite, aux femmes enceintes éprouvant des douleurs lombaires ou du bassin, lors des douleurs de l’accouchement, pour prévenir les nausées et vomissements induits par la chimiothérapie anticancéreuse, mais en ajoutant que "l’effet placebo est le mécanisme d’action de l’acupuncture le plus plausible".
La classification commune des actes médicaux (CCAM) prend en compte la séance d’acupuncture, le prix de l’acte étant fixé à 18 euros. Les indications retenues, après avis de la HAS, sont, en traitement adjuvant et de deuxième intention, chez l'adulte, : nausées et vomissements en alternative thérapeutique, antalgique en association à d'autres traitements, syndrome anxiodépressif, en association avec un programme de prise en charge globale, aide au sevrage alcoolique et tabagique.
Peu de recommandations de bonne pratique de l’HAS, déjà anciennes, mentionnent l’acupuncture. Celle-ci est éventuellement recommandée comme traitement adjuvant de la douleur chronique dans la polyarthrite rhumatoïde (mars 2007), pour les nausées pendant la grossesse (avril 2005), les céphalées chroniques quotidiennes, couplée au sevrage (septembre 2004), les lombalgies chroniques (décembre 2000).
L’acupuncture peut être réalisée par les médecins ayant un DIU ou une capacité d’acupuncture, mais aussi par les sages-femmes ayant un DIU d’acupuncture obstétricale. Pour ces dernières la pratique de l’acupuncture est bien sûr réservée aux soins pré et post-nataux et à l’accouchement, ainsi qu’au suivi gynécologique de prévention. Un Centre intégré de médecine chinoise a été créé au Groupe Hospitalier Universitaire, La Pitié Salpêtrière - Charles Foix, afin de contribuer à l'évaluation de l’acupuncture et des autres techniques de médecine chinoise.
Un rapport de la Drees comptait 3 442 médecins exerçant l’acupuncture en 2011 (Daniel Sicard « Les médecins au 1er janvier 2011 »)
L’assurance maladie fait état d’un peu plus de mille médecins acupuncteurs, tandis que la consultation du Répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS) en indique 1864.
Il est probable qu’un certain nombre de personnes, non médecins par exemple, pratiquent l’acupuncture en dehors de ces règles. En 2012, le Dr Michel Fauré, président du Syndicat national des médecins acupuncteurs français (Snmaf) estimait entre 4 000 et 6 000 le nombre de personnes pratiquant l’acupuncture de manière illégale en France.
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